TELECHARGER: FULL TEXT (PDF)
Le rapport d'évaluation de la pauvreté à Madagascar lancé en février 2024 rend compte de l'évolution de la pauvreté et des conditions de vie à Madagascar au cours de la dernière décennie (2012-2022). En voici les principales conclusions :
La pauvreté nationale a stagné tandis que la pauvreté urbaine augmente de façon alarmante.
En 2022, 75,2 % de la population nationale était pauvre : 79,9 % dans les zones rurales et 55,5 % dans les zones urbaines. Alors que la pauvreté rurale a légèrement diminué au cours de la décennie, la pauvreté urbaine a connu une augmentation significative de 31,5 %. Cette augmentation a été particulièrement spectaculaire dans les villes secondaires, où la pauvreté est passée de 46 % à 61 %. Cette montée en flèche de la pauvreté urbaine peut être attribuée à divers facteurs, notamment la diminution des opportunités économiques, la détérioration de l'environnement des affaires et le manque d'investissement dans l'éducation, la santé et l'infrastructure urbaine. La pandémie de COVID-19 et une série de cyclones ont exacerbé la pauvreté urbaine, entraînant des pertes d'emploi et des baisses de revenus parmi les ménages urbains. La migration lente mais continue des zones rurales vers les zones urbaines en raison de la grande pauvreté, de la fécondité élevée et de la vulnérabilité aux chocs a aggravé le problème. L'appauvrissement de la population urbaine a entraîné une réduction des inégalités nationales, le coefficient de Gini passant de 38,2 en 2012 à 36,7 en 2022.
La pauvreté nationale et rurale a stagné tandis que la pauvreté urbaine a augmenté.
La pauvreté est à la fois monétaire et multidimensionnelle
Des privations multiples expliquent la persistance d'une pauvreté monétaire et non monétaire élevée. Tout d'abord, la plupart des gens travaillent dans l'agriculture de subsistance à faible productivité. Dans ce secteur, 90 % des ménages sont pauvres. Deuxièmement, la lenteur de l'accumulation du capital humain a empêché les gens d'échapper à la pauvreté grâce à des emplois plus productifs et mieux rémunérés. La vulnérabilité des enfants est extrêmement élevée, avec une forte malnutrition chez les enfants (39,8 % de retard de croissance), le travail des enfants et des taux élevés de mariages précoces et de grossesses chez les adolescentes, autant de facteurs qui renforcent la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.
Enfin, des chocs climatiques et externes répétés ont affecté les prix et les marchés du travail urbains, et réduit les opportunités d'emploi et de revenus.
Des obstacles structurels persistants continuent d'enfermer le pays dans la pauvreté
La faible productivité agricole et le manque de services de base maintiennent 8 ruraux sur 10 dans la pauvreté. L'agriculture est l'épine dorsale de l'économie rurale de Madagascar (70 % de l'emploi total), mais sa part dans les exportations totales (37 %) et le PIB (29 %) est relativement faible. La faiblesse du capital humain limite également les possibilités d'échapper à la pauvreté. Selon les projections, un enfant né à Madagascar juste avant la pandémie serait 39 % plus productif qu'il ne pourrait l'être s'il avait bénéficié d'une éducation complète et d'une bonne santé. Les taux de fécondité élevés dans les ménages à faibles revenus contribuent à la pauvreté chronique en surchargeant les ménages, en entravant le niveau d'éducation et en limitant les possibilités de génération de revenus.
Un autre facteur majeur de la pauvreté à Madagascar est la grande vulnérabilité aux chocs, notamment aux catastrophes climatiques, à l'instabilité politique et aux crises mondiales. Les chocs climatiques endommagent les infrastructures tandis que les chocs politiques et économiques perturbent la productivité. Par exemple, la pauvreté a augmenté de 2,5 % pendant la pandémie de COVID-19. L'insécurité alimentaire augmente également pendant ces périodes, en particulier dans la région du Grand Sud.
Des pistes pour briser le cercle vicieux d'une croissance faible et d'une pauvreté élevée
Les données sur les facteurs de la pauvreté urbaine et rurale mettent en évidence des obstacles systémiques qui empêchent d'augmenter le rendement de la main-d'œuvre et des investissements. Le pays se trouve ainsi piégé dans un équilibre faible, caractérisé par des infrastructures et un capital humain insuffisants pour soutenir la croissance du secteur privé et la création d'emplois. Dans cette situation, la pauvreté ne peut pas diminuer durablement sans un nouvel équilibre qui favorise une croissance large et soutenue. Cela passe par une concurrence accrue du secteur privé et un climat favorable aux affaires, ainsi que par une amélioration de la connectivité, de la fourniture d'énergie et de l'accès aux services numériques.
Le développement rural est essentiel pour réduire la pauvreté et alléger la pression sur les marchés du travail urbains. L'amélioration des infrastructures rurales, en particulier le réseau routier délabré, sera une première étape cruciale dans la réduction de la pauvreté rurale. Investir dans un capital humain plus important et de meilleure qualité permettra aux générations futures de rechercher de meilleures opportunités, de contribuer à la croissance de la productivité et de sortir durablement de la pauvreté. Pour commencer, la gouvernance dans les secteurs de l'éducation et de la santé doit être améliorée. Il sera également essentiel d'accroître la résistance aux chocs et de renforcer les filets de sécurité sociale de base. Poser les bases d'un nouvel équilibre de croissance et de prospérité est la voie à suivre pour éviter une autre décennie perdue pour le peuple malgache.