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Protection des femmes enceintes: Les « Health Rangers » sauvent des vies au Nigeria

19 juillet 2011


LES POINTS MARQUANTS
  • Un programme pilote implémenté dans l'état d'Ondo au Nigeria combat la mortalité maternelle et infantile
  • Dans la ville d’Ifedore, le programme a permis de multiplier par 15 le nombre d'accouchements sous contrôle médical en l’espace de quinze mois
  • Il s'agit d'un modèle durable d'amélioration des soins aux femmes enceintes qui coûte seulement 40 dollars par personne

WASHINGTON, le 19 juillet 2011 : Justinah Chukwudi habite le village d'Idule dans la zone rurale d'Ifedore de l'état de l'Ondo au sud-ouest du Nigeria. Elle est mariée à Godwin, un négociant du sud-est. Le couple attendait son quatrième enfant l'an passé et s'était inscrit au programme de santé maternelle et infantile récemment réorganisé d'Ifedore.

Un agent de santé communautaire, connu ici sous l’appellation de « Health Ranger », s'est rendu chez eux afin d'examiner Justinah. Après avoir constaté qu'elle avait des chevilles très gonflées et d'autres signes d'une grossesse avec complications, le représentant gouvernemental a demandé à Justinah d'obtenir rapidement une échographie.

À l'hôpital, Justinah a eu la surprise de découvrir qu'elle attendait non pas un, mais trois bébés. Lorsque le moment est venu d'accoucher, une ambulance a été dépêchée pour la conduire à la maternité d'Akure, où elle a donné naissance à des triplés grâce à une césarienne opérée par un médecin qualifié. Aujourd’hui, Justinah et ses trois bébés sont en bonne santé.

Cette histoire a une fin heureuse, mais si cette grossesse difficile n'avait pas été détectée et si des arrangements n'avaient pas été réalisés pour qu'elle bénéficie d'un accouchement médicalisé, Justinah pourrait ne plus être en vie pour nous en parler.

« Sans mon « Health Ranger » et mon médecin, je serais probablement morte », confie Justinah. Elle exprime sa reconnaissance envers le gouverneur de l'état d'Ondo pour avoir mis sur pied ce programme. « Ils m'ont sauvé la vie et celle de mes enfants », précise-t-elle.

Abiye : Un modèle communautaire de suivi médical

C’est grâce à une étude de la Banque mondiale que le gouverneur d’Ondo, M. Olusegun Mimiko, a été informé que son état affichait un taux de mortalité maternelle supérieur aux taux enregistrés dans les états voisins.  Il en fut choqué, car le luxuriant état de l'Ondo, riche en pétrole, produit aussi le plus grand nombre de professeurs par habitant que tout autre état du Nigeria.

C’est ainsi que le gouverneur lança le programme Abiye (« maternité sans risque » en langue locale), avec pour objectif de préserver la santé des femmes enceintes et de leurs enfants . En 15 mois, ce projet pilote s’est érigé en modèle et démontré que des actions vigoureuses entreprises au niveau local peut sauver des millions de vies.

Lancé en fin 2009 avec le soutien de la Banque mondiale, le programme pilote d’Ifedore a pour but de surmonter les premiers obstacles qui empêchent les femmes enceintes issues de familles à faible revenu de trouver de l'aide pendant leur grossesse.

De prime abord, comme ce fut le cas pour Justinah, toutes les femmes enceintes sont recensées. Les communautés sont aussi sensibilisées sur l'importance de rester en bonne santé pendant la grossesse. Puis les populations sont informées des services mis à leur disposition.

Au total ce sont 50 « Health Rangers » dûment formés qui ont reçu la tâche de veiller sur la santé de 25 femmes enceintes chacun. Ce suivi médical inclut non seulement des visites à domicile, mais aussi des conseils en matière de nutrition et des contrôles visant à détecter d'éventuelles complications.

Au-delà des statistiques, des personnes en chair et en os

« Pour nous, les femmes enceintes d'Ifedore sont avant tout de réels êtres humains. Nous les voyons en chair et en os, et non pas seulement d’un point de vue statistique », a souligné M. Mimiko lors d'une réunion à la Banque mondiale en juin dernier.

Il ajoute qu’un numéro vert a été mis à la disposition des femmes enceintes recensées, qui ont chacune reçu en prime un téléphone portable qui leur permet de communiquer non seulement avec les « Health Rangers », mais aussi avec les structures sanitaires, et même avec le gouverneur. M. Mimiko confirme avoir en effet reçu de nombreux appels d’une future maman qui se plaignait de son entourage qu’elle jugeait trop « passionné ».

Avec toute cette attention de la part du gouvernement, leur cause est beaucoup plus visible dans leurs communautés.

Une fois qu'elles ont rejoint une installation de santé ou l'hôpital, les femmes sont suivies par des infirmières ou des sages-femmes dûment formées, incitées et bien équipées ou par des médecins pouvant réaliser des césariennes. Les patientes sont rapidement libérées, ce qui réduit les durées d'attente pour les autres. Le tout est gratuit.

Solutions locales et à coût modéré : un défi pour les autres états

Les vertus du programme Abiye se sont répandues très vite à travers le pays, à tel point que des femmes enceintes partaient du Nord lointain pour s’installer à Ifedore.

« Quand l'inscription des femmes enceintes est multipliée par sept et le nombre d'accouchement sous contrôle médical est multiplié par 15 en l’espace de 15 mois, ce sont là des résultats concrets », souligne Obiageli Ezekwesili, Vice-présidente de la Banque mondiale pour l'Afrique.  Ancien membre du gouvernement Nigerian, Mme Ezekwesili précise que le pays est en proie à un taux de mortalité maternelle et infantile d’environ 10 %. « L'état d‘Ondo vient de lancer un défi aux autres états du Nigeria », ajoute-t-elle.

Pour M. Onno Ruhl, Directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Nigeria, il y a lieu de saluer le caractère durable d'Abiye.

« L'hôpital de référence pour la mère et l'enfant peut ressembler à celui de Grey's Anatomy (série télévisée tournée dans un hôpital, NDLR), mais ce n'est pas un hôpital-boutique ; c'est un modèle local très économique », ajoute-t-il.

Le coût des soins par patiente (quel que soit le mode d'accouchement) est de 40 dollars, salaires des personnels exclus. D'autre part, l'hôpital de référence est plus efficace que de nombreux hôpitaux publics. Même s’il ne compte que huit médecins, ce centre hospitalier a réalisé près de 4 000 accouchements en une année.

« Avec seulement 7,1 millions de dollars, nous serons en mesure d’implémenter le programme mis en œuvre à Ifedore sur l'ensemble des 18 collectivités locales que compte l'état d'Ondo », plaide M. Mimiko.

Le programme doit évoluer afin de réduire toujours plus la mortalité maternelle et réaliser des économies grâce à des mesures telles que la distribution de cartes SIM plutôt que des téléphones, que les femmes ont tendance à vouloir conserver.

Il peut s'avérer aussi nécessaire d'attirer davantage de médecins comme le directeur médical en chef du secteur privé de Lagos qui est venu travailler pour beaucoup moins à l'hôpital d'Akure et a mis sur pied les protocoles médicaux en vigueur.

Pour le gouverneur Mimiko, un tel geste prouve qu’Abiye offre « quelque chose que l'argent ne peut pas acheter ».

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