Il aura suffi d’un petit kilomètre de route asphaltée pour transformer la zone et lui donner un nouveau souffle : à l’extrémité sud de la nouvelle route Nord-Alexis (anciennement appelée Ravine Pintade), de nouveaux commerçants et chauffeurs de mototaxis interpellent les clients, tandis qu’à l’autre extrémité des jeunes profitent de l’espace plat pour jouer au basket. Des taps-taps colorés, des élèves en uniforme montent et descendent la pente, des habitants achètent de l’eau, et des ouvriers s’activent sur des constructions en cours.
Eddy Estimé, notable de la zone, dont la famille habite le quartier depuis l’époque où l’on pouvait encore y chasser des pintades, se souvient qu’il y a encore quelques mois la route en terre battue, était impraticable pour les voitures et même les motos à cause de la ravine et des grosses pierres. Les voitures pouvaient entrer sur quelques mètres mais devaient faire demi-tour. Comme beaucoup de riverains qui espéraient une route depuis longtemps, lorsque les travaux ont commencé en 2013, Eddy Estimé doutait qu’ils finiraient. « C’est une chose formidable. (..).J’ai envoyé la photo de cette route à mes enfants aux Etats unis. Ils sont étonnés, ils n’auraient jamais pensé que la route aurait cette dimension ».
Deux fois le salaire minimum journalier
En tant que contremaitre, Jean Wilfried Pierre Louis, habitant dans la zone, a pu profiter de la construction de la route pour y exercer son métier et économiser pour s’acheter une moto. Homme de ressource, il a saisi l’occasion pour devenir moto taxi et facilite le transport de passager sur cette route. « Je peux gagner 500 gourdes par jour (USD 11 dollars), » déclare-t-il, soit deux fois le salaire minimum moyen journalier. La route est utile à l’ensemble de la communauté : il y a beaucoup de voitures qui passent par cette route pour éviter des embouteillages surtout dans les heures où les enfants vont à l’école constate-il.
L’accès aux biens et services a augmenté, notamment avec l’accès facilité aux camions d'eau et au ramassage des ordures pour les habitants du quartier. En plus des travaux routiers, la réhabilitation et l’extension des réseaux électriques et de l’eau potable, ainsi que le drainage effectués en parallèle, ont nettement amélioré les conditions de vie des residents.
Du sport, de la lumière, des logements
« Après le séisme, ici tout était totalement détruit », affirme le jeune Pierre Ansy, son ballon à la main en regardant ses amis s’entrainer. « Nous ne pouvions jouer ni au football ni au basket ». Il se réjouit d’avoir ce nouvel espace à l’extrémité nord de la route pour pratiquer leur sport. Il rajoute : « de plus nous avons des lampadaires solaires pour que nous puissions jouer la nuit ». En tout ce sont 30 lampadaires qui ont été installés. Selon Pierre, des joueurs viennent de tous les quartiers. D’ailleurs ils ont reçu une autorisation pour fermer la route et organiser un championnat de basketball.
Cette route fait partie du volet réhabilitation et construction d’infrastructures du Projet de Reconstruction des Quartiers Défavorisés (PREKAD) mise en œuvre par le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD) dans plusieurs quartiers avec un financement de 65 millions de la Banque mondiale/Fonds de reconstruction d’Haïti. Dans ce cadre, rien que sur la route Nord-Alexis 17 maisons ont été réparés, 20 familles occupant des tentes y ont été relogées et 14 unités de logements sont en cours de construction.
Pour le professeur Marise D. Généus, une habitante du quartier la route qui passe devant sa maison représente non seulement une amélioration en termes de confort mais aussi un stimulant économique : « tout le monde veut reconstruire sur son terrain depuis qu’il y a la route », conclut-elle.
