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Le braconnage recule grâce aux Activités génératrices de revenus

23 février 2017


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Kochikpa Abdou Raman Olodo/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • Au Bénin comme ailleurs, l’activité humaine exerce une forte pression sur la faune et la flore des zones naturelles protégées.
  • Ancien braconnier, Antoine Loana, est désormais un éleveur de moutons très prospère grâce au mécanisme des Activités génératrices de revenus (AGR).
  • Cette initiative a permis de réduire le braconnage et de rétablir la quiétude dans les parcs nationaux de Pendjari et W.

TANGUIÉTA, le 23 février 2017─« Le braconnage n’a plus d’avenir si l’esprit entrepreneurial d’Antoine Loana se propage dans tous les villages riverains des réserves de biosphère », remarque en souriant un expert de la Banque mondiale à la fin d’une visite de site de projet. Nous sommes à Batia, dernier village avant l’entrée du Parc national de la Pendjari au Bénin. Dans le quartier de Coallegou, Antoine Loana, la cinquantaine révolue, vient de présenter à cette équipe de la Banque mondiale son nouveau cheptel de moutons qui fait aujourd’hui de lui l’une des fiertés de sa localité.

Il y a deux ans, une subvention de 1,2 millions de francs CFA du Projet d’appui à la gestion des aires protégées (PAGAP), lui a permis de développer et de donner une autre envergure à son activité d’élevage qu’il exerçait jusque-ici de manière informelle. Construction d’une bergerie en matériaux pérennes, adoption de techniques de pâturage, formation à l’entretien et aux soins des bêtes, une réelle transformation s’est opérée dans sa vie et celle de son entourage. 


« Les activités génératrices de revenus ont indéniablement réduit les pressions exercées sur le parc. Aujourd’hui, quand vous êtes en contact avec notre faune, on sent que la quiétude est revenue. »

Boukari Warakpe

Directeur général du Centre national de gestion des ressources naturelles (CENAGREF)

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Kochikpa Abdou Raman Olodo/Banque mondiale

Ces deux dernières années, son cheptel est ainsi passé de 17 à 80 têtes de bétail, les ventes ont augmenté et les  recettes ont suivi. « En 2016, la vente de 13 moutons m’a rapporté 249 500 francs CFA (environ 410 dollars), l’année suivante, j’en ai vendu 17 pour 310 000 francs CFA et j’en ai encore 56 dans ma bergerie. Aujourd’hui, l’élevage est devenu mon activité principale et je passe toute ma journée avec mes bêtes au pâturage », témoigne-t-il.

Antoine n’est plus tenté d’aller braconner dans le parc national de la Pendjari, comme il le faisait avant pour arrondir ses fins de mois. Grâce à ses revenus stables, il peut d’ailleurs mieux s’occuper de ses enfants pour lesquels il a construit une petite maison à 60 km de Tanguiéta où ils poursuivent leurs études secondaires. « Ma réussite incite beaucoup de personnes à se lancer dans cette activité. Aujourd’hui, je soigne moi-même mes bêtes et celles des autres éleveurs du village. Je les forme et je suis devenu une sorte de vétérinaire », explique-t-il.

Le financement dont Antoine Loana a bénéficié entre dans le cadre des Activités génératrices de revenus (AGR), initiées par le PAGAP en 2011, au profit des communautés vivant aux abords des parcs nationaux. 
Son objectif ? Lutter contre le braconnage et réduire la pression exercée par l’activité humaine sur la biosphère. D’un montant global de 4,8 milliards de francs CFA, soit 8,9 millions de dollars, le projet a déjà déboursé plus de 247 millions de francs CFA pour financer 66 microprojets auprès des populations vivant près des parcs de la Pendjari et W.

Les équipes du projet entendent poursuivre ces efforts et financer une deuxième série d’actions. Elles ont reçu  plus de 1000 propositions de microprojets et ont examiné la faisabilité des quelque 510 propositions retenues pour le parc de Pendjari, et de 659 autres pour le parc W. Au final, 39 et 49 microprojets ont été respectivement sélectionnés et validés. « Il s’agissait de créer des revenus alternatifs pour les communautés riveraines afin qu’à terme, elles puissent réduire la pression qu’elles exercent sur les ressources du parc. L’expérience d’Antoine Loana est assez édifiante et a démontré aux autres villageois l’intérêt de promouvoir des activités économiques au lieu de compter sur la réserve», indique Eliassou Hamidou Séko, coordonnateur du PAGAP.

L’esprit entrepreneurial de cet éleveur de moutons de Coallegou a également retenu l’attention de Katrina Sharkey, représentante résidente de la Banque mondiale au Bénin. « J’ai été impressionnée par l’initiative d’Antoine, son appréciation de l’environnement local et par les infrastructures qu’il a améliorées pour abriter ses bêtes. Il a pu envoyer ses enfants au collège à Tanguiéta et les héberger correctement pour leur garantir un meilleur avenir », confie-t-elle, en remarquant que les riverains du parc se sont désormais appropriés ces initiatives et souhaitent les pérenniser. « C’est intéressant de voir que les personnes qui en ont bénéficié sont prêtes à multiplier leurs expériences et à les mettre à la disposition d’autres riverains du parc. C’est quelque chose de très important et il faut renforcer davantage cet aspect du projet pour assurer la survie et l’épanouissement des espèces qui font la réputation du parc auprès des visiteurs et des touristes », conclut-elle.

Les histoires comme celles d’Antoine commencent à se multiplier dans d’autres villages. Comme celle de la création du groupement de producteurs de miel « Tibassiti Yain » dans le village de Chafarga ou de la coopérative de maraîchers « Tossoma » dans le village de Tchanwassaga.

« Ces exemples de réussite de mise en œuvre du PAGAP nous rassurent et prouvent que le financement des activités alternatives, choisies par les populations elles-mêmes, est une parfaite initiative pour réduire la pression anthropique sur les parcs. Les résultats sur le terrain sont palpables, et les communautés nous ont indiqué leurs nouvelles activités économiques les dissuadent d’aller braconner dans le parc », insiste Salimata Diallo Follea, chargée de Projet PAGAP à la Banque mondiale.

En effet, depuis la mise en place des AGR, les responsables du parc de Pendjari constatent un net recul du braconnage et des autres dégradations de l’environnement. Sur les nombreux circuits de la réserve, phacochères, éléphants, hippotragues et autres cobes de Buffon observent imperturbables les visiteurs. Il y a cinq ans, témoigne un habitué du parc, cela aurait été impossible de voir les animaux aussi proches des voies. « Les activités génératrices de revenus ont indéniablement réduit les pressions exercées sur le parc. Aujourd’hui, quand vous êtes en contact avec notre faune, on sent que la quiétude est revenue. Ce que nous appelons dans notre jargon technique, la distance de fuite, n’existe plus. Une certaine confiance s’est rétablie entre la faune et l’homme », soutient Boukari Warakpe, directeur général du Centre national de gestion des ressources naturelles (CENAGREF).


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