Cent vingt pays se sont joints à des milliers de scientifiques pour rappeler aujourd’hui au monde entier que le changement climatique constitue une menace de plus en plus grave, qui affecte déjà les conditions de vie et les moyens de subsistance. Dans le cinquième Rapport d’évaluation du GIEC (a), ils appellent à réduire rapidement les émissions mondiales de gaz à effet de serre — de 40 à 70 % d’ici 2050 — afin d’enrayer la hausse des températures sur l’ensemble de la planète et d’éviter ses effets délétères les plus graves sur l’activité économique.
Les entreprises et les pouvoirs publics le savent. Ils savent comment réduire les émissions grâce à l’efficacité énergétique, aux énergies renouvelables et à une utilisation durable des terres, et ils peuvent lever les fonds nécessaires pour financer une transition sobre en carbone.
Mais comment, à partir de là, user de mesures économiques incitatives ou dissuasives pour aboutir à des actions qui auront un impact quantifiable sur le changement climatique ?
C’est un défi que les investisseurs, les pouvoirs publics et les chefs d’entreprise qui anticipent l’avenir s’attachent à relever. Lors des Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (a), nous avons discuté avec des dirigeants d’entreprise des solutions envisageables, et tout particulièrement des politiques de tarification du carbone qui pourraient encourager des choix limitant les émissions.
Les entreprises représentées étaient les suivantes : le fonds de pension suédois AP4 et le fonds de pension français ERAFP, le spécialiste mondial de la gestion d’actifs Amundi et le groupe technologique international Alstom. Dans leurs discussions, il a été question de la nécessité d’instaurer une tarification du carbone cohérente et pertinente, de se doter de cadres de politique publique flexibles qui permettront d’innover pour réduire les émissions polluantes des entreprises, de mettre en relation les différents systèmes de tarification du carbone qui sont en cours d’élaboration à travers le monde, et, enfin, d’adopter des mesures complémentaires, telles que des objectifs contraignants pour la maîtrise de l’énergie et l’utilisation des énergies renouvelables.
Les intervenants ont également reconnu que la communication par les entreprises d’informations relatives aux risques climatiques et aux émissions de gaz à effet de serre était essentielle pour aider leurs responsables de même que les investisseurs à orienter les financements vers des solutions sobres en carbone.
Ils ont affirmé que des capitaux étaient disponibles pour financer cette transition, mais que ces fonds ne seront pas suffisants à long terme si les pouvoirs publics n’envoient pas des signaux cohérents et crédibles.
« Nous devons commencer à réorienter les financements au profit de politiques bénéfiques pour l’environnement », a indiqué Mats Andersson, le directeur du fonds de pension AP4. Ce fonds de pension demande aux entreprises dans lequel il investit de donner des informations sur leurs émissions et leurs risques climatiques. « Beaucoup d’entreprises prennent cette exigence très au sérieux et l’intègrent dans leurs plans d’investissement. »
Transparence
Pour réduire les émissions, il faut d’abord évaluer le risque, c’est-à-dire calculer aujourd’hui ce que les émissions coûteront demain à l’entreprise ou à la collectivité. C’est un principe de base qui régit l’économie et les pratiques des entreprises.
Cependant, les investisseurs ne peuvent pas cerner ce risque si les entreprises ne communiquent pas d’informations sur les aléas auxquels elles sont exposées du fait du changement climatique. Ces risques peuvent par exemple concerner la vulnérabilité de leur chaîne d’approvisionnement et de leurs actifs en cas de catastrophe naturelle, la raréfaction de leurs ressources due au réchauffement ou encore l’impact des politiques ou des obligations relatives au changement climatique. De plus en plus d’investisseurs encouragent les sociétés sur lesquelles ils misent à donner des informations sur leurs risques climatiques et leur empreinte carbone, de façon à améliorer la prise de décisions à la fois dans les entreprises et du côté des investisseurs.
Les pouvoirs publics auraient tout intérêt à imposer aux entreprises, et en premier lieu aux fonds de pension, de donner des informations sur leurs risques climatiques, estime Frédéric Samama, directeur adjoint du segment Clientèle institutionnelle et Entités souveraines chez Amundi. Ils devraient se demander si, et pour quelles raisons, les fonds de pension publics investissent dans des entreprises polluantes qui auront in fine un coût pour le pays, pour ceux qui y vivent et pour son budget.
La publication de ces informations a également à voir avec la finance comportementale, a fait observer Philippe Desfossés, le directeur d’ERAFP : si vous êtes évalué tous les six mois ou tous les ans, et si la communication d’informations s’inscrit dans le cadre de l’activité quotidienne, le chef d’entreprise s’en préoccupera.