L’efficacité énergétique est une solution transformatrice et relativement peu coûteuse qui peut accélérer l’accès à une énergie sûre et abordable tout en stimulant la croissance économique. L’enjeu est d’autant plus important que la demande d'électricité ne cesse d’augmenter, tirée notamment par les besoins de climatisation, des industries lourdes et, de plus en plus, des centres de données nécessaires à l’intelligence artificielle. Pour y faire face, les pays ont tout intérêt à miser sur des mesures d’efficacité énergétique qui leur permettront d’éviter de dépenser trop dans de nouvelles infrastructures, d’importer des combustibles et de s’endetter davantage.
De fait, le développement de l’efficacité énergétique est hautement rentable, avec un retour sur investissement estimé entre 3 et 5 dollars pour chaque dollar investi, sans compter les retombées en termes de croissance et d’emploi, entre autres multiples bienfaits socioéconomiques. Il en va aussi de l’amélioration du niveau de vie et des conditions de travail de plus d’un milliard de personnes dans le monde qui sont encore privées d’une énergie accessible, fiable et abordable pour l’éclairage, la cuisson, le chauffage et la climatisation, soit autant de besoins de plus en plus prégnants au quotidien.
Faire mieux avec moins
Lorsque la Türkiye a lancé son premier plan d’action national pour l’efficacité énergétique (a) en 2017, tout portait à croire que cette initiative serait rentable. Et les résultats ont été au rendez-vous : avec 8,5 milliards de dollars d’investissements mobilisés, le pays a réalisé 14 % d’économies d’énergie primaire — soit 24 millions de tonnes d’équivalent pétrole (tep). À présent, l’objectif est d’aller plus loin, avec un deuxième plan d’action (a) qui prévoit de porter les investissements dans l’efficacité énergétique à plus de 20,2 milliards de dollars (dans les secteurs résidentiel, commercial, industriel et public) d’ici à 2030, afin d’économiser plus de 37 millions de tep.
Un projet d’amélioration de l'efficacité énergétique dans les bâtiments publics (a), financé par la Banque mondiale, a contribué à jeter les bases d’un développement plus large du marché, dont pourrait bénéficier à terme le secteur privé. Ce projet, qui est sorti premier d’un concours national de productivité, a été mis en œuvre par le ministère de l’Environnement, de l’Urbanisation et du Changement climatique, en collaboration avec le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. L’ensemble de ces entités ont développé d’importantes capacités en soutien à la rénovation écoénergétique. Le gouvernement turc prépare actuellement un programme national de modernisation d'environ 500 000 bâtiments publics, incitant les donateurs et le secteur privé à mobiliser 8,8 milliards de dollars d'investissements.
Depuis le lancement du projet, environ 372 bâtiments ont été rénovés, ce qui a permis d’économiser près de 200 GWh par an (l’équivalent de l’alimentation en électricité d’environ 300 000 foyers) et de réduire les factures d’énergie de 11,5 millions de dollars par an. Près de 80 000 personnes bénéficient désormais de meilleures conditions de travail dans les écoles, les hôpitaux et les bureaux.
« L’amélioration de l’efficacité énergétique dans les bâtiments est un investissement judicieux », souligne Charles Cormier, directeur régional Infrastructures pour l’Europe et l’Asie centrale à la Banque mondiale. « La Türkiye s’est imposée comme un leader régional grâce à son programme national et à sa participation précoce à une nouvelle initiative de la Banque mondiale visant à développer l’efficacité énergétique en Europe et Asie centrale (a) et dotée d’une enveloppe de 1,5 milliard de dollars. Son expérience contribue à façonner un modèle régional de rénovations à grande échelle qui renforcent la sécurité énergétique, attirent les financements privés, freinent la demande et améliorent les conditions de vie des populations. »
Le projet a soutenu la réforme de l’hôpital public de Kandıra, dans la province de Kocaeli, qui accueille 800 patients chaque jour, voire deux fois plus pendant l’été. Dans le cadre de ses mesures d’efficacité énergétique, l’hôpital a installé un système d’automatisation amélioré pour le chauffage et la climatisation, facilitant ainsi la détection des pertes ou des dysfonctionnements et leur résolution rapide.
« Nous sommes extrêmement fiers du projet d’efficacité énergétique mené dans notre hôpital », assure son directeur financier, Gürol Aydemir. « Nous générons des économies d’énergie alors même que la capacité de l’hôpital continue de croître. Entre janvier et avril 2025, notre facture d’électricité a diminué de près de 20 %, et nous comptons bien atteindre l'objectif du projet et arriver à 35 % d’économies d’énergie. » Soit autant de gains substantiels que l'hôpital pourra diriger vers d’autres coûts d’exploitation essentiels.
Alimenter la création d’emplois et d’opportunités
En 2022, l'efficacité énergétique était la plus grande source d'emplois (a) dans le secteur de l'énergie, avec près de 11 millions d’employés dans le monde. En Türkiye, le projet financé par la Banque mondiale a dispensé des formations techniques à plus de 3 500 personnes, contribuant ainsi à doter la main-d’œuvre des compétences nécessaires pour trouver un emploi dans les secteurs des services énergétiques et de la construction. Le programme EDGE (a) d’IFC, une initiative novatrice de certification écologique des bâtiments, a formé plus de 10 000 experts dans le monde. En Inde, la compagnie Energy Efficiency Services Ltd (a) a créé près de 700 emplois directs et des milliers d'emplois indirects dans la fabrication d'ampoules basse consommation, de véhicules électriques, de climatiseurs et d'autres appareils. Et, en Amérique latine-Caraïbes, le nouveau projet de construction verte et performante (a) permettra de rénover plus de 500 bâtiments à la Grenade, au Guyana et à Sainte-Lucie, en mettant en même temps l’accent sur la formation professionnelle et l’emploi des femmes.
« L’augmentation des investissements dans l’efficacité énergétique dans le cadre de nos projets peut aider à répondre à la demande croissante d'énergie et à renforcer la sécurité énergétique tout en favorisant la croissance économique », explique Maria Marcela Silva, directrice régionale Infrastructures pour l’Amérique latine et les Caraïbes à la Banque mondiale. « Les investissements dans la maîtrise de l'énergie sont encore faibles en Amérique latine-Caraïbes, mais la région regorge d'opportunités et nous prévoyons d’intensifier nos engagements dans plusieurs pays. »
Une montée en échelle qui nécessite une action collective urgente
Des efforts concertés seront nécessaires pour libérer tout le potentiel de l’efficacité énergétique et impulser un véritable bond en avant, comme le préconise un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale. Cette approche, baptisée « LEAP » selon son acronyme en anglais, vise à aider les pays, les partenaires donateurs et le secteur privé à mettre l'efficacité énergétique au cœur des politiques et de la planification énergétiques. Les banques multilatérales de développement et les donateurs doivent travailler ensemble pour s'assurer que les politiques gouvernementales accordent la priorité à cet enjeu, dans le cadre d’institutions plus solides. À cet égard, une assistance technique et des financements peuvent aider les pays à transformer progressivement des projets de petite envergure en programmes nationaux. Tous ces efforts conjugués enverraient un signal fort au marché, ce qui peut, à son tour, attirer de nouveaux fournisseurs et favoriser la concurrence, entraînant ainsi une baisse des prix pour tous les consommateurs et la mobilisation de financements commerciaux.
Au cours des dix dernières années, les prêts de la Banque mondiale en faveur de l’efficacité énergétique ont appuyé des investissements dans les bâtiments publics et résidentiels, l’industrie, l’éclairage public et le pompage d’eau. Aujourd’hui, la Banque promeut des actions à plus grand impact, à travers des approches plus programmatiques, telles que son programme sur le défi mondial de l'énergie, des financements innovants et la mobilisation du secteur privé.
« L’efficacité énergétique occupe une place centrale dans notre démarche en faveur du renforcement du secteur de l’énergie », déclare Demetrios Papathanasiou, directeur mondial Énergie et industries extractives. « L'Académie du Groupe de la Banque mondiale y consacre un programme dédié (a), qui permet un partage des connaissances à l’échelle mondiale et contribue à impulser des réformes stratégiques et institutionnelles. Cette initiative permettra d’accélérer le passage de projets pilotes à des programmes nationaux d’efficacité énergétique à plus grande échelle. »