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Fiches de résultats 14 décembre 2020

Combattre une épidémie dans une situation d’urgence complexe : le rôle des filets sociaux et de la mobilisation de la population locale pour la lutte contre la crise Ebola en République démocratique du Congo

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Femmes et hommes travaillent côte à côte pour reconstruire ensemble leur communauté. 

Photo: FSRDC


L’opération de soutien aux filets sociaux face à la crise Ebola en République démocratique du Congo (2018-20) a été déterminante pour venir en aide aux communautés et leur fournir un soutien au revenu indispensable en vue de favoriser le redressement et renforcer la résilience. Plus de 35 000 personnes (dont une moitié de femmes) ont déjà bénéficié d’un emploi temporaire, l’équivalent de plus d’un million de journées de services communautaires. Le programme a par ailleurs été riche d’enseignements pour affronter la pandémie de COVID-19.

Défi

Entre août 2018 et juin 2019, la République démocratique du Congo (RDC) a dû affronter la deuxième plus virulente flambée de virus Ebola de son histoire. D’autant que l’épidémie s’est déclarée dans un contexte de crises simultanées liées à l’insécurité alimentaire, aux déplacements forcés de masse et à un interminable conflit armé. Sur 3 420 cas au total, le pays déplore 2 287 victimes dans 29 zones sanitaires des provinces de l’Ituri, du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où vivent 8,5 millions de personnes, dont 6 millions nécessitant une aide humanitaire — une situation qui a menacé de submerger les mécanismes traditionnels d’adaptation.

La mission de maintien de la paix des Nations Unies, la MONUSCO, est déployée dans le pays depuis 1999 et plus de 70 organisations (a) se sont mobilisées pour fournir des secours. Ces efforts se sont malheureusement heurtés à une violente hostilité des communautés doublée d’attaques mortelles (a) contre les premiers intervenants. Après des décennies de conflit, les populations ont développé une profonde méfiance vis-à-vis des institutions officielles et des acteurs extérieurs. L’absence d’effets redistributifs sur les pauvres en dépit de la mobilisation inédite de ressources a également nourri les théories du complot dénonçant des intérêts occultes à l’œuvre derrière le « business Ebola » (a).

Démarche

La Banque mondiale a accompagné les efforts du gouvernement en déployant ses instruments financiers, son assistance technique et ses capacités de mobilisation. Fidèle aux principes de la stratégie du Groupe de la Banque mondiale pour les situations de fragilité, conflit et violence 2020-25 — rester engagé pendant une crise en cours et jeter les bases d’un redressement à long terme — la Banque a financé un programme d’urgence « argent contre travail » mis en œuvre par le Fonds social de la RDC (FSRDC), dans le but de renforcer la résilience des communautés à travers la création d’emplois temporaires dans les foyers épidémiques ; de recourir à des chantiers de travaux publics pour pallier les déficiences de longue date des infrastructures communautaires, responsables de retards dans la réponse médicale et humanitaire ; et d’améliorer l’acceptation des équipes médicales grâce à l’obtention de résultats rapides.

Le programme a fait preuve d’innovations à plusieurs niveaux : pendant la conception, en adaptant les interventions aux populations visées (sans qualifications) et à l’urgence de la situation (résultats rapides et tangibles) ; pour la passation des marchés, en s’appuyant sur des ressources locales pour maximiser l’impact économique sur les communautés locales ; et avec le contrôle à distance, à travers un système automatisé d’analyse en temps réel baptisé MARTA.

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Chantier d’entretien des routes à Butembo, dans le Nord-Kivu. Photo: FSRDC

Résultats

Le programme de mobilisation communautaire pour la lutte contre Ebola et les situations d’urgence a joué un rôle décisif pour les secours et un indispensable soutien au revenu en vue de favoriser le redressement et de renforcer la résilience :

  • entre avril et décembre 2019 (phase pilote), le programme « argent contre travail » a fourni des emplois temporaires à plus de 12 000 ménages vulnérables (dont 50 % des femmes) dans les communautés touchées et permis la réhabilitation de routes rurales dans cinq zones sanitaires ;
  • entre janvier et septembre 2020, le programme étendu a touché 23 000 personnes vulnérables supplémentaires (dont une moitié de femmes) dans six nouvelles zones sanitaires ;
  • globalement, plus de 35 000 bénéficiaires directs ont travaillé pas moins d’un million de jours (au 30 septembre 2020) en échange d’environ 3 millions de dollars.

Le programme avait prévu une assistance technique pour aider le Fonds social à mettre au point un système de contrôle à distance sur mesure, MARTA, reposant sur des technologies simples et libres d’accès :

  • entre septembre 2019 et septembre 2020, plus de 111 400 enquêtes sur les bénéficiaires, les lieux de travail et la perception de la population ont été collectées via MARTA (plus de 14 millions de données) ;
  • les informations ainsi recueillies sur les bénéficiaires ont permis de constituer un registre de base des individus pauvres et vulnérables (70 600 personnes), d’établir des profils de vulnérabilité et de valider le mécanisme de ciblage du programme.

Malgré les années d’expertise du Fonds social en matière de travaux publics et son acceptation par les communautés locales, l’assistance technique l’a aidé à maximiser ses atouts dans le contexte de la crise Ebola en renforçant ses capacités à tisser de nouvelles alliances et à instaurer des protocoles avec les agences publiques de santé, les acteurs humanitaires et les forces de maintien de la paix :

  • le Fonds social a été aux avant-postes du plan de riposte intégrée à l’épidémie Ebola, chargé officiellement du copilotage du volet « soutien aux communautés » — avec le Bureau pour la coordination de l’aide humanitaire des Nations unies (OCHA) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) ;
  • le Fonds social a rendu compte des progrès sur les indicateurs clés du programme et contribué à établir la carte 3W (qui fait quoi où) accessible sur le site dédié à la réponse humanitaire et le portail du gouvernement pour les urgences.

Contribution du Groupe de la Banque mondiale

Les activités menées dans le cadre du programme ont été déployées à titre pilote grâce à une allocation de 3 millions de dollars provenant de l’avance sur préparation de projet du deuxième financement en faveur du projet pour la stabilisation de l’Est de la RDC pour la paix (2020) et de la composante d’intervention d’urgence conditionnelle de 50 millions de dollars pour le projet d’éducation en RDC (2015).

L’enveloppe globale (1,2 million de dollars) pour l’assistance technique au programme, y compris au Fonds social, l’agence chargée de sa mise en œuvre, a été financée par plusieurs fonds fiduciaires multidonateurs :

  • 700 000 dollars du Fonds pour la construction de la paix et de l’État 
  • 300 000 dollars du Programme de réponse sociale rapide
  • 200 000 dollars du Fonds pour le développement des droits de l’homme
  • 50 000 dollars du Partenariat pour l’apprentissage précoce

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Jour de paie à Bunia, dans l’Ituri. Photo: FSRDC

Partenaires

La mise en œuvre du programme a été possible grâce à la collaboration et aux partenariats entre acteurs humanitaires, organismes de développement et forces de maintien de la paix, à l’origine de synergies garantissant la coordination et l’alignement des activités :

  • en collaboration avec le Programme alimentaire mondial (PAM), le programme « argent contre travail » a pu réhabiliter ou maintenir en état des axes routiers humanitaires stratégiques, facilitant ainsi l’accès du personnel et des équipes médicales aux communautés locales ;
  • le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a distribué des kits pour se laver les mains et des thermomètres afin de surveiller les bénéficiaires du projet sur les chantiers, garantissant ainsi le maintien de mesures sanitaires préventives tout au long du programme ; 
  • les Services aériens humanitaires des Nations Unies (UNHAS) ont facilité l’organisation de vols pour des missions conjointes Banque mondiale-Fonds social à destination de communautés isolées dans des régions difficiles d’accès.

Perspectives

L’approche novatrice et le modèle de partenariat adoptés ont été utilisés pour concevoir un financement additionnel de 445 millions de dollars en faveur du projet pour la stabilisation de l’Est de la RDC pour la paix. Celui-ci continuera de financer des travaux publics mais aussi des transferts monétaires sans conditions et une assistance technique afin de constituer un registre social unique pouvant être utilisé en cas d’urgence pour atteindre les populations pauvres et vulnérables. Par ailleurs, le registre constitué avec le système MARTA a aidé les intervenants chargés de la riposte à la COVID-19 à s’organiser rapidement et cibler les bénéficiaires, rendant l’intervention humanitaire plus efficace et conforme au principe de protection des populations pauvres et vulnérables du cadre de réponse à la crise de la COVID-19 du Groupe de la Banque mondiale.

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Photo: FSRDC

Bénéficiaires

Comme bon nombre d’hommes et de femmes vivant dans l’angoisse quotidienne du conflit et du chômage et peinant à joindre les deux bouts, Esther redoutait moins de tomber malade que de ne pas pouvoir donner à manger à sa famille. Interrogée sur le programme, Esther raconte : « On nous a dit qu’on nous donnerait 3 dollars ‘juste pour balayer’. J’ai eu un peu de mal à m’adapter, mais 3 dollars me suffisent pour m’organiser, puisque je n’ai plus d’emploi. Avant, j’essayais de m’en sortir en vendant des tomates. »