Skip to Main Navigation
ARTICLE 12 juillet 2017

Exploiter des solutions qui ont fait leurs preuves pour améliorer le quotidien des adolescentes


Cet entretien présente l’initiative UFGE, un mécanisme général de financement de la Banque mondiale pour promouvoir l’égalité des sexes.

Image
Shubha Chakravarty est économiste senior à la Banque mondiale. De 2009 à 2017, elle a dirigé les travaux du Laboratoire d’innovation sur le genre et l’égalité des sexes en Afrique (a) consacrés à l’emploi des jeunes et axés sur les adolescentes. Avec Pravesh Kumar, spécialiste senior de la protection sociale, elle pilote le projet Tejaswini (a), une opération financée par le Groupe de la Banque mondiale pour aider quelque 680 000 adolescentes et jeunes femmes de 14 à 24 ans dans l’État du Jharkhand, en Inde, à terminer leurs études secondaires et à acquérir des compétences utiles sur le marché du travail.

L’initiative UFGE (pour Umbrella Facility for Gender Equality [a]) soutient les travaux des laboratoires régionaux d’innovation sur le genre et l’égalité des sexes (ou GIL) qui fournissent des données probantes sur ce qui fonctionne en matière de réduction des inégalités entre hommes et femmes, afin de guider l’élaboration de politiques efficaces. Les GIL évaluent l’impact de solutions susceptibles d’être étendues et favorisent la diffusion des connaissances acquises d’un pays et d’une région à l’autre. Par exemple, en liaison avec l’Initiative pour les adolescentes (AGI) (a), entre 2008 et 2015, le GIL en Afrique a produit des données essentielles en ce qui concerne l’impact des programmes pour l’emploi sur les jeunes filles et femmes.

 

Savons-nous ce qui peut réellement aider les adolescentes et les jeunes femmes à trouver un emploi de qualité ?

Premièrement, nous avons découvert que les programmes pour l’emploi des jeunes qui ignorent la dimension de genre ne bénéficient en fin de compte qu’aux garçons. Si vous voulez que des filles y participent, il faut susciter leur intérêt et celui de leurs familles, soit en prévoyant une sensibilisation ciblée, soit en proposant un programme exclusivement réservé aux filles.

Deuxièmement, il ne suffit pas d’enrôler les jeunes femmes dans un programme : il faut aussi prévoir des dispositions adaptées, comme la garde des enfants, des horaires flexibles, des lieux et des modes de transport accessibles qui pourront favoriser leur participation. Par exemple, au Libéria, un projet pilote mené par l’AGI en faveur de l’autonomisation économique des adolescentes donne le choix aux jeunes filles d’assister aux séances de formation le matin ou bien l’après-midi, et les horaires sont fixés de manière à leur permettre de rentrer chez elles avant la nuit. Autre exemple : un programme du BRAC en Ouganda, évalué par le GIL, propose des formations organisées après l’école dans des espaces sûrs et facilement accessibles aux jeunes filles, à proximité de leur lieu d’habitation.

Troisièmement, les compétences nécessaires dans la vie courante sont importantes pour les filles. C’est pourquoi nous organisons des formations à la négociation et à la communication, à la gestion du stress et des émotions, à la sécurité personnelle, à la santé génésique et sexuelle ou encore à l’initiation financière, dans le but d’identifier quelles compétences leur seront le plus utiles. En effet, non seulement ces compétences générales peuvent les aider à trouver un travail, mais elles renforcent considérablement leur capacité d’agir au quotidien. Si elles disposent de compétences de négociation, les jeunes filles seront mieux armées pour parler emploi et revenus avec de futurs employeurs, mais aussi avec leurs parents et leur partenaire.

Quatrièmement, il est important de cibler les 15-20 ans. La plupart des programmes pour l’emploi des jeunes sont destinés à des filles de 15 à 24 ans, mais ils attirent en fait des femmes âgées de 20 ans ou plus. Et c’est souvent trop tard, car beaucoup de ces femmes ont déjà des enfants, ce qui complique encore leur accès à l’emploi. Il faut donc davantage s’adresser aux plus jeunes, et cette exigence est prise en compte dans les conseils et les orientations que nous formulons pour les projets.

Enfin, nous avons mis en évidence que ces opérations sont rentables. Ainsi, pour moins de 100 dollars par adolescente et par an, le programme du BRAC a permis à ses bénéficiaires d’avoir 72 % de chances de plus de disposer d’une activité rémunératrice et d’augmenter de 38 % leurs dépenses mensuelles de consommation.

 

Ces données sont-elles utilisées en vue d’améliorer l’impact des projets sur les adolescentes et les jeunes femmes ?

Les résultats de nos travaux ainsi que les modèles expérimentés par les GIL ont été largement diffusés et mis à profit pour concevoir des projets ciblant les adolescentes et les jeunes femmes. Par ailleurs, la prochaine vague de programmes financés par l’IDA tiendra compte de ces données, et pas uniquement en Afrique. Voici quelques exemples :

  • Pour réduire les taux de fécondité au Sahel, où les mariages précoces sont fréquents, il est indispensable de cibler les très jeunes filles. C’est notamment l’objectif d’un projet entrepris au Sahel, qui vise à améliorer la santé génésique dans six pays de la région (Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad). Cette initiative, financée à hauteur de 170 millions de dollars, inclut une enveloppe de 65 millions de dollars ciblant spécifiquement les filles de 10 à 19 ans. Le projet met à disposition des espaces communautaires sécurisés et dispense des formations professionnelles. Il prévoit également des versements en espèces sous conditions afin d’inciter les jeunes filles à poursuivre leur scolarité.
  • Pour le projet Tejaswini (a), l’équipe s’est fondée sur des éléments issus de l’expérience internationale pour mettre en avant l’importance de doter les filles de compétences générales nécessaires à la vie courante avant de décider de poursuivre leurs études ou de commencer à travailler. Ce projet est similaire à celui du BRAC en Ouganda, c’est-à-dire qu’il propose différents espaces communautaires pour former les jeunes filles à ces compétences générales, en toute sécurité. Il va aussi dans le même sens que le modèle expérimenté au Libéria en permettant aux adolescentes d’accéder à différents types d’enseignements et de formation professionnelle en fonction de leurs centres d’intérêt et de leurs qualifications. Le projet Tejaswini nous donnera l’occasion de tirer des leçons utiles sur la réplication d’un modèle généralement mis en œuvre en Afrique par des ONG internationales dans un contexte différent : celui d’un vaste programme gouvernemental conduit par de nombreuses ONG locales dans l’État indien du Jharkhand.

 

Que peut nous apprendre la transposition et la multiplication de ces expériences ?

Avec cette nouvelle génération de programmes, nous découvrons ce qui fonctionne dans des contextes différents. Par exemple, le projet mené au Sahel (le SWEDD) adapte le modèle d’espaces communautaires sécurisés pour expérimenter des programmes périscolaires dans des écoles de filles, tout en testant en parallèle des clubs de garçons pour faire évoluer les normes de genre. En outre, nous pourrons constater les effets de ces projets au-delà du domaine de l’emploi. Ainsi, le projet Tejaswini et le SWEDD mesureront les taux de maintien et de retour à l’école, tandis que le SWEDD nous aidera aussi à déterminer l’impact de ces programmes sur le recul des mariages précoces et les taux de fécondité.



Api
Api