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Quand l’industrie de la mode se mobilise contre les violences sexistes

27 juillet 2015


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WEvolve est une campagne mondiale réunissant des hommes et des femmes qui ont décidé d’exploiter la puissance de l’art et des médias pour mettre fin aux inégalités, pousser à l’action et favoriser le changement. Leur mot d’ordre ? « Unis, défions, changeons, évoluons. WEvolve ».

Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • Le défilé Blue Runway a marqué le lancement du programme WEvolve de la Banque mondiale, pour aider des jeunes hommes et des jeunes femmes à remettre en cause les normes sociales qui conduisent aux violences sexistes.
  • L’idée de départ est que la jeunesse peut « évoluer », modifier ses attitudes et comportements et développer des rapports sains qui limitent les risques de violences sexistes.
  • « WEvolve contribue à ouvrir les esprits et apporte à ces jeunes gens les outils et le vocabulaire nécessaires pour initier une nouvelle ère, mobiliser leurs pairs et leurs aînés et faire évoluer les modes de pensée et d’action. »

Qui aurait imaginé retrouver la Banque mondiale parmi les parrains d’un défilé de mode ? C’était pourtant le cas à Bombay, en mars dernier, à l’occasion du Blue Runway, où des mannequins tout de bleu vêtus arpentaient gracieusement le podium.

L’événement marquait le lancement du programme WEvolve de la Banque mondiale (a), qui vise à aider des jeunes hommes et des jeunes femmes à remettre en cause les normes sociales sources de violences sexistes. Le bleu omniprésent incarnait cet appel à l’action contre les violences sexistes — commises par des hommes et des femmes — relayé par les industries de la création, comme la mode, les médias numériques et sociaux, les arts du spectacle, le cinéma, la musique…, pour sensibiliser les esprits et induire un changement social.

C’est Maria Correia, responsable du développement social pour la région Asie du Sud et l’une des grandes voix de la Banque mondiale en faveur de l’égalité des sexes, qui a eu l’idée de ce concept, reposant sur le principe que la jeunesse peut « évoluer », modifier ses attitudes et comportements et développer des rapports sains qui limitent les risques de violences sexistes.

Alors que la question reste taboue dans bon nombre de régions du monde, les chiffres traduisent une réalité inquiétante : selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus d’un milliard de femmes (soit 35 % de la population féminine) ont été ou seront victimes au cours de leur vie de violences conjugales ou d’agressions sexuelles en dehors de leur couple.

Mais le phénomène ne touche pas que les femmes : les violences à l’encontre des hommes, sous-documentées et sous-déclarées, sont un problème étroitement lié.


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« Je veux appeler des hommes de tout âge à devenir les catalyseurs du changement et, à travers nos actions, à créer un système de valeurs qui abolira les inégalités entre les sexes.  »

Farhan Akhtar

Acteur

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Appeler la jeunesse à l’action à travers les arts créatifs

Le défilé de Bombay avait tous les ingrédients d’un « blockbuster », avec sa star hollywoodienne Rosario Dawson et un casting bollywoodien impressionnant — Kajol, Huma Qureshi, Sridevi, Deepika Padukone, Jacqueline Fernandez, Farhan Akhtar et bien d’autres encore. Tous étaient venus afficher leur soutien à l’événement.

Il y avait l’affluence des grands jours pour admirer les tenues de Manish Malhotra, l’un des designers indiens les plus en vogue : créateurs connus et figures de la société indienne, des médias et du monde du spectacle se pressaient aux premiers rangs.

Tandis que les mannequins arboraient des panneaux en faveur de l’émancipation et de l’égalité, les stars relayaient leurs messages dans des entretiens et par tweet.

« Les jeunes, hommes et femmes, peuvent infléchir les normes sociales, les remettre en cause et les faire évoluer », analyse Maria Correia. « Avec les médias sociaux et les supports numériques toujours plus nombreux, chacun bénéficie d’une force de frappe inédite. WEvolve contribue à ouvrir les esprits et apporte à ces jeunes les outils et le vocabulaire nécessaires pour initier une nouvelle ère, mobiliser leurs pairs et leurs aînés et faire évoluer les modes de pensée et d’action. »

Pour Manish Malhotra, « la mode exerce un attrait général et universel et peut, à ce titre, servir d’instrument de sensibilisation et de promotion de l’action » face aux violences sexistes.

Mais WEvolve ne se limite pas à ce secteur. Les différents médias sociaux WEvolve ont permis de mobiliser les jeunes en Asie du Sud pour engager un dialogue sur les normes sociales et la violence. La série de vidéos conçues à cet effet a dépassé les 400 000 vues et touché plus de 3,5 millions de personnes dans le monde (https://www.youtube.com/watch?v=UmPa7pUwc4M)

WEvolve est aussi parvenu à intéresser des partenaires locaux, à l’instar de la Pearl Academy of Fashion de New Delhi, dont le talent créatif des étudiants a été mis à contribution pour aborder cette question fondamentale des violences sexistes.

Faire réagir les hommes

Un autre aspect novateur de la campagne WEvolve, qui la distingue des programmes traditionnels pour l’égalité des sexes, tient à la volonté de faire bouger les hommes : en plus des femmes, elle vise directement les hommes, qui sont incités à agir et non plus uniquement à « soutenir » ou à « s’associer ; par ailleurs, à travers celle des femmes, elle contribue à l’autonomisation des hommes en leur permettant de remettre en causes les normes de comportement habituelles sans pour autant conforter leur « ascendant ».

 « Pour nous, les hommes font partie intégrante du processus de changement et si nous voulons mettre fin aux violences, nous devons impérativement comprendre ce qui les pousse à devenir violents », souligne Gary Barker, directeur de Promundo, un partenaire de la campagne WEvolve et l’un des grands partisans de la mobilisation des hommes pour favoriser l’égalité des sexes.

Cette stratégie porte visiblement ses fruits, puisque ce sont majoritairement des hommes qui s’inscrivent sur la page Facebook de la campagne et font des commentaires (www.wevolveglobal.org), d’après Hiska Reyes, coordonnatrice du programme.

Et ensuite ?

L’équipe WEvolve pour l’Asie du Sud est déjà en train de créer d’autres partenariats dans l’industrie de la création. C’est le cas par exemple avec Ram Devineni, un réalisateur et éditeur installé à New York. Profondément choqué par la barbarie du viol qui a secoué l’Inde en décembre 2012, il a sorti une bande dessinée ancrée dans la réalité et intitulée « Priya’s Shakti » (Le pouvoir de Priya). On y suit les aventures de Priya, victime d’un viol et devenue super-héroïne indienne, qui pousse les gens à modifier leurs attitudes par son seul pouvoir de persuasion (l’ouvrage a reçu le soutien du 2015 Tribeca Film Institute New Media Fund, parrainé par la fondation Ford). Avec Ram Devineni, l’équipe WEvolve envisage la création d’ateliers autour de la bande dessinée dans les écoles et les villages indiens, pour permettre aux jeunes d’évoquer leurs difficultés et, notamment, les violences sexistes, à travers un support créatif. D’autres initiatives cherchent à mobiliser l’industrie textile.

En prenant de l’ampleur et s’étendant en dehors de l’Asie du Sud, la campagne WEvolve espère inciter toujours plus de personnes à faire entendre leur voix, partager des témoignages passionnants et agir pour mettre fin au fléau que sont les violences sexistes.

WEvolve est une campagne mondiale menée en partenariat avec des organismes internationaux et nationaux, des entreprises privées, des ONG et des fondations qui œuvrent pour mettre fin aux violences sexistes, dont Breakthrough, CARE International, Cornell University, Ogilvy, Pearl Academy, Population Foundation, Promundo, Show of Force, ONU-Femmes et la Banque mondiale.



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