WASHINGTON, 11 avril 2014 – Au cours des deux prochaines décennies, l’Afrique subsaharienne comptera chaque année 500 000 jeunes âgés de 15 ans supplémentaires. Alors que, dans le reste du monde, la population vieillit, la jeunesse de la population africaine pourrait représenter un énorme atout économique pour le continent.
Pourtant, les défis sont de taille pour les jeunes qui travaillent dans une ferme ou une petite entreprise familiale. D’un côté, l’accès à la terre, au capital, au financement, à la technologie et aux marchés est limité. De l’autre, les jeunes pâtissent d’un niveau d’études et de qualification insuffisant.
Le fait que le nombre de personnes en âge de travailler soit supérieur au nombre d’inactifs représente un dividende démographique pour l’Afrique. Mais, pour que ce dividende devienne un atout, les gouvernements africains devront investir dans les enfants et les jeunes d’aujourd’hui, et mener des réformes de grande envergure visant à améliorer le climat des affaires et accroître la productivité.
Accroître la productivité dans le secteur informel
« Le principal problème en Afrique, ce n’est pas le chômage, mais plutôt le sous-emploi », a déclaré Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique. Et d’ajouter : « Les jeunes en Afrique ne peuvent pas se permettre de rester à la maison. Beaucoup d’entre eux vendent des marchandises dans la rue ou lavent des voitures dans la ville pour gagner leur vie, et ils ne trouvent pas un travail de plus de quelques heures par jour. La question est de savoir comment les politiques peuvent cibler ce groupe de travailleurs. »
C’est par ces propos que M. Diop a ouvert la table ronde consacrée au défi de l’emploi des jeunes en Afrique, organisée à l’occasion des Réunions de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington. Cette manifestation a permis de discuter, avec des délégués de pays africains, des conclusions d’un rapport paru récemment sur le sujet, et sans précédent par son ampleur et sa profondeur.
L’un des messages centraux de ce rapport est celui selon lequel le secteur informel, qui a toujours été négligé dans la plupart des pays africains, mérite beaucoup plus d’attention de la part des décideurs. Même si les emplois modernes rémunérés se multiplient, le secteur informel restera le principal « employeur » en Afrique dans un avenir proche.
Selon Deon Filmer, économiste principal à la Banque mondiale et co-auteur du rapport intitulé L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne, l’agriculture est un secteur crucial, car beaucoup de jeunes continueront d’y travailler. En outre, la demande de produits alimentaires provenant d’exploitations agricoles africaines ne cesse d’augmenter aussi bien sur les marchés intérieurs que sur les marchés d’exportation.
« Les gouvernements peuvent prendre des mesures rapidement pour fluidifier davantage le fonctionnement des marchés fonciers, fournir des services de vulgarisation en fonction de la demande et favoriser une plus large inclusion financière », a indiqué M. Filmer.
De fait, souligne Louise Fox, ancienne économiste principale à la Banque mondiale actuellement professeur à l’Université de Berkeley, les jeunes essayent de quitter le secteur de l’agriculture parce qu’ils n’arrivent pas à en tirer un revenu convenable.
Décrivant la situation dans son pays, M. Njuguna S. Ndung’u, gouverneur de la Banque centrale du Kenya, a expliqué que, durant des années, le secteur informel était perçu comme le moteur de la croissance. Toutefois, en y regardant de près, on s’est rendu compte que, bien que le nombre d’entreprises du secteur informel augmentait, celles-ci ne se développaient guère : « Donc, ce secteur n’absorbait pas la main-d’œuvre. Il couvait un chômage qui ne disait pas son nom, et la productivité réelle n’augmentait pas. »
Les solutions au problème de l’emploi des jeunes doivent mettre à contribution de nombreux secteurs et, surtout, les interventions devraient être durables, a-t-il conclu.