L’enquête 2020 auprès des ménages de République démocratique du Congo (RDC), représentative au niveau national, a été menée par l’Institut national de la statistique avec le soutien de la Banque mondiale et des partenaires du développement. Elle a permis de collecter des informations clés sur les revenus, les dépenses et la consommation des ménages à travers le pays et révèle que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) concerne chaque ménage congolais au quotidien et que ses effets diffèrent en fonction du revenu.
Introduite en 2012 en RDC pour moderniser la fiscalité, la TVA a remplacé l’ancienne taxe sur le chiffre d’affaires. Contrairement aux recettes minières qui fluctuent en fonction des cours mondiaux, la TVA peut constituer une source de financement plus stable. Au fil du temps, elle peut renforcer la résilience budgétaire, réduire la dépendance à l’égard de financements extérieurs et créer une marge de manœuvre pour investir dans les infrastructures, les services sociaux et le développement.
Qui bénéficie des exonérations de TVA ? Les produits de première nécessité comme le riz, la viande et le sel sont soumis à un taux de TVA réduit, tandis que d’autres comme l’huile de palme et le maïs en sont totalement exonérés dans le but de protéger les ménages à faible revenu. Cependant, l’analyse des données de l’enquête auprès des ménages montre que les familles plus aisées – qui en général consomment davantage – profitent le plus des taux réduits (figure 1). Par conséquent, les mesures d’aide n’atteignent pas réellement ceux qui en ont le plus besoin.
Figure 1 : La plupart des dépenses fiscales liées à la TVA profitent aux ménages les plus aisés

Source : Calculs de la Banque mondiale à partir des données de l’enquête 2020 auprès des ménages.
Chaque année, le pays enregistre une perte de recettes d’environ 0,82 % du PIB en raison de la multiplicité des taux de TVA, soit un peu plus que les dépenses annuelles du système de sécurité sociale (0,7 % du PIB). La simplification des taux de TVA pourrait accroître les recettes et renforcer l’équité, car le modèle actuel profite principalement aux ménages les plus aisés. Les recettes supplémentaires pourraient en outre permettre au gouvernement de mieux soutenir les familles par des investissements ciblés dans l’éducation, la santé ou les transferts directs. Un système de TVA plus équitable serait à la fois le moyen d’augmenter les recettes et de mieux aider ceux qui en ont le plus besoin.
Pour les foyers modestes, chaque franc congolais compte. Une grande partie de leur revenu est consacrée aux produits de première nécessité tels que la nourriture et les articles ménagers de base (figure 2). Ils dépendent de denrées essentielles – farine de manioc, maïs et huile de palme – qui sont nourrissantes et populaires. Pourtant, certains de ces produits sont taxés au taux normal de TVA de 16 %, ce qui renchérit le coût de la vie quotidienne.
Figure 2 : La majorité du revenu des ménages pauvres est consacrée à l’alimentation et à des achats essentiels

Source : Calculs de la Banque mondiale à partir des données de l’enquête 2020 auprès des ménages.
Les ménages plus aisés consacrent une part moins importante de leur budget à ces biens de première nécessité, et davantage aux services et articles de plus grande valeur. Leurs achats répartissent la charge fiscale sur un plus grand nombre de biens.
Alors que les denrées de base comme le maïs et certains riz produits localement bénéficient de taux de TVA réduits (parfois 0 ou 8 %), de nombreux aliments de consommation courante, dont plusieurs céréales et huiles de cuisson (à l’exception de l’huile de palme), sont taxés à hauteur de 16 % (figure 3).
Figure 3 : Les ménages pauvres se situent en général dans la tranche d’imposition la plus élevée

Source : Calculs de la Banque mondiale à partir des données de l’enquête 2020 auprès des ménages.
Pour les ménages à revenus modestes, même si une grande partie de leurs dépenses est consacrée à des produits à taux réduit, ceux de première nécessité taxés au taux normal représentent toujours une charge plus lourde. Les foyers à revenus plus élevés, dont la consommation est plus variée, supportent un impact fiscal relativement plus faible sur les produits de première nécessité.
Les habitudes de consommation soulignent cette disparité. Les ménages pauvres privilégient les produits de base peu coûteux et disponibles localement, tels que l’huile de palme, la farine de manioc et la farine de maïs. Les familles à revenus plus élevés, en revanche, achètent aussi des produits de base, mais en ajoutant de la variété et des aliments plus coûteux (figure 4), ce qui reflète un revenu disponible plus élevé.
Figure 4 : Les ménages modestes donnent la priorité aux denrées de base, tandis que les plus aisés privilégient la variété

Source : Calculs de la Banque mondiale à partir des données de l’enquête 2020 auprès des ménages.
Tout ceci ne concerne pas seulement l’alimentation, c’est aussi une question d’équité. Les ménages les plus pauvres consacrent une part plus importante de leurs revenus aux produits de première nécessité taxés. Ainsi, l’enquête montre que ces familles allouent environ 41 % de leur budget total à des produits taxés à 16 %, contre 36 % pour les familles à revenu élevé. Paradoxalement, les taux de TVA réduits destinés à rendre les produits plus abordables profitent souvent à ceux qui disposent d’un plus grand pouvoir d’achat.
Les lieux d’achat ont également leur importance : les ménages modestes qui font leurs courses sur les marchés informels où la TVA est moins systématiquement appliquée subissent une pression fiscale moindre. Si l’on tient compte de ces achats informels, seuls 12 % environ de leurs dépenses totales sont consacrés à des produits taxés au taux plein de 16 %. Les marchés et les magasins influencent la manière dont les taxes affectent la vie des gens autant que les taux eux-mêmes.
Les responsables politiques sont face à un défi de taille : utiliser la TVA pour financer les services essentiels sans creuser les inégalités. Parmi les options possibles, citons la réévaluation des biens pouvant bénéficier de taux réduits, le renforcement des mécanismes de remboursement et le couplage de la TVA à une aide ciblée pour les ménages à faible revenu. Une structure de TVA plus simple pourrait améliorer l’équité et accroître les recettes publiques, dégageant ainsi des ressources pour les investissements qui comptent le plus pour les familles.
Chaque visite au marché et chaque panier d’achats reflètent l’impact de la politique fiscale sur la vie quotidienne. Alors que la RDC affine son système de TVA, l’adéquation des objectifs de recettes avec une volonté d’équité peut contribuer à garantir que tous les ménages puissent satisfaire leurs besoins sans subir de contraintes excessives. Cette dynamique s’inscrit dans un contexte plus large, décrit dans le dernier Rapport sur la situation économique de la RDC, qui évalue l’impact des incitations fiscales dans le pays. La TVA, bien qu’elle ne soit qu’un élément parmi d’autres, illustre la manière dont la conception et la mise en œuvre de la politique fiscale peuvent influencer à la fois les recettes et les résultats en matière de distribution.
Cet article a été écrit par Kaushiki Singh et Mahugnon Stanislas Cedric Deguenonvo