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Les risques climatiques augmentent alors qu'un réchauffement de 1,5°C apparaît déjà inéluctable, selon un nouveau rapport

23 novembre 2014


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LES POINTS MARQUANTS
  • Un nouveau rapport examine les risques que fait peser le changement climatique sur les conditions de vie et les moyens de subsistance dans trois régions : Amérique latine, Asie centrale, Moyen-Orient et Afrique du Nord.
  • Il met en évidence le fait qu'un réchauffement atmosphérique de près de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle apparaît déjà inéluctable.
  • Les sécheresses et l’élévation du niveau de la mer, le potentiel de destruction des ondes de tempête et les pertes agricoles, affecteront les populations du monde entier, en particulier les plus pauvres.

Dans les Andes, en Amérique du Sud, et dans les régions montagneuses d’Asie centrale, les glaciers reculent en raison du réchauffement climatique. La fonte des glaces provoquée par la hausse des températures aura d’abord pour effet d’augmenter le débit des cours d’eau plus tôt dans la saison végétative et d’augmenter ainsi le risque d’inondations destructrices dans les exploitations agricoles. Puis, d’ici quelques décennies, le risque d’inondation cédera la place à la sécheresse. Si l’on ne fait rien, la plupart des glaciers andins et les deux tiers de ceux d’Asie centrale pourraient avoir disparu d’ici la fin du siècle.

Telle est l’une des conclusions d’un nouveau rapport consacré aux conséquences du changement climatique en Amérique latine, en Asie centrale et au Moyen-Orient, qui rappelle que ces changements sont déjà à l’œuvre : à l’échelle mondiale, les températures sont déjà supérieures de 0,8 °C au niveau de l’ère préindustrielle. Et leurs conséquences se font déjà sentir sur la sécurité alimentaire, les ressources en eau et les moyens de subsistance.

Compte tenu des émissions de gaz à effet de serre passées et de la tendance à venir, un réchauffement atmosphérique de près de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle apparaît déjà inéluctable. Si nous n’engageons pas une action concertée pour réduire ces émissions, la planète est bien partie pour se réchauffer de 2 °C d’ici 2050 et de 4 °C d’ici 2100 — 2100, ce n’est pas si loin : les adolescents d’aujourd’hui auront alors 80 ans.

D’après le nouveau rapport, la hausse des températures augmentera la fréquence des vagues de chaleur similaires à celles observées en Russie en 2010 et aux États-Unis en 2012. La fonte du pergélisol libérera du méthane, un puissant gaz à effet de serre qui accentuera encore le réchauffement. Les forêts aussi sont menacées, en particulier la forêt amazonienne. Une hausse ne serait-ce que de 1,5 °C aggravera les sécheresses et l’élévation du niveau de la mer, le potentiel de destruction des ondes de tempête et les pertes agricoles, et renchérira les coûts d’adaptation pour des millions de personnes.

« Le rapport qui paraît aujourd’hui confirme ce que les chercheurs n’ont cessé de répéter, à savoir que les émissions passées ont tracé une trajectoire inéluctable de réchauffement pour les deux prochaines décennies, qui va surtout affecter les populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde », commente Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale. « Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie et laisser les émissions augmenter de manière incontrôlée. »

À l’heure où les chefs d’État et de gouvernement se réunissent à Lima pour le prochain cycle de négociations sur le climat, ce rapport propose des orientations et des données chiffrées sur les risques et sur la nécessité de se fixer des objectifs ambitieux afin de « décarboniser » les économies sans tarder. 



« Le rapport qui paraît aujourd’hui confirme ce que les chercheurs n’ont cessé de répéter, à savoir que les émissions passées ont tracé une trajectoire inéluctable de réchauffement pour les deux prochaines décennies, qui va surtout affecter les populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde. Nous ne pouvons pas continuer sur cette voie et laisser les émissions augmenter de manière incontrôlée.  »
Jim Yong Kim, President, World Bank Group

Jim Yong Kim

Président du Groupe de la Banque mondiale


Baissons la chaleur

Le rapport Baissons la chaleur : Face à la nouvelle normale climatique est le troisième d’une série d’études commandées par le Groupe de la Banque mondiale à l’Institut de recherche sur les impacts du climat de Potsdam et à Climate Analytics.

Le premier rapport s’intéressait aux risques mondiaux d’un réchauffement de 4 °C. Le deuxième rapport étudiait trois régions (l’Afrique, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est) et les risques pour la sécurité alimentaire, la sécurité hydrique et les villes côtières exposées à une hausse dangereuse du niveau de la mer et aux tempêtes.

Le nouveau rapport (a) paraît alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de dresser un tableau alarmant des changements climatiques en cours et à venir et des transformations énergétiques qui seront nécessaires pour que le réchauffement ne dépasse pas les 2 °C.

Amérique latine et Caraïbes

Selon ce rapport, en Amérique latine et aux Caraïbes, les sécheresses dureront plus longtemps, les phénomènes météorologiques extrêmes se multiplieront et l’acidification des océans augmentera.

Dans les Andes tropicales, la hausse des températures réduira l’accumulation annuelle de glace des glaciers et le volume des eaux de fonte au printemps, dont dépendent quelque 50 millions d’agriculteurs et de citadins en zones de faible altitude. Chez les végétaux, le stress dû à la chaleur et à la sécheresse accentuera fortement le risque de dégradation à grande échelle des forêts, portant atteinte aux écosystèmes et à la biodiversité amazoniennes, de même qu’à la capacité des forêts à stocker le dioxyde de carbone.

La hausse des températures nuira également à la sécurité alimentaire. L’acidification et le réchauffement des océans, qui absorbaient jusqu’ici environ 30 % (a) du dioxyde de carbone anthropique, se poursuivront, ce qui endommagera les écosystèmes coralliens qui abritent des espèces marines et poussera les stocks halieutiques à migrer vers des eaux plus froides. Aux Caraïbes, le volume des prises pourrait reculer de 50 % par rapport aux chiffres actuels.

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord s’adaptent aux chaleurs extrêmes depuis des siècles, mais une poursuite de la hausse des températures aura des conséquences sans précédent.

Selon le rapport, les températures extrêmes toucheront des zones plus vastes et dureront plus longtemps, ce qui rendra certaines régions inhabitables et réduira les superficies cultivables. Les villes seront de plus en plus confrontées au phénomène de « l’îlot de chaleur urbain ». Dans l’hypothèse d’un réchauffement de 4 °C (ce qui pourrait arriver dès les années 2080 si l’on ne fait rien), la plupart des capitales du Moyen-Orient pourraient connaître quatre mois de canicule chaque année.

L’augmentation des températures mettra à rude épreuve une production agricole et des ressources en eau déjà faibles, ce qui risque d’intensifier les migrations et les risques de conflit. Dans cette région plus particulièrement (mais comme ailleurs dans le monde), le changement climatique agit comme un multiplicateur de menaces qui existent déjà.

Europe de l’Est et Asie centrale

En Europe de l’Est et en Asie centrale, le rapport montre que les conséquences du changement climatique différeront selon les régions. En Asie centrale, la fonte des glaciers et la hausse des températures retarderont la saison végétative et modifieront les régimes des cours d'eau alimentés par les glaciers, tandis que, dans les Balkans, en Europe de l’Est, l’aggravation de la sécheresse menacera les récoltes.

L’accélération de la fonte du pergélisol sous l’effet de la hausse des températures entraînera une augmentation des émissions de méthane, alors que ce gaz a un effet de serre bien plus important que le dioxyde de carbone. D’ici 2050, si la hausse des températures atteint 2 °C, le volume de méthane ainsi libéré progressera de 20 à 30 % en Russie, ce qui alimentera encore le changement climatique.

Nous nous efforçons de faire reculer le risque

« La bonne nouvelle c’est qu’il existe un consensus croissant sur les actions nécessaires pour infléchir la trajectoire intenable sur laquelle nous nous trouvons actuellement », explique Jim Yong Kim. « La lutte contre le changement climatique ne doit pas se faire aux dépens de la croissance économique. »

La Banque mondiale investit dans la maîtrise de l’énergie et dans les énergies renouvelables afin d’aider les pays à réduire leurs émissions tout en faisant prospérer leur économie ; elle met également l’accent sur le développement de moyens de transport non polluants qui peuvent placer des villes en pleine expansion sur des trajectoires de croissance plus durables.

La Banque travaille avec les pouvoirs publics à l’élaboration de politiques favorables à une croissance propre (normes d’efficacité énergétique, abaissement des subventions aux combustibles fossiles ou tarification du carbone). Mais le secteur public ne peut pas relever ce défi tout seul : l’investissement privé et des choix judicieux de la part des entreprises sont indispensables. Du reste, les chefs d’entreprise réclament aux pouvoirs publics des orientations claires et cohérentes (a) qui reflètent le coût réel des émissions. La Banque analyse actuellement des projets (a) menés dans 77 pays afin de déterminer s’ils peuvent contribuer à lutter contre le risque climatique et à préserver notre planète.

La Banque mondiale aide les pays à trouver comment agir pour le climat et à développer des instruments financiers qui leur permettent de prospérer sans polluer et de renforcer leur résilience.

« Notre réponse aux défis du changement climatique définira l’héritage que lèguera notre génération », conclut le président de la Banque mondiale dans l’avant-propos du rapport. « Les enjeux n’ont jamais été aussi importants. »

 


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