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Des financements de l’Association internationale pour le développement permettent de revitaliser l’économie en milieu rural dans l’est de la RDC

13 octobre 2010


LES POINTS MARQUANTS
  • Dans l’est de la RDC, la Banque mondiale met des fonds à la disposition des communautés rurales pour des microprojets qu’elles ont elles-mêmes identifiés
  • A ce jour, les microprojets financés par une sous-composante du projet PUSPRES ont touché près de 1,4 million de personnes reparties sur 1977 villages
  • Cette approche est connue sous l’appellation de « développement conduit par les communautés »

KINSHASA, 13 octobre 2010—Avec des financements ne dépassant pas 5.000 dollars américains dans le cadre d’un projet financé par la Banque mondiale, des communautés isolées, prises en charge par une ONG locale, s’autonomisent et arrivent à monter des activités afin de subvenir à leurs besoins.

Mukwale, diacre de la communauté Nazareth ne tarit pas d’éloges à l’endroit de l’ONG en charge de la mise en œuvre des activités d’appui aux communautés dans le district d’Isiro dans la province Orientale au nord de la République démocratique du Congo (RDC). En effet, cette communauté composée des peuples autochtones pygmées a reçu des outils aratoires, des limes, deux presses à huile ainsi que 10 bidons pour puiser l’eau à la source aménagée.

Grâce aux outils reçus, la communauté a accru la surface cultivée, en produisant du riz et du maïs. Mais, ce sont surtout les presses à huile qui ont changé la vie de cette communauté: « Grâce à nos presses à huile, nous avons pu acheter des porcs et notre élevage se porte bien. De deux porcs, nous en sommes à quatre aujourd’hui ». Cet instrument a également contribué à améliorer les rapports avec les communautés voisines. Mukwale est tout fier d’annoncer que même les bantous recourent à leurs presses à huile. « A force de recourir à nos installations, les deuxièmes citoyens ont changé d’attitude à notre égard », confie-t-il.

Les presses à huile et les outils ont permis d’améliorer le cadre de vie de la communauté et d’acquérir des biens (habits et radios notamment), et contribué à la sédentariser, réduisant ainsi sa dépendance de la chasse et de la cueillette.

Petites interventions, gros succès

L'aide aux communautés est une des composantes du Projet d'urgence de soutien au processus de réunification économique et sociale (PUSPRES) financé par la Banque mondiale pour un montant de 214 millions de dollars.

Avec une allocation globale initiale de 10 millions de dollars, cette composante avait pour objectif de soutenir les prises de décision en participation et le renforcement du capital social pour faciliter la reprise locale. A cet effet, des microprojets ont été financés dans les secteurs aussi divers que la santé, l’éducation, l’eau potable, l’agriculture, l’élevage, la pêche, la réhabilitation de pistes et autres petits ouvrages, la petite transformation et le transport.

Le programme se proposait également d’améliorer les services dans les communautés rurales pauvres en injectant des liquidités dans une économie rurale sans base monétaire, contribuant ainsi à reconstituer un certain pouvoir d'achat.

 « Ce soutien était crucial dans un contexte où des millions de Congolais vivant dans des communautés rurales isolées avaient été forcés de vivre en autarcie à cause des conflits. La pauvreté dans ces milieux était tellement aiguë que le troc avait remplacé les transactions monétaires et qu'il était impossible de produire de grandes quantités, faute de débouchés », précise Mahine Diop, responsable du projet à la Banque mondiale.

La localité d'Isiro est l’une des nombreuses identifiées par le projet. Par un processus participatif, des activités ont été identifiées dans chaque communauté et les priorités fixées. Ainsi, rapporte sœur Anualite, cadre de l'ONG Caritas Isiro, la communauté Sele a porté son choix pour un ponceau en remplacement de quelques rondins de bois qui servaient pour le franchissement d’un ruisseau. « Et comme il fallait franchir ce ruisseau pour se rendre au marché, à l’église, à l’école, et même au cimetière, imaginez la scène en cas de chute. Des passants, le cercueil, des bagages qui tombent dans l’eau ». Mama Françoise, qui vit aussi ici,  ne manque d’exprimer sa satisfaction depuis la construction du ponceau qui permet aussi de relier son quartier au quartier voisin. « Il nous était pénible de barboter dans l’eau sale à chaque pluie », précise-t-elle.

A Embaneba, petit village situé à 37 kilomètres d’Isiro vers Medje, une décortiqueuse remise à la communauté a également changé la vie de ce village de 251 ménages. Même les enfants sont contents de nous montrer leurs mains jadis calleuses à la suite des longues séances à piler le paddy pour le repas. Autrefois, ils passaient environ deux heures à cette tâche, mais aujourd’hui, il faut moins de cinq minutes pour décortiquer la même quantité. Pour chaque kilo de paddy décortiqué, l’usager paie 40 francs congolais, soit 0,06 dollar. La communauté se livrant essentiellement à la culture du riz, des arachides, des haricots, du maïs et de la banane plantain, la décortiqueuse est prise d’assaut chaque jour.

Grâce aux recettes générées, un comité de pilotage dirigé par Ine a acheté des machettes et les a distribuées à chaque ménage. « Les membres de la communauté ont augmenté la surface cultivée grâce aux machettes distribuées. Par voie de conséquence, la production de riz a augmenté», nous confie Ine. Autre effet secondaire, Embanema compte désormais 250 vélos et près de 50 motos.

En tant que préfet de l'école du village, Abongayase confie que le taux de fréquentation de son école s’est amélioré et les cas de déperdition scolaire sont devenus rares. La même satisfaction sera exprimée par Mama Suzanne au foyer social de Modiete. En effet, dans cette communauté, les activités ont porté sur le captage d'une source, l’acquisition d'une charrette funèbre et l’équipement du foyer social par trois machines à coudre. Ensemble, ces réalisations ont permis une diminution des maladies d’origine hydrique

Des séances d’apprentissage ont été dispensées aux femmes de la communauté. Grâce aux recettes générées par la vente des habits cousus par les membres du foyer social, une quatrième machine a été achetée après trois mois. « Avant l’appui de l'ONG je ne savais pas coudre. Je n’avais donc pas d’activité rémunératrice. Mais, avec le foyer social, j’ai payé les frais scolaires de mes enfants pendant toute l’année scolaire qui s’achève », se réjouit Mama Suzanne.

Au total, les projets et microprojets financés par cette sous-composante du projet PUSPRES ont touché une population de près de 1,4 million de personnes reparties sur 1977 villages. Sur le plan de l’agriculture, le financement a permis l’acquisition de 109 572 machettes, 81355 houes, 6889 haches, 38534 limes, 13652 bêches et pelles, 4450 râteaux, 250 poules, 647 poussins, 4483 chèvres. On note également une augmentation de la superficie ensemencée (de 0,5 ha à 2,6 ha par ménage).

En matière d’éducation, cette composante a permis la réhabilitation de 518 écoles, la construction de 53 écoles et la fourniture de 5497 bancs. Au niveau des impacts non quantifiables, cette sous-composante a permis l’amélioration de l’offre alimentaire des denrées alimentaires et du régime alimentaire des populations, facteurs-clé dans la croissance des enfants en bas âge. A cela s’ajoutent une amélioration des conditions d’études et une augmentation des effectifs scolaires.

Par ailleurs, les financements octroyés ont aussi permis l’acquisition de 187 décortiqueuses, moulins, presses à briques et presses à huiles. Ces micro-interventions se traduisent sur le terrain par une réduction du temps et de la pénibilité du travail de la femme et des enfants.

Souci de pérennisation

Avec la mise en place des mécanismes pour l’appropriation et la pérennisation du projet, la question de la pérennité de toutes ces activités est assurée. « L'identification des activités ayant été faite par les bénéficiaires et face aux résultats obtenus très vite, des initiatives individuelles ont vu le jour », remarque Tobie Chalondawa, coordonnateur du projet PUSPRES. A titre d’exemple, plusieurs membres de la communauté Bomoloma IV fabriquent du savon artisanal, sur base des connaissances dispensées par l'ONG. De même qu'au regard de la réussite des étangs à poisson, des particuliers se sont mis à creuser leurs propres étangs. 

Approuvé en 2003, le projet PUSPRES est financé par l’Association internationale de développement à travers un don de 164 millions de dollars et un crédit de 50 millions. Il a pour objectif d'aider le gouvernement congolais dans ses efforts de réunification économique et sociale des provinces de l’est. Il vise également à accroître l'accès aux infrastructures de base et des services sociaux dans les provinces Orientale, Maniema, Nord Kivu, Sud Kivu, Nord Equateur, Katanga Nord, et du Kasaï Oriental Nord.

 


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