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NOTE 21 avril 2021

La prospérité partagée dans la région MENA en quatre faits marquants

Author: Minh Cong Nguyen et Johannes G. Hoogeveen

Si la plupart des économistes s’accordent à dire que l’évolution du revenu par habitant constitue un bon indicateur synthétique du progrès économique, nous lui préférons la « prospérité partagée ». Contrairement à la variation moyenne du revenu, qui reflète une évolution générale, notre indicateur s’attache à la croissance du revenu ou de la consommation des ménages qui se situent au bas de l’échelle. Il permet donc de déterminer dans quelle mesure la croissance économique est « inclusive ». Plus précisément, la prospérité partagée se concentre sur les 40 % les plus pauvres dans une économie donnée. Elle constitue, avec l’éradication de l’extrême pauvreté, le double objectif fondamental que s’est fixé le Groupe de la Banque mondiale. Cet indicateur est important car il permet de maintenir une attention constante sur la croissance du niveau de vie des segments relativement moins favorisés de la population de chaque économie. Il s’agit d’un indicateur majeur de l’inclusion et du bien-être.

Dans ce billet, nous nous penchons sur la prospérité partagée dans la région MENA en mettant en évidence quatre faits principaux.

1. Depuis le Printemps arabe, la croissance est moins inclusive.

L’examen des dernières données disponibles sur la prospérité partagée montre que la croissance était auparavant assez inclusive dans la région MENA, et qu’elle l’est nettement moins aujourd’hui. Sur les 15 épisodes de croissance qui peuvent être analysés (cette analyse nécessite des enquêtes comparables auprès des ménages, et elles sont peu nombreuses dans la région), environ la moitié (sept exactement) font apparaître une croissance supérieure à la moyenne pour les 40 % les plus pauvres (ces épisodes se distinguent dans la figure 1 par des points situés à droite des plus). Mais si l’on ne tient compte que des six épisodes de croissance les plus récents, c’est-à-dire depuis le Printemps arabe de 2011, la croissance n’a été inclusive que dans un seul cas (Tunisie).

Figure 1. Évolution de la prospérité partagée dans plusieurs pays de la région MENA

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Sources : Base de données mondiale sur la prospérité partagée (a), base de données mondiale sur le suivi de la pauvreté (GMD) et statistiques MNAPOV.

2. Parmi les 40 % les plus pauvres en Iran, nombreux sont ceux à être mieux lotis que les personnes appartenant au quintile le plus riche au Yémen.

Les niveaux de revenu des 40 % les plus pauvres sont très variables d’un pays à l’autre. La figure 2 présente la répartition de la population de chaque pays entre groupes de revenus. Ces groupes sont les suivants : personnes en situation d’extrême pauvreté selon le seuil de pauvreté international défini par la Banque mondiale (moins de 1,90 dollar par jour) ; pauvres de la tranche intermédiaire (entre 1,90 et 3,20 dollars par jour) ; pauvres de la tranche supérieure (entre 3,20 et 5,50 dollars par jour) ; personnes non pauvres (revenu supérieur à 5,50 dollars par jour) — les revenus sont mesurés en parité de pouvoir d’achat constante de 2011.

Dans la plupart des pays, les 40 % les plus pauvres appartiennent à la catégorie des personnes en situation d’extrême pauvreté ou à la tranche de pauvreté intermédiaire. À Djibouti et au Yémen, les 40 % les plus pauvres ne comptent aucune personne au-dessus du seuil de pauvreté intermédiaire. Dans ces deux pays, les 70 ou 80 % les plus riches sont moins bien lotis que les 40 % les plus pauvres en Iran.

En analysant l’évolution des revenus au sein d’un même pays, on observe que les 40 % les plus pauvres voient en général leur niveau de revenu progresser, tandis que la proportion de pauvres dont les revenus se situent entre 3,2 et 5,50 dollars tend à augmenter.

Figure 2. Les 40 % les plus pauvres appartiennent à des catégories de revenu différentes selon les pays et la période

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Sources : PovcalNet (a), base de données mondiale sur le suivi de la pauvreté (GMD) et statistiques MNAPOV. Note : la ligne verticale représente les 40 % les plus pauvres de la population de chaque pays.

3. Les 40 % les plus pauvres sont jeunes, peu instruits et vivent en milieu rural.

La figure 3 présente l'évolution des caractéristiques des 40 % les plus pauvres dans différents pays de la région MENA. Lorsque, pour une caractéristique donnée, le point représentant un pays se trouve à droite de la ligne des 40 %, cela signifie que cette caractéristique est surreprésentée chez les 40 % les plus pauvres. À l’inverse, s’il se trouve à gauche, la caractéristique est sous-représentée. D’une manière générale, les 40 % les plus pauvres sont jeunes (0-14 ans), n’ont pas reçu d’éducation et vivent en milieu rural. Il existe toutefois des disparités prononcées entre les pays. À Djibouti, par exemple, plus de 80 % des personnes appartenant aux 40 % les plus pauvres vivent en milieu rural, contre moins de 50 % en Cisjordanie et à Gaza.

Sur la durée, on constate que les 40 % les plus pauvres acquièrent un peu plus d’instruction. Et qu’ils sont aussi en général moins représentés dans les zones rurales.

Figure 3. Évolution de la part des différentes catégories de population parmi les 40 % les plus pauvres

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Sources : Base de données mondiale sur le suivi de la pauvreté (GMD) et statistiques MNAPOV. Note : la ligne verticale représente les 40 % les plus pauvres de la population de chaque pays.

4. Les 60 % les plus riches ont fait des études supérieures, sont plus susceptibles d’occuper un emploi dans les services ou l’industrie, et sont des employeurs ou des travailleurs rémunérés.

La figure 4 regroupe toutes les données disponibles pour la région MENA. Elle fait apparaître, pour l’ensemble de la région, le niveau d’instruction, le secteur et le type d’emploi en fonction de la position des individus dans l’échelle des revenus. Ceux qui se trouvent au bas de la distribution des revenus ont un faible niveau d’éducation, n’ont pas de revenus stables (employés et travailleurs familiaux non rémunérés ou travailleurs indépendants) et travaillent majoritairement dans le secteur agricole, ce qui les rend plus vulnérables et moins susceptibles de s'élever dans l'échelle des revenus.

Figure 4. Distribution des revenus dans la région MENA

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Sources : Base de données mondiale sur le suivi de la pauvreté (GMD) et statistiques MNAPOV. Note : la ligne verticale représente les 40 % les plus pauvres de la population de chaque pays.