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ARTICLE24 novembre 2022

Machreq : cinq leçons pour favoriser l’emploi des femmes dans le numérique

The World Bank

Résumé des échanges de connaissances et des discussions du séminaire Genre et développement numérique organisé par le Mécanisme pour l’égalité des sexes au Machreq en février 2022. 

Plantons le décor : Rania, ingénieure diplômée d’une université jordanienne, se réjouissait à l’idée de faire carrière dans un secteur technologique en plein essor. En Iraq, Aseel, qui vend du savon fait maison, rêvait de se lancer dans le commerce électronique. Et Nadine, qui travaille depuis longtemps comme informaticienne dans le quartier d’affaires de Beyrouth, espérait être promue à un poste d’encadrement. Cependant, plus de six mois plus tard, Rania est toujours à la recherche d’un emploi, Aseel n’a pas encore trouvé l’argent dont elle a besoin pour basculer en ligne et Nadine attend toujours sa promotion.

Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), les technologies de l’information et des communications (TIC) constituent un secteur en plein boom et créateur d’emplois. Pourtant, en Iraq comme en Jordanie et au Liban, les femmes sont souvent exclues des emplois et des ressources liés aux TIC. La situation dans laquelle se trouve Rania n’a rien d’unique : en Jordanie, 35 % des ingénieurs diplômés sont des femmes, mais celles-ci représentent moins de 15 % des effectifs du secteur. En Iraq (a), les disparités entre les sexes pour l’accès à internet sont estimées à 28 % et, au Liban (a), l’écart dans les taux de possession d’un téléphone portable est de 17 %, dans les deux cas au détriment des femmes.

La technologie n’est pas neutre du point de vue du genre : les femmes se heurtent à des obstacles supplémentaires (structurels, culturels et économiques) qui les empêchent de participer à l’économie numérique sur un pied d’égalité avec les hommes. Il faut lever ces barrières pour exploiter tout le potentiel que recèle le développement numérique en faveur d’une prospérité accrue et partagée. Afin de s’attaquer aux « sexospécificités » du développement numérique, cerner et mieux lutter contre les obstacles que rencontrent les femmes, la Banque mondiale propose une démarche qui repose sur cinq piliers (a) : les infrastructures, les plateformes, les services financiers, l’entrepreneuriat, les compétences – autant d’éléments qui s’appliquent à la région Machreq.

C’est dans ce contexte que le Mécanisme pour l’égalité des sexes au Machreq (MGF) (a), un dispositif du Groupe de la Banque mondiale, a récemment organisé un séminaire en quatre sessions à l’intention de quelque 200 décideurs publics, entrepreneurs, incubateurs d’entreprise, dirigeants de multinationales et experts du secteur. L’objectif : discuter de la manière dont on pourrait mettre en place une économie numérique qui favorise la capacité d’action et la participation des femmes en Iraq, en Jordanie et au Liban. Le graphique en fin de page résume les résultats de ces échanges. On peut en tirer cinq leçons générales qui montrent que la transformation numérique peut grandement contribuer à une meilleure égalité pour les femmes dans l’entrepreneuriat et le monde du travail si un certain nombre de conditions sont remplies, notamment : un environnement propice soutenu par les pouvoirs publics, une demande de compétences et de talents dans le secteur privé, et la présence d’accélérateurs et d’investisseurs capables d’apporter un soutien et des stratégies d’investissement soucieux du genre.

The World Bank

Les élèves de la Jubilee School travaillent à la programmation et au développement de leurs robots pour travailler dans une station spatiale virtuelle dans leur école à Amman, Jordanie, le 10 février 2019.

World Bank / Raad Adileh

Quelles sont les principales leçons tirées ?

  • Leçon no 1 : Les pouvoirs publics ont un rôle central à jouer pour favoriser l’équité et la croissance inclusive. Un environnement réglementaire solide est indispensable à la mise en place de conditions de concurrence équitables permettant aux entreprises de prospérer et d’obtenir les ressources financières dont elles ont besoin. Les délais et les coûts qu’engendrent le lancement de nouvelles activités ou l’obtention d’autorisations sont source de difficultés pour les entreprises du Machreq, y compris les start up. Il en va de même des lourdeurs des systèmes d’imposition ou de demande de licences d’exportation, ou encore des entraves pour accéder aux marchés. Ces difficultés touchent plus particulièrement les entreprises dont l’accès aux capitaux d’investissement est limité et qui sont, dans une large mesure, détenues et dirigées par des femmes. Les autorités peuvent faire en sorte que tous les membres de la société disposent des compétences et de l’accès aux infrastructures nécessaires pour tirer parti du développement numérique en se fixant des objectifs d’équité concrets et en allouant les ressources nécessaires pour les atteindre. 
  • Leçon no 2 : Le secteur privé est un moteur de la demande de compétences et une source vitale d’emplois numériques. Le secteur privé est vital pour la croissance de l’emploi dans la région MENA et a le potentiel d’élargir les opportunités dans l’économie numérique. Comme documenté en Jordanie, lorsque les entreprises technologiques (a) se donnent pour priorité de promouvoir la diversité de genre, elles en tirent parti tout en comblant le déficit de compétences numériques. Une série d'études de cas d'entreprises dans le Machreq identifie de nombreux facteurs pouvant favoriser l’emploi dans le secteur privé, comme l’accès à des mentors féminins, une plus grande représentation féminine dans la structure des entreprises (aider des professionnelles comme Nadine serait non seulement la bonne chose à faire, mais serait également profitable sur le plan commercial !), des ressources financières pour les secteurs dans lesquels les femmes sont susceptibles de créer des entreprises, des formations techniques et commerciales, et la collecte de données ventilées par sexe sur les consommateurs. 
  • Leçon no 3 : Les accélérateurs et les investisseurs peuvent canaliser des ressources et nouer des liens de manière inédite. Compte tenu du faible accès au financement dans le Machreq, pour aider des femmes comme Aseel à faire la transition de son entreprise vers le numérique, il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de financement par l’intermédiaire d’accélérateurs, d’incubateurs et d’investisseurs porteurs d’objectifs ambitieux et tenant compte des enjeux de genre. Ces dispositifs peuvent soutenir la fourniture de formations commerciales, sur les TIC ou l’acquisition de compétences non techniques qui permettront de combler le fossé entre les femmes et les hommes en matière de compétences numériques et entrepreneuriales. Des stratégies telles que le programme « Female Founders Fellowship » (a) de Five One Labs promeuvent les modèles féminins, la mise en réseaux et les liens entre acheteurs et entrepreneures qui permettent de surmonter les obstacles dans l’accès au marché. 
  • Leçon no 4 : Les chefs d’entreprise ont accès à toute une panoplie de nouveaux outils qui élargissent considérablement leurs possibilités. En témoignent les nombreux instruments présentés lors de notre atelier numérique par les entrepreneures venues d’Iraq, de Jordanie et du Liban et des experts en développement commercial. Au nombre de ces outils figurent des plateformes d’apprentissage en ligne permettant de s’informer et de se former, des TIC facilitant l’accès aux opportunités économiques, aux emplois flexibles et aux nouveaux marchés, ainsi que des technologies améliorant la prestation de services et les interactions. Grâce aux outils de commerce électronique, les entrepreneures augmentent leurs ventes, investissent des secteurs traditionnellement dominés par les hommes, accèdent à des services de soutien aux entreprises (tels que la formation et la comptabilité) et améliorent leur flexibilité et leur adaptabilité. 
  • Leçon no 5 : La communauté internationale joue un rôle clé grâce à ses capacités de mobilisation et de partage des connaissances. L’essence de l’économie numérique est de dépasser les frontières et de permettre de nouvelles interactions et opportunités. En réunissant les parties prenantes de différents secteurs, pays, régions et marchés, les institutions internationales du Machreq peuvent contribuer à identifier, cibler et déployer des innovations.

Les acteurs internationaux peuvent également sensibiliser à l’importance de l’exposition précoce aux TIC, dont les filles sont trop souvent privées, et mettre les employeurs en contact direct avec les jeunes femmes par le biais d’événements comme le hackathon DigitalAg4Her (a). La Banque mondiale utilise sa base de connaissances mondiale pour placer le développement des compétences numériques dans la perspective de l’égalité des sexes. Par exemple, elle peut orienter les acteurs du numérique vers le programme S4YE (a), qui promeut des solutions pour l’emploi des jeunes. Cette initiative souligne l’importance fondamentale des compétences numériques dans tous les secteurs, et pas uniquement celui de la technologie, mais aussi la nécessité de mettre à niveau en permanence ces compétences pour rester au fait des technologies et des opportunités émergentes. Il est également possible de recourir à des dispositifs public-privé afin de diffuser les apprentissages, à l’aide de modèles de prestation flexibles et mixtes intégrant mentorat et soutien par les pairs — des aspects particulièrement importants pour l’inclusion des femmes.

Des femmes comme Nadine, Rania et Aseel existent bel et bien. Les avantages de la technologie ne pourront se concrétiser en l’absence d’un écosystème numérique qui garantisse l’égale participation des femmes et des hommes. Toutes les parties prenantes doivent agir de manière résolue et déterminée pour mettre en application ces leçons et faire en sorte que l’économie numérique offre davantage de possibilités à tous les membres de la société. 

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