La ville minière de Boké, à 171 kilomètres de la capitale guinéenne, Conakry, affiche aujourd’hui une activité débordante, entre le bruit des torches de soudage et les rires des travailleurs. Cela n’a pas toujours été le cas : pendant des années, les pannes fréquentes et le manque de fiabilité du service ont contribué à la frustration des usagers et même à des mouvements sociaux. Les habitants exigeaient en effet une part équitable des richesses minières de la région. Pour Safiatou Bangoura, jeune entrepreneure et soudeuse locale, l’arrivée d’une électricité fiable a marqué le début d’un nouveau chapitre pour elle et pour toute sa communauté.
Pendant des années, Safiatou s’est levée avant l’aube, déterminée à profiter au maximum de chaque heure avant que les coupures de courant ne paralysent son atelier. « J’avais l’habitude de me réveiller à une heure du matin, juste pour travailler quelques heures avant la coupure de courant », se souvient-elle en s’essuyant le front dans la boutique animée. « Chaque franc que je gagnais semblait finir dans le réservoir de carburant de mon groupe électrogène. Il était impossible d’économiser. »
L’histoire de Safiatou se retrouve à travers tout Boké, une région où, jusqu’à récemment, les coupures de courant étaient aussi régulières que le lever du soleil. Les petits entrepreneurs comme les ménages étaient confrontés à une lutte quotidienne contre une fourniture d’électricité peu fiable, la flambée des coûts d’exploitation et, parfois, des mouvements sociaux alimentés par la frustration face aux interruptions de service.
Comme Safiatou, beaucoup de professionnels dépendaient de générateurs bruyants et polluants pour maintenir leur entreprise à flot. « Avant, je dépensais plus de 300 000 GNF (environ 35 dollars) chaque jour rien qu’en carburant », se souvient-elle. Un lourd fardeau financier que les réseaux peu fiables imposaient aux entrepreneurs locaux. La menace constante de pannes d’électricité asphyxiait non seulement la productivité, mais contraignait également les chefs d’entreprises à affecter les revenus durement acquis à l’achat de carburant pour les générateurs, laissant peu de place à l’épargne ou à la croissance.
Le projet d’interconnexion de l’Organisation de développement du bassin du fleuve Gambie change la donne pour l’emploi
La mise en service du projet d’interconnexion de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG) a marqué un tournant. L’initiative financée par la Banque mondiale a permis de construire une ceinture de transmission de 225 kV reliant la Guinée au Sénégal, à la Gambie et à la Guinée-Bissau. Un réseau qui a permis le commerce de l’électricité et l’accès à une hydroélectricité propre. À Boké, de nouvelles lignes de transport et sous-stations, mises en service fin 2022, ont enfin permis d’apporter une électricité stable et abordable à des milliers de personnes, suscitant de nouvelles petites entreprises, revitalisant les industries locales et créant des emplois indispensables.
« Le jour où les lumières se sont allumées, c’était comme un fardeau retiré », raconte Safiatou. Libérée de la tyrannie des coûts des groupes électrogènes, elle investit ses économies dans un deuxième atelier de soudure, embauche cinq employés locaux, double sa clientèle et triple son revenu mensuel. Des histoires comme la sienne illustrent à quel point une énergie fiable éclaire les maisons, et alimente des emplois et transforme les communautés à travers Boke.