ARTICLE10 novembre 2025

« Mama Mobokoli » : le destin d’une jeune « Mamapreneur »

The World Bank

Les crèches communautaires encadrées par des femmes formées à cela, permet une garde d’enfants abordable dans les quartiers populaires. Crédit : Banque mondiale.

LES POINTS MARQUANTS

  • Issue d’un contexte de précarité, Jocelyne Mpila, identifiée grâce au Registre social unique (RSU), a saisi l’opportunité offerte par le projet PSIPJ. Grâce à une formation qualifiante, elle a obtenu un certificat d’aptitude et est devenue une « Mamapreneur » accomplie, incarnant la force et la détermination féminine.
  • L’initiative des crèches communautaires, portée par des femmes formées comme Jocelyne, répond à un besoin essentiel dans les quartiers populaires de Brazzaville en offrant une garde d’enfants abordable et de qualité, permettant ainsi aux mères de concilier plus facilement leurs responsabilités professionnelles et familiales.
  • Inspiré de l’expérience kenyane Kidogo, le projet PSIPJ, en partenariat avec l’ONG MEDRAC Africa, connaît un succès rapide avec déjà deux crèches ouvertes et une forte demande, annonçant un potentiel d’essaimage dans d’autres villes comme Pointe-Noire.

Assise au milieu d’une dizaine d’enfants de moins de 3 ans, Jocelyne Mpila s’applique à leur apprendre la prononciation de nouveaux mots par des activités ludiques. D’un sourire, elle en encourage certains, rappelle gentiment d’autres à la discipline d’un simple regard, et console les plus timides d’un geste affectueux. « J’ai choisi ce métier de tout mon cœur », confie-t-elle. « Passer mes journées avec les enfants, c’est ma passion ». La jeune femme de 34 ans s’assure que chaque moment est une occasion d'apprentissage par le jeu, que les enfants sont gardés afin de permettre à leurs parents de travailler, et qu’ils s'épanouissent dans un environnement sain, bienveillant et stimulant.

Il y a peu encore, Jocelyne n’était qu’un nom parmi 800 000 inscrits dans le Registre social unique (RSU) – l’outil gouvernemental congolais d’identification et de ciblage des populations vulnérables, développé avec l’appui de la Banque mondiale. Issue d’une famille modeste, elle n’avait pu poursuivre ses études au-delà du baccalauréat et survivait grâce à un petit commerce de quartier.

Aujourd’hui, Jocelyne Mpila est une « Mama Mobokoli » - une expression lingala signifiant « une maman qui prend soin » des enfants dans une crèche communautaire mise en place à Brazzaville portée par le projet de protection sociale et d’inclusion productive des jeunes (PSIPJ). Elle est surtout une « Mamapreneur », une entrepreneure en garde d'enfants formée et compétente. Son parcours n’a pourtant pas été sans défis.

The World Bank
Les Mama Mobokoli et les enfants en apprentissage par le jeu. Crédit : Banque mondiale.

Entre passion et détermination

C’est en 2020, en plein confinement lié à la pandémie de la Covid 19, que Jocelyne Mpila se fait enregistrer comme personne vulnérable dans le RSU par l’équipe du projet Lisungi, système de filets sociaux. Ce n’est qu’en 2024 qu’elle est contactée par l’équipe du PSIPJ qui a pris le relais de Lisungi. Après plusieurs entretiens avec l’équipe du projet, elle est sélectionnée pour une formation de trois mois dans le cadre d’un projet de développement de crèches communautaires inspiré de l’initiative Kidogo au Kenya. Mise en œuvre en partenariat avec l’ONG MEDRAC Africa, le projet vise à former une vingtaine de Mamapreneurs, puis à les accompagner dans leur insertion professionnelle dans des crèches offrant des services de garde d’enfants de qualité à moindre coût.

La formation approfondie couvre les domaines essentiels de la petite enfance, tels que l’apprentissage par le jeu, la gestion d'entreprise, les premiers secours, la protection incendie et la sécurité de l'enfant. Jocelyne Mpila a commencé sa formation alors qu’elle était enceinte de sept mois de son second enfant.

 « J’étais souvent fatiguée », se souvient-elle. « J’avais des malaises, et je prenais quelques fois trois bus pour arriver au lieu de la formation ». Mais la jeune femme a tenu bon. « J’aimais ce que je faisais et j’étais convaincue que cette formation allait vraiment m’aider », poursuit-elle. Le PSIPJ la soutient par une prime de transport et d’alimentation via des transferts monétaires conditionnels (TMC) bimestriels d’un montant de 40 000 francs CFA (environ 71.5 dollars).

Un accouchement difficile oblige Jocelyne Mpila à interrompre temporairement sa formation. Ce qui n’entame pas sa détermination à la reprendre dès que possible  - et avec son bébé dans les bras -  en la parachevant par un mois de stage pratique dans une crèche publique gérée par le ministère des Affaires Sociales et de l’Action Humanitaire. Elle obtient ainsi son certificat d’aptitude validé par la Direction générale de la Formation qualifiante et de l’emploi.

En tout, seize Mama Mobokoli ont été formées dans la première cohorte du projet. Cinq d’entre elles travaillent avec Jocelyne Mpila à la crèche du marché Soukissa - la toute première ouverte à Brazzaville en juillet 2025. Six autres ont été affectées à la deuxième crèche, inaugurée en octobre dernier au marché Total de Bacongo - l’un des plus grands de la ville, situé dans le deuxième arrondissement de la capitale.

Le succès est immédiat : le cadre agréable, les tarifs abordables – 12 500 francs CFA, environ $22 par mois par enfant. La qualité d’accueil et d’encadrement des Mama Mobokoli attirent une clientèle grandissante composée de vendeuses, élargie à la communauté riveraine du marché. En quelques semaines, les demandes d’inscriptions affluent au point qu’à la mi-octobre 2025, la crèche du marché Soukissa affichait 39 enfants inscrits sur un maximum de 36 attendus et celle du marché Total comptait 65 enfants inscrits sur 60 attendus. « Le besoin est réel », confirme Barth Oko, gestionnaire de projet à MEDRAC Africa. « Nous poursuivons l’identification des sites pour la création d’autres crèches non seulement à Brazzaville, mais aussi à Pointe-Noire ».

L’initiative Mama Mobokoli est manifestement promise à un bel avenir. Jocelyne Mpila en est convaincue. Elle envisage déjà l’agrandissement de la crèche du marché Soukissa et aspire, à terme, à ouvrir et diriger sa propre structure. « J’ai des ambitions », affirme-t-elle avec confiance : « Je sais que j’irai loin ».

Blogs

    loader image

Nouveautés

    loader image