ARTICLE

L’Afrique de l'Ouest mise sur l’entreprenariat

07 février 2011


LES POINTS MARQUANTS
  • 16 pays d'Afrique de l'Ouest modifient la réglementation des affaires et des prêts afin de convertir des milliers d'entrepreneurs à l'économie formelle.
  • 250 millions de dollars de crédit devraient être mis à la disposition du secteur privé.
  • Les nouvelles règles sont susceptibles d’intéresser en premier lieu les femmes entrepreneurs.

Le 7 Février 2011 – Les pays d'Afrique de l'Ouest se rangent parmi les pays où les obstacles aux activités du secteur privé sont les plus nombreux. Les observateurs sont cependant enclins à penser que de récents amendements apportés au droit des affaires dans plusieurs pays de la région vont ouvrir la voie à un avenir plus radieux pour l’entreprise privée.

Seize pays (et bientôt dix-sept) se sont en effet engagés ensemble dans un mouvement de réforme du climat des affaires axé sur l’élargissement de l'accès au crédit et la réduction des obstacles à la création d'entreprise. Les amendements adoptés à l’unanimité de ces pays en décembre 2010 vont notamment élargir la gamme des garanties acceptées en nantissement et devraient permettre, selon une étude interne de la Banque mondiale, de mettre 250 millions de dollars de crédit à la disposition des petites entreprises.

Selon les experts du Groupe de la Banque mondiale, les nouvelles modalités d'immatriculation des entreprises également instituées devraient avoir pour effet de convertir des milliers d'entrepreneurs à l'économie formelle. « Les petites et moyennes entreprises sont le cœur de l'économie africaine », déclarait en décembre dernier le ministre de la Justice du Togo, M. Biossey Kokou Tozoun. « Il est par conséquent capital que les petits entrepreneurs puissent s'adresser aux banques pour obtenir des prêts et que tout soit fait pour les inciter à intégrer l'économie formelle. »

Pierre Guislain, directeur du département Climat de l‘investissement au sein du Groupe de la Banque mondiale, voit dans cette réforme « un grand pas dans la bonne direction » et forme le vœu qu’elle soit « le déclencheur d'un processus plus vaste » qui incitera les pays à « donner une priorité accrue à l’amélioration de l’environnement des affaires ».

Les femmes entrepreneurs, premières bénéficiaires

L'une des avancées majeures de la réforme est la création d'un nouveau statut – celui de l’entreprenant – qui simplifiera les démarches pour les chefs de micro et petites entreprises n'ayant pas les moyens de faire appel à un avocat pour l’immatriculation de leur société. « Ce nouveau statut devrait surtout intéresser les femmes, notamment dans les régions rurales et semi-rurales, car il va faciliter leur accès au crédit formel et aux prestations sociales », affirme Lionel Black Yondo, chef d’un projet mis en place par le Groupe de la Banque mondiale en appui à la réforme (et géré également par Xavier Forneris).

La nouvelle réglementation élargit en outre considérablement la gamme des biens acceptés par les banques à titre de garantie. Jusqu’ici limitée aux biens immobiliers – sachant que dans la plupart des cas les emprunteurs ne détiennent pas de titre de propriété  officiel –, la gamme des garanties pour les entreprises s’étendra à toutes sortes de biens meubles présents et futurs (effets à recevoir, flux de trésorerie, matériels et équipements). Selon Lionel Black Yondo, les banques seront en mesure de mieux gérer et limiter le risque et de prêter dans un environnement plus sûr. En conséquence, souligne-t-il, les banques pourront baisser les coûts et augmenter le volume du crédit dans la région, contribuant ainsi à soutenir le développement du secteur privé et la croissance économique.

Conjugués à un ensemble plus vaste de réformes sur la modernisation et l'informatisation des registres des entreprises et des garanties, ces changements vont « instituer un nouveau régime qui permettra aux personnes de sortir du secteur informel sans avoir à payer les coûts de transaction liés à la création légale d'une entreprise dans le secteur formel », ajoute M. Guislain.

Des pays en quête de progrès dans le climat des affaires

Les réformes adoptées en Afrique de l'Ouest s’inscrivent dans une situation où les pays de la région sont systématiquement classés dans le dernier quart des 183 pays recensés par l'indice Doing Business – un indice mis au point par le Groupe de la Banque mondiale et mesurant la facilité de faire des affaires à l’aune de neuf indicateurs. Dans l’édition 2011 du classement, le Burkina Faso – celui des 16 pays qui a le plus progressé au cours des cinq dernières années et l'un des 10 premiers pays réformateurs dans le monde en 2008 – occupe la meilleure place (151 e), alors que le Tchad est le moins bien placé (183 e).

Par ailleurs, de vastes pans de l’économie des pays de la région sont informels – entre 30 % et 50 % du produit intérieur brut (PIB) selon les estimations –, ce qui signifie que nombre d’entreprises et de travailleurs ne sont pas soumis à la réglementation ni à l’impôt. Si leur caractère informel permet aux entreprises de garder pour elles une plus grande part de leurs profits, il empêche ou réduit en revanche leur accès aux financements bancaires et aux services publics. Il prive en outre l’État de recettes budgétaires qui pourraient aider à financer l'amélioration des infrastructures, ainsi que d'autres biens et services publics.

Une réforme commune et applicable à 16 pays

Plusieurs pays ont, chacun séparément, commencé à prendre des mesures pour améliorer le climat des affaires, mais c’est dans le cadre de l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) que les grandes réformes en question ici ont été mises en œuvre. Unique en son genre sur le continent, l'OHADA promulgue des lois communes à ses 16 pays membres (et bientôt 17, avec l’adhésion prochaine de la République démocratique du Congo).

Ces lois couvrent huit champs du droit des affaires (droit commercial général, sûreté des transactions, droit des sociétés, arbitrage, recouvrement de créances, faillite, comptabilité et transport de marchandises par route). Toute modification apportée aux lois de l'OHADA nécessite l'accord de tous les pays membres et s'applique dans chacun des droits internes.

Le Groupe de la Banque mondiale s'est associé au programme de réforme juridique il y a quatre ans, à la demande de plusieurs gouvernements. Le programme a également reçu un appui financier de la part du Service-conseil du Groupe de la Banque mondiale sur le climat de l'investissement, ainsi que de la France.

Pour Xavier Forneris, spécialiste du droit de l'investissement au sein du Groupe de la Banque mondiale, les récents amendements sont « le fruit d’une initiative courageuse et du travail mené par l'OHADA, son Secrétariat permanent, les commissions nationales et tous les experts qui se sont mobilisés autour du programme ».

Informer et sensibiliser

Le Groupe de la Banque mondiale prévoit de soutenir les pays par le biais d'une campagne d'information publique, financée en partie par un don d'assistance technique (en cours d’examen) et destinée surtout à sensibiliser les entreprises et les banques aux nouvelles réglementations.

Entre autres projets, la Banque souhaite également aider l'OHADA à « adopter des règles qui faciliteront la pratique des affaires au niveau infrarégional et qui permettront notamment aux entreprises d'un pays de faire des affaires dans un autre sans avoir à accomplir des démarches administratives longues et compliquées », explique M. Guislain. « Il y a de nombreux pays en Afrique de l'Ouest qui peuvent aller bien au-delà des réformes initiées par l'OHADA, et nos équipes s’y emploient à aider les pouvoirs publics à favoriser l’environnement des affaires. Nous espérons que ces efforts porteront leurs fruits et qu’ils se traduiront par des améliorations significatives, lesquelles inciteront progressivement d'autres pays à s’engager dans la même voie. »


Api
Api

Bienvenue