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Comment mieux gérer les risques climatiques au Niger?

03 avril 2013


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© Focx Photography

LES POINTS MARQUANTS
  • L’initiative 3 N « Les Nigériens nourrissent les Nigériens » vise à lutter contre l’insécurité alimentaire
  • Au Niger, la sécheresse est de loin le risque le plus important auquel le pays est confronté
  • La Banque mondiale s’est engagée à fournir un appui technique au Niger afin de renforcer la résilience des systèmes agricoles et pastoraux

NIAMEY, le 3 avril 2013- Pays enclavé et pour l’essentiel désertique, le Niger est l’un des pays les plus affectés au monde par l’insécurité alimentaire. El Hadj Adama Touré, économiste à la Banque mondiale et spécialiste en agronomie, explique comment le pays peut mieux faire face aux aléas climatiques.

1.      La position géographique et le climat du Niger rendent le secteur agricole particulièrement vulnérable. Quelles mesures le gouvernement nigérien et la Banque mondiale ont-ils mises en place pour faire face à cette extrême vulnérabilité?

 Le Niger est en effet l’un des pays les plus vulnérables au monde du fait de son exposition aux risques climatiques mais aussi de son enclavement géographique. A cela, s’ajoutent  les risques résultants de l’extrémisme politique au niveau interne et régional. Tous ces facteurs affectent d’une manière ou d’une autre les performances du secteur agricole et la sécurité alimentaire et nutritionnelle. La Banque mondiale se réjouit que le gouvernement ait développé fin 2011 l’initiative 3N («les Nigériens nourrissent les Nigériens »)  pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle et le développement agricole durable, qui signale sa volonté de prendre à bras le corps le problème de l’insécurité alimentaire. La Banque mondiale est déjà l’un des partenaires les plus présents dans le secteur et est en train de réaligner ses interventions dans le secteur en soutien à l’Initiative 3N. Il s’agit de fournir l’appui technique au Niger pour renforcer la résilience des systèmes agricoles et pastoraux sur le long terme et sortir progressivement du mode d’urgence dans lequel la majeure partie de nos opérations ont été malheureusement confinées.

2.      En quoi consiste exactement le rapport "évaluation des risques du secteur agricole au Niger »?

Ce rapport, publié et présenté au ministère de l’agriculture en janvier dernier, s’inscrit dans la perspective à long terme d’une agriculture (au sens large du terme) nigérienne performante, c’est-à-dire à la fois compétitive à l’intérieur des frontières mais aussi sur le marché sous-régional et résiliente aux différents risques auxquels elle est le plus fréquemment confrontée. A la demande et en collaboration avec le gouvernement du Niger, à travers le Haut-Commissariat à l‘initiative 3N et les ministères techniques concernés, la Banque mondiale a réalisé une évaluation des risques dans le secteur agricole du Niger, qui a permis entre autres: (1) de faire une analyse systématique de tout un ensemble de risques agricoles et de leurs effets sur une longue période (1980–2012) ; (2) de déterminer le poids de la sécheresse par rapport aux autres risques agricoles ; (3) de hiérarchiser les risques agricoles les plus importants pour le pays sur la base de critères objectifs ; (4) de proposer un cadre de gestion des risques pour les atténuer, les transférer et/ou les gérer suivant les priorités et d’instaurer un  mécanisme de filtrage permettant de sélectionner les interventions le plus efficaces en matière de gestion de risques agricoles.

3.      Si l'on prend les sécheresses, les invasions acridiennes, les inondations, pour ne citer que celles-ci, qu'est ce qui représente le principal risque au Niger? Et pourquoi?

Ces risques pesant sur les productions agricoles et animales sont de loin les risques les plus importants, comparativement aux risques de marchés ou relatifs à l’environnement socio-politique, de par leur fréquence et les niveaux de pertes induites en cas d’occurrence. Et parmi ces risques, la sècheresse est sans aucun doute le risque le plus important, et de loin, auquel les systèmes agricoles et pastoraux sont confrontés au Niger.

4.      Quid de l'instabilité des prix des produits alimentaires ? Comment le consommateur s'en trouve-t-il affecté?

L’instabilité des prix des produits alimentaires est une source de préoccupation majeure pour les consommateurs, surtout depuis 2008 avec la flambée des prix des produits alimentaires. Il faut noter qu’au Niger, il existe un lien très étroit entre les variations saisonnières des prix et l’incidence de la sécheresse et des autres risques de production. On pourrait dire qu’en général la flambée des prix y est d’abord une conséquence de l’occurrence de ces risques qui réduit fortement la production et la disponibilité alimentaire. Il s’en suit une restriction dans l’accès à l’aliment surtout pour les ménages ruraux acheteurs nets de produits alimentaires et les ménages les  plus pauvres en zones urbaines, avec des conséquences dramatique sur l’état nutritionnel de leurs enfants.

5.      Et plus concrètement, avec les crises dans les pays frontaliers du Niger, l'insécurité ne vient-elle pas aggraver les échanges commerciaux pour les agriculteurs?  

L’instabilité politique  et l’insécurité sont des risques qui peuvent avoir des conséquences sur le secteur. Ces effets résultent souvent de l’occurrence de ce risque à l’interne, mais les sources peuvent provenir aussi de l’extérieur.  Même quand le risque  est strictement externe (en dehors  des frontières du Niger), les conséquences peuvent être dramatiques pour certaines filières d’exportation (bétail sur pied, niébé, oignon, poivron) dont le marché est constitué des pays limitrophes. D’une manière générale, il se traduit par une réduction de l’accès à certaines régions, ce qui entraîne un accès plus restreint aux marchés ruraux, une augmentation des prix alimentaires et le blocage de l’aide ; la réduction des investissements publics et privés face à des niveaux d’incertitude élevés ; la réaffectation des dépenses publiques à des fins militaires au détriment des autres services publics ; et la perte de l’aide des donateurs. Ce risque peut avoir des effets plus importants sur le secteur agricole lorsque son occurrence coïncide avec des événements climatiques extrêmes comme la  sécheresse de 1995 par exemple.

6.      Est-ce qu'une équipe de suivi et de soutien a été mise en place entre la Banque mondiale et le gouvernement ou une entité spécifique afin de mettre en œuvre un plan d'action?

En effet, la Banque mondiale a répondu favorablement à la demande du gouvernement de poursuivre son appui technique au-delà de la production du rapport d’évaluation. Sous la direction du Haut-Commissariat à l’initiative 3N, une équipe technique a été mise en place pour affiner et finaliser l’esquisse de  plan d’action qui en avait résulté.

7.      Qu'elles seront les prochaines étapes côté Banque mondiale?

La question de la gestion des risques est au centre des discussions stratégiques  à la Banque en ce moment. Le nouveau Rapport sur le Développement Mondial (World Development report 2014) sera consacré à cette thématique. Le forum du Département sur le Développement Durable (SDN Forum 2013) de la Banque mondiale  qui s’est tenu du 25 Février au 8 Mars 2013 s’est appesanti en particulier sur les problèmes de changements climatiques et de croissance verte (voir le rapport « Turn Down the Heat: Why a 4°C Warmer World Must be Avoided » qui prédit que la température moyenne mondiale risque d’augmenter de 4 °C d’ici la fin du siècle). Pour ce qui concerne le Niger spécifiquement, la nouvelle stratégie de partenariat avec le Niger (CPS) prévoit de consacrer des ressources substantielles à la mise en œuvre du plan d’action sur la résilience à long terme. La Banque mondiale a également engagé des discussions avec le gouvernement et les partenaires techniques et financiers pour une meilleure coordination des interventions sur la résilience du secteur afin d’en multiplier les impacts. 


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