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ARTICLE15 novembre 2022

En République démocratique du Congo, des solutions à la dégradation des forêts axées sur les besoins de la population

The World Bank

Nzako Ilanga devant sa maison. 

Photo : Creative Lens/Banque mondiale

Tous les jours, partout dans le monde, les gens ont besoin de manger. En République démocratique du Congo (RDC), cela signifie souvent préparer du fufu, un mélange de farines de manioc et de maïs que l'on cuit dans de l'eau bouillante au-dessus d'une source de chaleur. Et cette chaleur, dans la plupart des cas, provient du charbon de bois ou du bois de chauffe, tous deux extraits des forêts congolaises. Bien que l'on puisse voir ici et là des panneaux solaires sur les toits de chaume des petits villages et dans les cours des maisons modernes pour alimenter les ampoules et charger les téléphones, la cuisine nécessite une chaleur plus forte et plus régulière.

"Mon premier choix est le charbon de bois", dit Alpha Mweme, une jeune femme de la petite ville de Nioki dans la province de Mai Ndombe. Un sac de charbon de bois permet à sa famille de tenir un mois. "Si je ne peux pas me permettre d'acheter du charbon de bois, je cherche du bois de chauffe. Et si je n'ai pas de bois, je ne peux pas cuisiner".

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Dans la ville de Nioki, Alpha Mweme prépare tous les repas familiaux au charbon de bois ou au bois de chauffage. Photo : Creative Lens/ Banque mondiale

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Nzako Ilanga ramasse les branches mortes et les membres des arbres qui ont été abattus lors du défrichage de son champ. Cinq chargements suffisent à alimenter le feu qui sert à préparer les repas de sa famille chaque semaine. Photo: Creative Lens/ Banque mondiale

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Guysha Izemengwe s’occupe d’une grande fosse à charbon de bois artisanale au bord d'une route dans un paysage forestier dégradé. Il lui faut environ 100 branches pour fabriquer 22 sacs - qu'il vend à environ 3,50 dollars le sac. Photo: Creative Lens/ Banque mondiale

Seuls 3,7 % de la population de la RDC avaient accès à des combustibles et à des technologies propres pour cuisiner en 2020. Dans les zones rurales, ce pourcentage était presque nul - 0,5 % selon le même rapport. Un système omniprésent de charbonniers, de porteurs et de barges fluviales (dites “baleinières”) achemine le charbon de bois dans les villages et les villes, jusque même dans la capitale de Kinshasa, tandis que les femmes transportent de gros fagots de bois de chauffe, jour après jour. L'absence d'alternative au charbon et au bois de chauffe entraîne non seulement un travail fastidieux et des maladies respiratoires liées à la fumée, mais aussi une dégradation constante des forêts de RDC qui menace l'intégrité de la deuxième plus grande forêt tropicale du monde.

Pour inverser la tendance et mieux protéger les forêts de la RDC, il faudrait faire un énorme bond en avant dans l'accès aux technologies de cuisson propres et une augmentation exponentielle de l'accès à l'énergie moderne, le type d'énergie qui peut soutenir des activités productives génératrices de revenus dans les villages et les petites villes. En attendant, il est essentiel d'adopter une approche intégrée qui reconnaisse les besoins des populations, réduise la grande pauvreté et préserve les ressources pour l'avenir.
Albert Zeufack
Albert Zeufack
Directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RDC

Dans la province de Mai-Ndombe, cette approche est défendue par le projet intégré REDD+, connu sous le nom de PIREDD/Mai-Ndombe, mis en œuvre par le ministère de l'Environnement et du Développement Durable depuis 2018, avec l’appui de la Banque mondiale et le financement de l’Initiative pour la forêt d'Afrique centrale (CAFI) et du Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Plutôt que d'opposer les gens aux arbres, ou le développement à l'environnement, ce projet de six ans cherche à s'attaquer à la pauvreté énergétique et aux faibles rendements agricoles qui sont à l'origine de la plupart des déforestations.

À ce jour, le projet a :

  • facilité la conception de 480 plans d'utilisation des terres validés par les comités locaux de développement
  • généré 4 325 hectares de plantations agroforestières combinant une série de cultures et d'arbres qui créent des revenus supplémentaires pour les communautés
  • mis en défens près de 10,000 hectares de savane et 2 194 hectares de forêt pour lutter contre les incendies et favoriser la régénération naturelle, augmentant ainsi la végétation, la biodiversité et le stockage de carbone
  • récompensé les communautés pour leurs efforts à hauteur de 1,7 millions de dollars. En paiements pour services environnementaux

À Konkia, une communauté rurale située à l'extérieur de Nioki, une nouvelle plantation d'acacias de 81 hectares s'étend à perte de vue. Combinant des avantages environnementaux et économiques, elle est emblématique de la philosophie du projet, centrée sur les besoins des populations.

La première année, le manioc a été cultivé en association avec les jeunes plants d'acacia afin de démontrer les avantages de la culture dans la savane. "Les agriculteurs étaient sceptiques au début", concède Jean Claude Muwo, agronome travaillant pour le ministère de l'Environnement et le projet PIREDD/Mai-Ndombe, "car les gens sont habitués à cultiver dans la forêt". Mais les rendements plus élevés et la plus grande résistance aux maladies de la variété de manioc introduite dans la savane ont commencé à faire des disciples. L'espoir est que davantage d'agriculteurs abandonnent l'agriculture itinérante sur brûlis dans les zones forestières, une pratique qui apporte un gain de fertilité aux cultures au cours des deux premières années suivant l'abattage des arbres, mais qui contribue à une déforestation importante en RDC.

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Le projet a introduit des variétés améliorées de manioc dans la savane ouverte de Konkia. Photo : Flore de Preneuf/ Banque mondiale

Les acacias de la plantation, maintenant âgés de deux et trois ans, fournissent déjà de l'ombre et un habitat favorable au retour des champignons, des baies et des antilopes sur des terres autrefois marginales. Les villageois parcourent également le sous-bois à la recherche de feuilles de manioc sauvage et de chenilles qui les nourrissent pendant la saison sèche. Et une fois que les arbres auront atteint leur maturité - généralement après sept ans - ils seront récoltés pour produire du charbon de bois.

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"Un hectare de forêt d'acacias contient 1 100 arbres qui peuvent donner environ 500 sacs de charbon de bois", explique M. Muwo. Si les 81 hectares d'acacias continuent d'être bien gérés, protégés des incendies et reconstitués, cette production pourrait fournir des revenus importants et contribuer à réduire la pression sur les forêts naturelles en répondant à la demande d'énergie de manière plus durable. Ce type de plantation fait partie des "solutions fondées sur la nature" pour ralentir le changement climatique, qui sont au centre de l'attention internationale à la COP27 cette semaine.

La déforestation et la dégradation des forêts font également des ravages locaux, et méritent l’attention nationale que leur porte les autorités de la RDC. La disparition de la forêt est visible dans l'écoulement quotidien de bois transporté à dos et à vélo, provenant de la forêt en recul près d'Inongo. Elle est également tangible pour les chasseurs du village de Mombokonda, où vivent environ 750 personnes membres des Peuples Autochtones, à environ 12 km au nord de la capitale provinciale d'Inongo.

"Dans le passé, nous vivions juste à côté d'une forêt dense. Nous aurions déjà vu du gibier", commente Jacques Bokolo, secrétaire du comité local de développement, alors qu'un petit groupe de chasseurs et de chiens se frayent un chemin à travers les repousses, les lianes et les buissons pour vérifier les pièges à animaux. "Les animaux se réfugient de plus en plus dans les zones forestières marécageuses où les gens ne peuvent pas cultiver et où il y a moins de feu et moins de bruit."

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Les chasseurs du village autochtone de Mombokonda doivent voyager beaucoup plus loin que par le passé pour trouver du gibier. Photo : Creative Lens/ Banque mondiale

En conséquence, les villageois ont demandé de l'aide pour construire des structures permanentes afin d'élever du petit bétail - canards, chèvres, cochons et abeilles - en rupture avec leur mode de vie habituel. Les structures, encore inachevées, représentent une prise de conscience que la forêt ne peut plus répondre à tous leurs besoins.

"Je cultive du maïs, des haricots, du manioc, des aubergines, de l'amarante, des courges...", dit Nzako Ilanga en énumérant la liste des cultures sur brûlis qu'elle fait pousser dans la forêt près du même village. "Je vends une partie des récoltes pour faire face aux dépenses, mais c’est souvent insuffisant pour acheter des choses comme du savon et des vêtements. J'aide aussi les membres de ma famille lorsqu'ils sont en difficulté," explique cette mère de sept enfants, "ce qui fait que je me prive souvent d’alimentation."

La foLa forêt ne suffit plus aux Peuples Autochtones pris entre une ressource naturelle dégradée et une économie moderne qui demande toujours plus d’argent. Mais elle continue de fournir des aliments et de l'énergie à des millions de Congolais. "La forêt est une ressource de première nécessité pour une majorité des personnes les plus pauvres en RDC", explique Pierre Guigon, spécialiste principal de l'environnement à la Banque mondiale. "Le modèle du PIREDD permet aux communautés d'améliorer leurs moyens de subsistance et de satisfaire une plus grande part de leurs besoins en énergie et en sécurité alimentaire grâce à l'agroforesterie dans les zones de savane. C'est un investissement simultanément dans la réduction de la pauvreté et dans une plus grande résilience et durabilité des ressources." A l’image de la savane productive et reboisée de Konkia, cette expérience donne l’espoir de jours meilleurs – pour les hommes comme pour les forêts.  

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