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ARTICLE 08 mars 2019

Radia Garrigues : former les talents de demain au Gabon

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À l’occasion de la journée des femmes, l’équipe du pôle Finance, compétitivité et Innovation de la Banque mondiale donne la parole à 4 jeunes femmes entrepreneures engagées en Afrique de l’Ouest. Radia veut aider les jeune Gabonais a apprendre les compétences de demain.

Radia Garrigues est directrice exécutive de JA Gabon, une organisation membre de Junior Achievement Worldwide (a), l’une des plus grandes fédérations d’ONG au monde dédiée à l’éducation des jeunes avec des programmes d’apprentissage pratique pour comprendre l’entreprise, se familiariser avec les aspects financiers et se préparer à la réalité du travail. Ouverte depuis 2013, l’antenne JA Gabon a formé près de 7 000 jeunes (dont 4 000 à l’entrepreneuriat) et accueille chaque année dans son incubateur une trentaine de start-up. Tous les services sont gratuits, excepté l’accès au nouvel espace PME, cofinancé par Noble Energy (a).

« J’ai toujours été fascinée par l’entrepreneuriat », raconte Radia Garrigues. « Tout au long de ma carrière, j’ai cherché à monter des projets et concrétiser des idées, distillant partout où je suis passée les principes de l’entreprise. »

Son sens de l’entreprise ne fait aucun doute. Avant de rejoindre JA Gabon, elle a présidé une filiale de Hachette Livre, l’éditeur français, mais a aussi été directrice de l’Alliance française à Abou Dhabi. À sa création, JA Gabon ne comptait que deux employés. Les effectifs ont été multipliés par dix-huit et la structure soutient désormais des milliers de jeunes gens.

En Afrique de l’Ouest et centrale, l’entrepreneuriat est traditionnellement considéré comme une option professionnelle de dernier ressort. Radia Garrigues estime pourtant que les choses sont en train d’évoluer au Gabon, où la fonction publique, plombée par la crise pétrolière, ne peut plus absorber autant d’actifs qu’avant : « Cela fait partie de la mission de Junior Achievement », rappelle-t-elle. Le programme a été lancé voici 90 ans aux États-Unis pour donner une formation professionnelle aux jeunes et les initier à la gestion financière. Ceux qui en bénéficient changent vraiment de mentalité. J’ai pu l’observer notamment chez des enfants de cinq ou six ans qui ont suivi nos programmes. »

Radia Garrigues rappelle néanmoins que l’entrepreneuriat n’est pas forcément adapté à tous : « Les gens ont tendance à aller au plus facile, or là, c’est un parcours ardu. » JA Gabon propose plusieurs programmes pour améliorer l’employabilité des jeunes, y compris ceux qui n’ont pas fait d’études et constituent la majorité des chômeurs, en les dotant des compétences nécessaires pour décrocher un emploi. L’incubateur effectue aussi des recherches de terrain et soutient d’autres groupes vulnérables, comme les mères adolescentes qui sont plus souvent victimes du chômage.

Jusqu’à 2 000 jeunes par an suivent une formation aux compétences interpersonnelles, dont 41 % sont des femmes. Radia Garrigues constate cependant que la proportion de femmes tend à diminuer avec l’âge : « Nous avons définitivement plus de jeunes filles que de femmes parmi nos stagiaires », reconnaît-elle, avant d’ajouter que la part des femmes chute notamment dans les programmes d’enseignement supérieur. Attirer les jeunes filles tôt ne garantit donc pas qu’elles poursuivront un parcours professionnel autant que les garçons.

Comme dans de nombreux autres pays de la région, le capital humain est ce qui fait le plus défaut au Gabon, même si Radia Garrigues insiste sur le fait que le renforcement des capacités des incubateurs au niveau local est une solution gagnante facile à mettre en œuvre, politiquement parlant : « Nous nous sommes développés si vite que nous avons du mal désormais à trouver les personnes capables de déployer nos activités, comme notamment des mentors présentant les qualités requises ». Pour elle, les donateurs devraient continuer à favoriser le maillage et les échanges entre les incubateurs de la région. Aujourd’hui, JA Gabon fait partie du réseau des incubateurs d’Afrique de l’Ouest et centrale rattaché au Programme Afrique Innovation (PAI), financé par l’Agence française de développement. La Banque mondiale siège à son comité de pilotage.

Radia Garrigues se félicite par ailleurs de l’enthousiasme des autorités gabonaises pour le travail de JA Gabon : « La volonté politique de stimuler la création d’entreprises ne fait aucun doute, aux plus hauts échelons du gouvernement et, notamment, chez le président. Le pays s’est doté voici deux ans d’un ministère de l’Entrepreneuriat pour promouvoir les entreprises créées par des jeunes, ce qui est très inhabituel en Afrique francophone. » JA Gabon travaille également en partenariat avec l’Office national de l’emploi pour développer les compétences interpersonnelles, notamment pour la rédaction des CV.

L’incubateur entretient un dialogue de haut niveau avec le gouvernement pour améliorer l’environnement opérationnel des entreprises dans le pays. En juillet 2018, Radia Garrigues a rencontré Julien Nkoghe Bekalé, alors ministre des PME, afin de définir les outils indispensables au développement de l’écosystème entrepreneurial du Gabon et soutenir les petites et moyennes entreprises.

Elle plaide depuis longtemps pour l’adoption d’une nouvelle législation afin de faciliter les activités des TPE-PME : « Nous voulons que nos incubés aient tous les avantages possibles mais, à l’heure actuelle, aucune mesure ne concerne les start-up (ni les incubateurs), pas même les allégements fiscaux accordés aux petites entreprises ou aux nouvelles entités. Sans capitaux d’amorçage, les porteurs de projet ne peuvent pas se projeter sur le long terme et finissent par jeter l’éponge. »

Elle précise enfin que JA Gabon a des « bénéficiaires, pas des clients. » Toutes les prestations de JA Gabon sont gratuites, à l’exception de l’espace PME, qui bénéficie malgré tout d’un cofinancement par Noble Energy. « Je réfute l’idée que les incubateurs devraient être des structures 100 % privées », affirme-t-elle. « Cela interdirait à un grand nombre de personnes de bénéficier de nos services et priverait ainsi le pays de son immense potentiel ! ».

 



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