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L’importance des droits fonciers pour l’émancipation des femmes et la lutte contre la pauvreté en milieu rural

14 octobre 2016


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LES POINTS MARQUANTS
  • 78 % des pauvres dans le monde vivent en milieu rural et dépendent de l’agriculture pour vivre.
  • Les femmes y souffrent nettement plus de la pauvreté que les hommes ou que les citadins des deux sexes.
  • Pour célébrer la Journée internationale de la femme rurale (le 15 octobre), la Banque mondiale s’intéresse au rôle crucial des droits de propriété dans l’élargissement des débouchés économiques et la sécurisation des actifs des femmes.

Quand elle est devenue veuve, le quotidien s’est transformé en un combat permanent pour Nitsu Simachew, en une lutte de tous les jours pour conserver son petit lopin de terre et nourrir ainsi ses quatre fils et sa fille. Dans cette région rurale de l’Éthiopie, « les gens passent leur temps à contester les limites de propriété et à s’approprier les terres des autres », explique Mengaw, l’un de ses fils.

Pour de nombreuses femmes, la possession d’un titre de propriété vient mettre fin à des années d’incertitude économique, de fragilité et de peur. En Éthiopie comme dans le reste du monde, la Banque mondiale et ses partenaires allouent des ressources pour garantir les droits fonciers des femmes, en particulier en milieu rural où elles sont tout en bas de l’échelle économique.

« Je suis tellement contente d’avoir obtenu ce certificat », se réjouit Nitsu en brandissant le titre de propriété que lui a délivré le gouvernement éthiopien dans le cadre d’un programme soutenu par la Banque mondiale (a). « Désormais, tout est officiellement enregistré à mon nom et personne ne pourra plus me voler ma terre. »

Près de 70 % d’individus dans le monde sont privés d’accès à des systèmes de cadastre qui garantissent aux propriétaires la jouissance légale de leurs biens fonciers — une réalité qui pénalise les femmes de manière disproportionnée.


« En milieu rural, la terre est un bien précieux, parfois le seul. Pour les femmes, posséder une terre, c’est assurer son émancipation et sa sécurité économiques ; avoir plus de poids dans les décisions financières et familiales ; accéder au crédit pour démarrer une activité ou améliorer la productivité agricole ; et, bien souvent, c’est la garantie de la survie de sa famille.  »
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Ede Ijjasz-Vasquez

Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du pôle mondial d’expertise en Développement social, urbain et rural, et résilience

Les nouveaux Objectifs de développement durable des Nations Unies, conçus pour accompagner les efforts de développement, reconnaissent l’importance des droits de propriété pour les femmes, surtout en milieu rural. Ils disposent notamment de « faire en sorte que [d’ici à 2030] tous les hommes et les femmes, […] aient les mêmes droits […] à la propriété foncière, au contrôle des terres » et prévoient de « doubler la productivité agricole et les revenus des petits producteurs alimentaires, en particulier des femmes ».

« La réalisation de ces objectifs passe par des politiques volontaristes pour accorder aux femmes un accès équitable aux terres », souligne Jorge Munoz, responsable des questions foncières à la Banque mondiale.

Les droits de propriété sont une question complexe puisqu’ils relèvent de législations mises en place au niveau national ou infranational, mais aussi du droit coutumier, des traditions et du passé, avec des différences d’un pays à l’autre, voire d’une ville à l’autre.

« Même lorsque la loi garantit une protection égale, les traditions et les coutumes peuvent prendre le dessus, surtout en milieu rural », rappelle Victoria Stanley, spécialiste senior des questions foncières à la Banque mondiale.

Au Kosovo par exemple, les experts de la Banque mondiale interviennent dans un village majoritairement peuplé de veuves de guerre où, pourtant, moins de 8 % d’entre elles sont propriétaires en titre de leurs terres. La culture et les traditions dissuadent les femmes de revendiquer un titre de propriété, alors qu’elles seraient en droit de le faire.

Même en l’absence de revendication d’un membre masculin de la parentèle, les délais, les coûts et la complexité des opérations d’arpentage et d’enregistrement des biens fonciers constituent des obstacles souvent infranchissables pour les femmes, qui sont ainsi privées d’informations ou de protection juridique.

Pour sortir de l’impasse, la Banque mondiale fait appel à la technologie : des petits drones sans pilote assurent les relevés topographiques en mobilisant toute la communauté et fournissent aux autorités des informations pour constituer un registre cadastral national. En quelques semaines, voire quelques jours, ces engins offrent des services de cartographie pour un coût et des délais minimes par rapport aux relevés effectués à partir d’appareils pilotés par l’homme.

La Banque mondiale soutient des projets d’enregistrement cadastral dans 48 pays, pour des engagements supérieurs à 1 milliard de dollars. Avec ses partenaires, du Kosovo à l’Éthiopie et du Honduras au Viet Nam, elle aide les femmes partout dans le monde à bénéficier du même traitement que les hommes pour obtenir des droits fonciers (a).

L’un des plus importants portefeuilles de la Banque en matière d’administration et de gestion des terres couvre la région Europe et Asie centrale (a) où, depuis la chute du communisme, s’est déroulée l’une des plus grandes réformes foncières de toute l’histoire. Dans le cadre d’un projet au Tadjikistan (a), par exemple, pratiquement un quart des titres de propriété attribués l’ont été à des femmes, soit environ 23 000 agricultrices bénéficiaires.

La Banque mondiale intervient également ailleurs dans le monde :

  • En Éthiopie, la vaste initiative des autorités pour l’homologation des terres, qui a concerné 6,3 millions de foyers, a conforté le statut économique et social des femmes. Auparavant, celles-ci n’avaient aucun droit de propriété et, en cas de divorce, elles ne pouvaient prétendre à guère plus de compensation de leur ancien mari qu’un sac de céréales. Aujourd’hui, elles ont droit à la moitié des biens fonciers du ménage.
  • À Aceh, en Indonésie, des relevés topographiques ont été effectués dans le cadre des efforts de reconstruction après le tsunami, donnant lieu à l’émission de plus de 222 000 titres de propriété, dont un tiers environ ont bénéficié à des femmes.
  • Au Viet Nam (a), 60 % des 5 millions de certificats attestant d’un droit d’utilisation des terres mentionnent le nom du mari et celui de la femme.
  • En Inde, après le passage du cyclone Phailin en 2013, les autorités de l’État d’Odisha ont octroyé aux pauvres de 12 villages particulièrement exposés des terres et des aides financières pour la construction de maisons en dur. Les droits fonciers ont été accordés conjointement aux deux époux ou à titre individuel pour les femmes seules.

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