Lagos, au Nigéria, est la sixième plus grande ville de la planète. C’est aussi celle qui connaît la croissance la plus rapide et l’une des plus congestionnées au monde. Les trajets domicile-travail peuvent y être particulièrement compliqués. Jusqu’à récemment, les options dont disposaient les habitants se limitaient à des minibus : les danfos, de petite taille, et les molues, un peu plus grands. Les conditions de circulation étaient mauvaises et les transports très coûteux.
Grâce à des financements de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement, l’Autorité de transport de la zone métropolitaine de Lagos (ou LAMATA selon son acronyme en anglais) a mis au point et en place le premier réseau de bus (a) d’Afrique. Cette initiative avait pour objectif de simultanément améliorer l’efficacité des transports dans la ville et réduire les émissions qu’ils génèrent. Couronné de succès au-delà de toutes les espérances, le système a transporté plus de 400 millions de passagers au cours des cinq dernières années d’exploitation. Selon la LAMATA, du fait de l’utilisation des bus et de la réduction des déplacements en voiture privée, les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées aux transports ont baissé d’environ 13 % dans les zones couvertes par le projet. Et on a aussi assisté à une réduction de 20 % des accidents de la route dans ces zones.
L’équation transports-climat
Répondre à la demande croissante de services de transport est un défi auquel tous les pays sont confrontés, qu’ils soient développés ou en développement. Parallèlement, les transports représentent 23 % des émissions de CO2 liées à l’énergie et contribuent donc significativement au changement climatique. Autre aspect qui vient compliquer l’équation, les systèmes de transport qui ne sont pas en mesure de faire face aux effets déjà perceptibles du changement climatique s'avéreront extrêmement onéreux. En effet, ils présenteront des coûts de maintenance et de réparation élevés, limiteront l’accès des popuations locales aux emplois, aux écoles et aux hôpitaux, et provoqueront de grosses pertes économiques. Veiller à ce que les investissements dans les transports s’effectuent dans une logique de résilience climatique est également essentiel pour que les autres secteurs soient en mesure de rebondir rapidement après une catastrophe naturelle ou un choc économique lié au climat.
Toutefois, de l’autre côté de la balance, comme l’illustre l’exemple du réseau de Lagos, les systèmes de transport respectueux du climat sont aussi ceux qui desservent le mieux les membres les plus pauvres et les plus vulnérables de la population citadine, parce qu’ils sont moins chers et fournissent souvent de meilleures capacités d’accès que les autres moyens de transport. Les femmes sont par exemple moins susceptibles de posséder et d’utiliser une voiture, et ont plus tendance à se déplacer à pied ou à utiliser principalement les transports publics. En éliminant des routes les voitures et les minibus, les systèmes de transports en commun (par bus, métro ou train) améliorent aussi la sécurité routière. Autre aspect important, si les investissements d’aujourd'hui dans des transports durables généreront des dividendes sur le plan économique, social et climatique, tant dans l’immédiat que pour les générations futures, l’inverse est également vrai : les investissements réalisés aujourd'hui dans des transports gourmands en carbone enfermeront les pays et les villes qui font ce choix dans des trajectoires de développement non durables.
Les banques multilatérales de développement (BMD) se tiennent prêtes à appuyer les engagements pris lors de la COP21 en matière de transports
Ce message a été largement entendu. Un nombre significatif d’États manifestent leur engagement à investir davantage dans les transports respectueux du climat dans les contributions nationales qu'ils présentent en amont de la COP21. Le Bénin, par exemple, s’est engagé dans ce cadre à améliorer les conditions de circulation dans les grandes villes, à développer un système de transport fluvio-lagunaire sur les cours d’eau navigables, et à moderniser et étendre ses infrastructures ferroviaires existantes. Le Bangladesh a quant à lui identifié une mesure d’atténuation potentielle qui passerait par un transfert modal de la route au rail, en développant les réseaux de métro tout en étendant les systèmes de bus express dans les zones urbaines. Le pays a également annoncé son intention de désengorger le trafic routier, notamment en bâtissant des voies rapides et en prenant des mesures en faveur des transports en commun.