BRAZZAVILLE, le 4 avril 2017—La silhouette robuste et le geste vif, Adèle Banzouzi affiche la bonhommie naturelle et communicative de ces mamans congolaises sur qui aucune adversité ne semble avoir de prise. Elle force l’admiration par son énergie débordante et son esprit d’initiative. Pourtant, à 55 ans, cette « mère-courage » a traversé bien des épreuves dans sa vie : elle a perdu son mari en 2009 après 23 années de mariage, se retrouvant ainsi seule à élever les six enfants qui ont survécu, sur les huit qu’elle a portés. Pour ne rien arranger, dans un pays où les femmes ne possèdent pas les mêmes droits fonciers, le décès du conjoint rime souvent avec expropriation. Sa belle-famille s’est ainsi accaparée la parcelle de son défunt époux et a chassé Adèle et ses enfants. Elle a été recueillie par sa famille dans une masure de deux pièces à Ngangouoni, un quartier populaire du premier arrondissement de Brazzaville, Makélékélé. « Je tenais une petite épicerie qui m’aidait à survivre avec mes enfants ; mais sans le soutien financier de mon mari, je n’ai plus réussi à m’en sortir. J’accumulais dette sur dette », raconte-t-elle.
C’est alors qu’elle est contactée par le comité communautaire de ciblage, mis en place dans son quartier par le projet Lisungi, de système de filets de protection sociale, financé par la Banque mondiale. En décembre 2015, elle est convoquée à la circonscription d’action sociale (CAS) de Makélékélé pour signer son contrat moral avec Lisungi et retirer son livret des transferts monétaires du bénéficiaire. Dans la foulée, elle reçoit sa première allocation de 60 000 francs CFA, (environ 97 dollars), soumise à certaines conditions relatives à l’éducation et à la santé de ses enfants. « Ce fut pour moi un tel soulagement et une telle joie que je ne peux même pas le décrire », témoigne Adèle. Avec ce petit capital, sa première préoccupation est d’épurer une partie de ses dettes et payer les frais, tenues et autres matériels scolaires pour ses trois plus petits enfants vivant encore sous son toit, les autres s’estimant suffisamment grands pour « se débrouiller » tous seuls. Elle investit le reste de son argent dans un commerce de pain qu’elle réussit peu à peu à stabiliser et à rentabiliser.