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DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS 05 novembre 2019

Le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, au Centre pour le développement mondial

Vous pouvez revoir l’événement ici

 

M. AHMED: Nous avons le grand plaisir et l’honneur d’accueillir David Malpass, le Président du Groupe de la Banque mondiale, qui va nous exposer sa vision du processus de développement de même que la manière dont il conçoit le rôle de la Banque mondiale. Nous allons commencer par une conversation, qui durera environ une demi-heure, puis je vous inviterai à poser des questions à notre invité. Je suis sûr que nombre d’entre vous avez des questions à lui poser.

Je voudrais également souhaiter la bienvenue à tous ceux qui nous suivent en ligne. Aujourd’hui, les participants sont plus nombreux en ligne que ceux qui sont dans la salle.

Grâce à ces caméras, notre débat sera diffusé en streaming live. Nous recevrons les questions et nous les partageons avec vous tous.

Alors, la première question peut-être… Je sais, David, que vous êtes revenu ce week-end d’un voyage en Inde, au Pakistan et en Arabie Saoudite. Vous êtes maintenant depuis six mois à la Banque mondiale et vous vous êtes rendu dans des pays d’Afrique, d’Asie et d’Asie du Sud. Vous avez donc pu vous faire une idée à la fois des défis que doivent relever ces pays et de ce qu’ils attendent de la Banque mondiale.

Vous avez dit à plusieurs reprises que pour vous, l’un des rôles les plus importants de la Banque mondiale était d’aider les pays à obtenir de meilleurs résultats de développement.

Après six mois, voyez-vous émerger les défis les plus importants ? Existe-t-il des schémas communs ? Au terme de ce parcours de six mois, quelles conclusions pouvez-vous vous tirer qui vous permettront de façonner le reste de votre mandat ?

MR. MALPASS: Bonjour, je vous remercie de votre accueil.

Le ralentissement de la croissance me semble être le défi qui revient le plus souvent. Les questions de gouvernance se posent dans le monde entier. C’est une question d’état de droit. Comment régler les litiges, comment conclure des contrats transparents et équitables, comment ces contrats sont-ils exécutés et sont-ils susceptibles d’améliorer les niveaux de vie. Ce sont donc là les problèmes les plus courants.

Mais il y a aussi plusieurs choses qui m’ont frappé. La première, ce sont les différences entre les pays et au sein même des pays

Par exemple, au Mozambique, il y a une zone nord et une zone sud. En Inde, qui compte plus d’un milliard d’habitants, les besoins et les intérêts sont extrêmement divers, de même que les défis…

[la vidéo saute]

… et les échanges au Pakistan. Les difficultés présentent plusieurs facettes car les niveaux de développement et de revenu sont différents.

Nous sommes donc très actifs dans ces régions. Nous avons des bureaux, parfois importants, dans un bon nombre de pays, qui prennent pleinement en compte les circonstances particulières du pays et sont axés sur l’éventuelle marche à suivre.

En Inde, j’ai fait deux discours. Nous avons eu de nombreuses réunions mais il s’agissait de deux discours officiels. Le Premier Ministre a assisté à l’un d’entre eux qui portait sur la réforme du système financier en Inde qui compte de grandes banques publiques avec des dépôts importants. En Inde, on s’efforce de prêter davantage aux petites entreprises.

Comment accroître le dynamisme du secteur financier ? Comment intensifier les investissements ? Ce sont là les défis que le pays essaye de relever.

Ce premier discours était destiné aux décideurs de l’Inde, à ceux qui sont déjà sur la scène politique depuis longtemps. Je me suis ensuite exprimé devant les fonctionnaires de l’Inde qui constituent une classe nouvelle. Le processus d’entrée dans la fonction publique est très officiel et on m’a demandé de motiver ces nouveaux fonctionnaires et de leur expliquer comment ils pouvaient faire une différence dans le système de l’Inde, ce que j’ai essayé de faire.

M. AHMED: De toute évidence, ces deux pays sont en train de devenir des pays à revenu intermédiaire et ce sont des pays dans lesquels non seulement la Banque mondiale, mais aussi la plupart des organismes internationaux, ont eu des difficultés à trouver la panoplie adéquate d’instruments et le panachage de politiques qui conviennent car il s’agit de pays fragiles et touchés par un conflit.

Toutes les projections tendent de plus en plus à montrer qu’à l’avenir la vaste majorité des pauvres vont se trouver dans ces pays. Je sais que la Banque mondiale tente depuis un an d’élaborer une stratégie de travail dans ces pays.

Je sais que l’IFC, dans le cadre du guichet de l’IDA, essaie non seulement d’appuyer le secteur privé dans les pays pauvres, mais se penche tout particulièrement aujourd’hui sur le sort des États fragiles.

J’aimerais savoir comment, à votre avis, la Banque mondiale abordera ces défis. Avez-vous une stratégie en tête pour y faire face ? Est-ce que cela sera plus ardu ? J’aimerais avoir votre idée là-dessus.

M. MALPASS: Bien, je ne veux pas être trop long et je ne suis pas expert en la matière, mais voici quelques pistes.  

Il y a d’abord un impact sur les services. Ceux qui veulent vraiment contribuer au développement doivent souvent s’installer dans des endroits où la vie est difficile, que ce soit à cause de la violence ou de la fragilité du pays ou tout simplement en raison de l’extrême pauvreté qui y règne. Cela exige une modification des schémas de recrutement. C’est ce que nous appelons l’empreinte de la Banque dans le monde. Cela signifie que ceux qui vivent sur place sont davantage préoccupés par leur propre sécurité, qu’il s’agisse de leur sécurité physique, de leur santé ou de la sécurité du bureau. C’est donc l’un des éléments.  

Pour nous le plus important c’est de doper la croissance et d’alléger la pauvreté. Comment la Banque mondiale peut-elle contribuer à aider les pays à ne pas devenir fragiles ?

Il est indispensable d’aider les pays à éviter une situation qui le fasse glisser vers la fragilité. Si le pays connaît des circonstances particulièrement difficiles, comment peut-on l’aider à en sortir ?

Ensuite, s’il s’en sort, comment l’empêcher de rechuter ? Bien souvent, un pays s’extrait d’une situation difficile puis rechute, ce qui signifie que ses progrès ne sont pas réguliers. Nous oeuvrons en ce sens.

Lors de l’Assemblée annuelle, qui a pris fin il y a une quinzaine de jours, nous avons eu une discussion approfondie sur ce que nous appelons le programme JET, Emplois et transformation économique. C’est un effort très ciblé sur l’emploi des jeunes, des femmes et sur les petites entreprises dans les États fragiles. Comment atteindre ces objectifs ?

C’est un effort majeur qui émane de la Banque mondiale et suscite l’enthousiasme ; nous avons besoin de l’engagement des donateurs, des actionnaires et des parties prenantes. C’est un désir qui s’exprime au niveau mondial.

En dernière analyse, si l’on voit les choses sous l’angle régional, il existe de nombreuses régions — le Sahel par exemple, au sud du Sahara — qui compte de nombreux jeunes au chômage qui migrent ou se déplacent ce qui cause des problèmes sécuritaires ; nous pensons que des progrès ont été réalisés dans la Corne de l’Afrique. Je veux parler ici des progrès d’établissement de la paix entre l’Éthiopie et l’Érythrée ; quant au Soudan, même le Sud Soudan, il présente des possibilités de stabilisation.

La semaine dernière, à Riyad, j’ai rencontré le Premier Ministre du Yémen. Je ne sais pas si vous avez vu les nouvelles aujourd’hui, mais les choses semblent s’améliorer dans la partie sud du Yémen qui a connu une grande instabilité. Cela fait des années que la Banque mondiale intervient fréquemment au Yémen.

Sans oublier que nous continuons à encourager les développements positifs de la stabilisation ou les changements positifs qui peuvent se produire dans cette région.

J’ajouterai un dernier point : l’apurement des arriérés de ces pays. C’est un défi technique pour la Banque mondiale et nous travaillons en relation étroite avec le FMI si un pays est endetté après d’institutions multilatérales ; il faut alors un engagement financier afin de permettre à la communauté internationale d’être plus active. En Somalie notamment, nous allons dans ce sens. Le Soudan devra aussi faire face à ce problème.

M. AHMED: Effectivement, cela prendra un peu plus longtemps.

M. MALPASS: Les sommes en jeu sont importantes, c’est-à-dire que les prêts contractés par ces pays il y a des années, ou parfois des décennies, sont encore en cours.

M. AHMED: Vous avez mentionné que beaucoup souhaitent l’intervention de la Banque mondiale, notamment dans les États fragiles ; plus généralement, lorsque la Banque intervient dans un pays, elle a un programme de travail sur lequel se greffent de nombreux autres acteurs.

Par exemple, les banques régionales de développement. Dans les États fragiles, vous travaillez de concert avec les organismes humanitaires, le système des Nations Unies et de plus en plus maintenant, avec certains bilatéraux qui sont assez importants. S’agissant des projets d’investissement, il va de soi que la Chine est un acteur majeur dans nombre de pays africains.

Comment voyez-vous le rôle de la Banque mondiale qui œuvre dans le cadre d’un système d’institutions ? Et comment peut-on accomplir les plus grands progrès ?

Vous vous souvenez du rapport du G20 préparé par le Groupe des personnalités éminentes…

M. MALPASS: Tout à fait.

M. AHMED: Ce rapport était assorti d’une recommandation proposant des plates-formes de pays. Un an plus tard, ces plates-formes sont encore en cours de création. Avec quelle énergie pensez-vous que nous devons nous attacher à ce programme ? Est-il possible d’assurer une meilleure coordination ?

M. MALPASS: J’ai appuyé le pays ; j’ai tout fait pour promouvoir l’idée des plates-formes de pays du Trésor et la Banque mondiale a repris le flambeau.  

En réalité, c’est un terme compliqué pour expliquer la coordination entre les différents acteurs de la communauté du développement au sein d’un pays pour faire participer les gouvernements des pays.

Idéalement, soit le Premier ministre, soit un Ministre du pays est très engagé, très dynamique et a une vision de l’objectif à atteindre ; il convoque et rassemble les différents donateurs qui peuvent être bilatéraux, de même que les groupes de la société civile, éventuellement des groupes du secteur privé, tous ceux qui veulent des résultats. Il lance la discussion afin qu’ils coordonnent leurs efforts pour éviter une situation avec des avis contradictoires ou des programmes qui se neutralisent. 

Ce que nous avons fait à la Banque mondiale, au lieu d’avoir beaucoup d’exercices de planification et de conférences internationales à New York ou en Europe, nous avons demandé à nos Directeurs-pays de centrer nos efforts sur les pays et les régions individuels pour tenter d’améliorer ces situations.

Nous avons donc demandé à ces Directeurs-pays, éventuellement de l’IFC, la Société financière internationale, d’examiner les opportunités permettant une collaboration et un travail collectif entre les pays.

Il y a un ensemble de pays, que nous appelons «pilotes», mais en réalité, ce n’est que le début du processus. Dans de nombreux cas, il existait déjà des groupes de coordination, parfois au niveau des secteurs. Ceux qui s’intéressent à la santé au Cambodge ont pu déjà se rencontrer. Ils combinent leurs efforts pour obtenir de bons résultats. J’ai voulu que l’on définisse largement ce qui constitue une plate-forme de pays réussie.

Ensuite, je voudrais faire une remarque plus générale car on parle beaucoup de multilatéralisme. Pour moi l’idée est de promouvoir une coordination internationale effective de manière à vraiment aider le pays ou la région à faire des progrès. C’est très souvent ce qui se produit et nous pouvons être encore plus efficaces.

M. AHMED: Parlons maintenant des questions et des objectifs qui vont au-delà des pays car il va de soi que le monde doit relever des défis pour lesquels les solutions ne se trouvent pas nécessairement dans un modèle pays par pays, qu’il s’agisse de la grippe endémique ou de l’atténuation du changement climatique ; la Banque s’intéresse déjà à toutes ces questions. Mais la structure organisationnelle de la Banque mondiale s’articule autour d’un modèle pays par pays, ce qui rend les choses plus difficiles. Par tradition, on a travaillé sur la base des pays par le biais de divers fonds fiduciaires ou d’autres instruments.

Certains pourraient avancer qu’au cours des dix années à venir, les actions seront insuffisantes au niveau mondial et que la Banque mondiale pourrait commencer à jouer un rôle plus important.

Comment voyez-vous cet équilibre ? Comment voyez-vous la Banque mondiale faire ce travail transversal ou portant sur les biens publics au niveau mondial ?

M. MALPASS: Je prenais des notes : «biens publics au niveau mondial» ; je dois mentionner plusieurs choses.

Premièrement, le savoir, les données, revêtent une importance considérable et la Banque mondiale déploie des efforts majeurs pour recueillir des données. La Banque fait des enquêtes ou commandite des enquêtes dans les pays afin de jeter les bases des programmes et des politiques. Nous pouvons poursuivre sur cette voie.

Nous continuons à innover dans l’analyse des données. La semaine dernière, lors de l’Assemblée annuelle, nous avons commencé à parler de la «pauvreté des apprentissages», c’est une sorte d’indice. Il repose sur l’idée très simple que nous nous fixons pour objectif qu’à l’âge de 10 ans, garçons et filles doivent être en mesure de lire des histoires de base dans leur langue maternelle.

Lorsqu’on recueille des données, on s’aperçoit que dans certains pays, 70 % des enfants en sont incapables. Il est évident qu’à l’âge de 10 ans c’est un problème, mais il est aussi très difficile de le corriger par la suite.

Je pense donc que le fait qu’une fille de 10 ans n’ait pas l’option, dans de nombreux pays, ne serait-ce que d’aller au lycée, dans le secondaire, constitue un énorme problème. L’examen et l’analyse des données avec les pays pourraient nous permettre d’améliorer cette situation. Nous espérons qu’ainsi, ces pays pourront réaliser que leurs programmes ne fonctionnent peut-être pas et prendront des mesures pour tenter de les améliorer car les enfants de 10 ans doivent se voir offrir de meilleures perspectives.

Je voudrais également mentionner l’Indice «Doing Business». Il a été publié la semaine dernière. Il revêt dans le monde une importance significative pour un grand nombre de pays car il permet d’examiner et de noter la création d’entreprises dans les pays. On peut ensuite comparer cet indice par rapport à celui de l’année précédente.

Heureusement, l’Inde et le Pakistan, d’où je reviens, ont progressé dans leur classement, de même que l’Arabie Saoudite. Le moment était donc opportun pour encourager le pays. Mais tous se posent la question de savoir « comment progresser l’année prochaine ? » Les modifications spécifiques du droit ou du processus de création des entreprises sont la réponse à cette question.

Nous voulons, et eux aussi, un environnement dans lequel une nouvelle entreprise peut être créée relativement rapidement, où les femmes peuvent créer une entreprise, pas seulement les hommes, et où le processus inspire suffisamment de confiance pour inciter à cette création.

Je voudrais mentionner deux autres choses.

Au printemps prochain nous allons lancer « les femmes, l’entreprise et le droit ». Des changements importants sont en train de se produire ; nous essayons d’encourager au niveau mondial l’autonomisation des femmes et des filles dans toutes sortes de domaines.

Cela signifie que les femmes sont autorisées à recevoir une éducation, à être titulaires de documents qui leur permettent de se déplacer dans le pays et à l’extérieur, d’hériter, et ainsi de suite.

Un grand nombre de mesures peuvent être prises et les avantages économiques sont énormes car les femmes représentent la moitié de la population ; et pourtant, souvent — comme au Pakistan — le taux de participation des femmes à la main-d’œuvre n’est que de 25 %, ce qui signifie qu’une part importante des ressources du pays n’est pas disponible. Nombre de ces femmes travaillent à la maison …

M. AHMED: Oui, à la maison.

M. MALPASS: … et nous essayons d’encourager cela, de leur permettre d’avoir le choix. Existe-t-il de véritables opportunités ?

Encore deux choses.

Il y a aussi la facilitation des échanges. Pour ces échanges, il est nécessaire de passer les frontières dans des régions ou sur des continents et il existe de nombreux obstacles qui sont coûteux au plan économique car il est difficile d’expédier des biens dans un pays où au-delà des frontières et cela peut prendre beaucoup de temps. C’est la raison pour laquelle de nombreux produits périssables ne peuvent être expédiés car ils vont passer 10 jours à la douane.

Quant aux biens publics mondiaux, ce qui est le point de départ de notre conversation, quelques mots à ce sujet. Notre programme avec la Chine évolue, de même qu’avec beaucoup d’autres pays, afin de prendre en compte les activités qui se déroulent dans le pays mais qui ont un impact au-delà des frontières de ce pays.

Il peut s’agir de la pollution qui s’écoule en aval d’un fleuve ou des matières plastiques qui sont rejetées dans la mer, ou de la pollution de l’air et de notre efficacité en termes du changement climatique.

M. AHMED: Un autre point, peut-être, à propos des biens publics mondiaux, car vous avez dit que dans les pays à revenu intermédiaire, que ce soit en Chine ou ailleurs, le programme opérationnel de la Banque mondiale peut évoluer pour insister davantage sur les retombées de diverses activités, qu’il s’agisse de biens publics au niveau régional ou mondial.

La Banque mondiale a un rôle à jouer; vous avez parlé d’engagements, par exemple s’agissant du climat : la part du climat dans le total des opérations ou le financement liés au climat.

Un dialogue s’établit au niveau mondial ; le rôle de leadership n’est pas toujours très clair entre les Nations Unies et d’autres organismes. Parfois, c’est la Banque qui a joué le rôle le plus important. C’est aussi l’un des domaines qui, du fait qu’il bénéficie d’un financement important, peut permettre d’avancer, qu’il s’agisse du climat ou des pandémies ou de tout autre programme. Je suppose que cela continuera de faire partie du mandat de la Banque mondiale ou de son travail à l’avenir.

M. MALPASS: Tout à fait. Ce qui nous importe c’est d’avancer dans un pays. Nous nous sommes donc écartés des conférences et voulons passer davantage de temps avec les pays pour les aider à progresser.

Nos engagements et notre mission sont donc, je pense, très clairs. Le défi, ou en tout cas une grande partie du défi, c’est de voir les pays concrétiser leurs objectifs et y inclure ceux qui ont trait au climat d’une manière qui leur permette d’avancer.

Regardons la croissance dans les pays en développement. Nous commençons tout juste à travailler sur l’IDA 19, la reconstitution de ce volet de la Banque mondiale qui travaille sur les pays les plus pauvres. Ce qui est préoccupant c’est que les revenus médians des pays les plus pauvres progressent plus lentement que ceux des pays à revenu intermédiaire.  

La Banque mondiale ne sait pas tout, mais dispose d’importantes données sur ces deux groupes. Il est inquiétant de constater que les écarts se creusent au lieu de se combler.           

M. AHMED: Oui, ils se creusent. Passons maintenant à un dernier sujet sur lequel j’aimerais avoir votre point de vue car vous en avez beaucoup parlé au cours des quelques derniers mois. Il s’agit du problème croissant de la dette, notamment de la dette des pays à faible revenu. Je pense qu’environ la moitié de ces pays sont surendettés ou courent un risque élevé de surendettement. Il y a aussi la question de l’absence de transparence des chiffres de la dette. Et je vois Tim Adams assis au premier rang.     

M. MALPASS: Je vois.

M. AHMED: Vous savez, l’IIF travaille depuis 18 mois sur une sorte de code volontaire de divulgation, au moins pour les banques qui prêtent aux souverains. On peut dire que ce n’est qu’une infime partie d’un puzzle qui est incomplet et dont les éléments reposent sur une base volontaire ; mais je pense que cela va dans le bon sens.

J’aimerais avoir votre point de vue sur cette question plus large mais aussi sur la façon dont ce programme de transparence peut avancer. Fera-t-il une différence ? Comment procéder ? Car en effet, on en parle beaucoup, mais 18 mois plus tard, je n’ai pas l’impression que nous nous soyons rapprochés de sa mise en œuvre.

M. MALPASS: C’est très intéressant. Je vais remonter un peu en arrière.

La croissance mondiale ralentit, et les pays en développement ont vu leurs investissements reculer. Le défi consiste donc à créer un environnement où les investissements peuvent être plus aisés et cela nous amène à la question de la transparence de la dette. Est-ce le montant de la dette ou les incertitudes qui entourent ses conditions qui ne sont pas clairs ?

Si l’objectif est de permettre aux gens de choisir leurs dirigeants et de comprendre ce que fait leur gouvernement, le premier principe devrait être que lorsque les administrations publiques concluent des contrats, des contrats de dette, on doit connaître le taux d’intérêt de même que le nombre d’années qui seront nécessaires pour rembourser le prêt. Y a-t-il d’autres éléments qui entrent en jeu ? Par exemple, le pays a-t-il accepté d’expédier toutes ses ressources naturelles au cours des 10 années à venir ? Et qu’a-t-on en échange de la dette, c’est-à-dire qu’elle est la qualité du projet réalisé ?

Dans les pays difficiles — en réalité dans tous les pays — on ne sait pas toujours ce qui constitue un bon investissement et c’est vrai pour tous les domaines. Les chemins de fer sont-ils un bon investissement ? Les routes sont-elles un bon investissement ? Combien doivent-ils coûter ? A-t-on plus d’écoles ou plus de livres de classe ? Cela inclut tous les éléments qui peuvent nous venir à l’esprit. 

Ce n’est pas nous qui décidons. Notre principe, me semble-t-il, c’est d’exiger une certaine transparence quant aux conditions.

Vous dites qu’il ne semble pas y avoir de progrès. C’était la même chose au Trésor. Nous avons décidé que c’était une orientation vraiment importante.

À la Banque mondiale, nous essayons d’aller en ce sens. Mais c’est difficile car plus l’on creuse, plus les questions sont complexes.

Il y a aussi la question des garanties, des hypothèques. Il existe également un aspect peu connu : la Banque mondiale a octroyé des prêts à un grand nombre de pays. Ils prévoient généralement une clause de sûreté négative, c’est-à-dire que le pays n’est pas supposé engager ses actifs envers un tiers, car cela compromet sa capacité à rembourser.

Cette clause n’a pas été…

M. AHMED: Appliquée.

M. MALPASS: Respectée. Dans quelques cas, en creusant un peu on s’aperçoit que c’est souvent le cas. Et cette question est complexe à bien des égards.

Alors, j’ai dit : « examinons quelques pays et dites-moi tout ce que vous savez sur la dette. » Nous travaillons donc sur certains pays pilotes et nous essayons de partir de zéro. On peut se demander combien de temps cela prendra. Cela peut prendre 3, 4, 5 mois, car les contrats sont extrêmement compliqués. Il y a également un autre aspect que je n’ai pas mentionné, c’est que certains prêteurs ont inclus des clauses de non- divulgation dans leurs contrats, même dans les contrats avec les gouvernements.

Les gouvernements nous disent alors : « Je n’ai pas le droit de vous communiquer le montant de la dette que j’ai contractée ». Ce n’est donc pas un environnement propice pour attirer de nouveaux investissements. Que peut-on faire ?

Nous essayons donc de comprendre la dette dans les pays qui veulent vraiment avancer. À l’aide de cette information, nous serons en mesure de mieux comprendre les types de dettes. C’est une cible qui nous échappe constamment, car dès que l’on arrive à définir les conditions d’un contrat, les financiers astucieux trouvent une autre façon de les rédiger. Il faut donc aller vite pour accroître la transparence d’une dette afin que les projets puissent être de meilleure qualité.

M. AHMED : Et bien sûr, on pourrait faire valoir que dans certains pays le Ministre des finances ou le Bureau de la dette nationale ne possède pas toutes les informations parce qu’une grande partie des emprunts sont souscrits par des entreprises publiques et assortis d’une sorte de garantie conditionnelle implicite de l’État dont on ignore a priori l’existence.

M. MALPASS : Exactement. C’est pourquoi nous avons mis en place des programmes d’assistance technique – c’est un aspect de l’action menée par le Groupe de la Banque mondiale : il essaie d’aider les pays à se doter des moyens de divulguer tous les contrats signés.

Autrement dit, « Avez-vous une liste complète des contrats que vous avez signés ? Avez-vous un exemplaire ? Pourrions-nous voir les chiffres ? Quels sont les différents types de clauses contractuelles, etc. ? » Il y a donc beaucoup de travail à faire, les pays doivent se doter des capacités voulues, et nous les aidons à cet égard.

M. AHMED : Du point de vue de la société civile, il serait bon que les analystes aient accès à ces  informations afin de pouvoir les étudier et les analyser – vous savez, le soleil est le meilleur désinfectant. Plus on élargit l’accès à l’information, meilleur c’est.

M. MALPASS : Exactement.

M. AHMED : Nous allons poursuivre cette conversation, mais je veux donner l’occasion aux personnes ici présentes de poser des questions. Je donnerai chaque fois la parole à trois personnes.

Voyons, Un, deux et trois, ici. Commençons par ce côté.

Monsieur, vous avez la parole.

QUESTION : Merci. M. Malpass, je vous remercie de votre compte rendu, et notamment sur votre récent voyage. L’un des aspects qui me tient le plus à cœur—je suis John Coonrod, du Hunger Project.

En ce qui concerne la Banque mondiale, je m’intéresse tout particulièrement au Partenariat mondial pour la responsabilité sociale et je vais participer à son Forum dans quelques semaines. C’est une innovation très intéressante de la Banque qui est pilotée par les pays membres pour améliorer la gouvernance en collaborant directement avec la société civile.

À l’heure où la liberté d’action de la société civile diminue, comment la direction de la Banque envisage-t-elle d’élargir la place faite à la société civile et d’améliorer ce type de responsabilité sociale ?

M. AHMED :  Je crois que nous avons une deuxième question à l’arrière. Oui, merci.

QUESTION : Bonjour.  Merci. John Fei de la Mansfield Foundation.

Pourriez-vous expliquer comment la Banque travaille avec les institutions multilatérales comme la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures et la Nouvelle Banque de développement ?

M. AHMED : D’accord, merci.

Prenons une question ici, devant, puis je passerai de l’autre côté.

QUESTION : Bonjour, Peter Semler, de Capital Intelligence.

Je voudrais revenir sur la transparence des prêts accordés aux pays en développement, notamment la Chine. C’est l’un des principaux points de désaccord au FMI et à la Banque mondiale. Pensez-vous que les deux institutions pourraient créer un programme de guichet unique – puisque les États-Unis détiennent 25 % des parts et que tous les actionnaires … de sorte qu’on pourrait avoir un guichet unique où tous ces documents seraient déposés pour examen par le FMI et la Banque mondiale ? Je vous remercie.

M. AHMED : Ce sont les informations dont il s’agit--

QUESTION : Oui. Rhode Initiative [phonétique], oui.

M. AHMED : --dans un registre à la Banque mondiale ou au FMI --

QUESTION : Ou les deux.

M. AHMED : D’accord.

M. MALPASS : Vous avez reformulé la question. Et ce monsieur a – peut-on tourner la caméra ? Merci.

Bien. En ce qui concerne la place des organisations de la société civile, nous faisons plusieurs choses. D’une part, nous encourageons le dialogue dans les pays. Et comme je l’ai dit, cela fait partie intégrante des plateformes nationales. D’autre part, nous essayons de faire en sorte que la société civile puisse se faire entendre – et nous avons un rôle à jouer à cet égard, avec les processus relatifs à l’état de droit.

Si on réfléchit à l’état de droit, cela désigne essentiellement la participation, en quelque sorte, des divers éléments de la société… et la responsabilisation, vous savez, cela recouvre de nombreux aspects, en termes d’interaction entre les administrations publiques, leurs systèmes judiciaires et leurs règles d’application des clauses contractuelles.

Par exemple, en Inde, l’un des domaines où le pays n’a pas un très bon classement dans le rapport Doing Business est le règlement des différends. Lorsqu’il y a un litige relatif à un contrat, les tribunaux en sont normalement saisis mais ils sont surchargés, ce qui limite les possibilités de régler le différend. Il serait préférable de trouver un moyen de règlement plus rapide pour aller de l’avant. Autant de raisons d’élargir la place faite aux organisations de la société civile.

En ce qui concerne la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, l’AIIB, j’ai participé à un groupe de discussion avec le directeur de la Banque à Riyad. Nous avons eu un bon échange sur les moyens de coopérer, mais aussi sur les moyens de définir des normes adéquates. Les discussions sont en cours. Et l’AIIB a participé à des cofinancements avec la Banque mondiale, c’est une relation très productive.        

C’est la même chose pour la Nouvelle Banque de développement en Chine. Vous savez, de nouvelles entités voient le jour. J’estime que la Banque mondiale est en mesure de travailler dans de nombreux pays. Mon rôle est de faire en sorte que notre action soit aussi efficace que possible. Nous dialoguons avec toutes les autres organisations, mais ma priorité est de trouver des moyens, seuls ou avec d’autres, de produire des résultats positifs, d’aider les pays à obtenir de bons résultats en matière de développement.    

Pour revenir à la question de ce monsieur, les efforts se poursuivent et l’IFI réfléchit aux moyens de rendre publiques les informations recueillies sur la dette, mais cela pose en fait des difficultés, selon le type de dette. L’initiative que j’ai mentionnée, sur la transparence, vise à exiger des gouvernements plus de transparence sur les contrats qu’ils signent.         

M. AHMED : Il y a une dame à côté de vous – je reviendrai vers vous plus tard, mais cette dame juste derrière vous a une question.      

Allez-y.      

QUESTION : Nadia Daar, d’Oxfam.       

M. Malpass, vu le double objectif de la Banque mondiale – mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée,  sachant que, selon la Pratique mondiale Pauvreté et équité, pour lutter contre la pauvreté il faut aussi lutter contre les inégalités, et compte tenu de l’engagement pris par la Banque d’atteindre l’objectif de développement durable no 4 concernant l’éducation et le droit à l’éducation pour tous, j’aimerais savoir ce que vous pensez – le Groupe de la Banque mondiale devrait-il soutenir les écoles privées qui font payer des droits de scolarité aux familles pauvres, qui peuvent atteindre 40 % du revenu d’un ménage pauvre, pour envoyer un enfant à l’école,  ce qui risque d’accroître les inégalités ?

Je vous remercie.

M. AHMED : Merci.

Donnons le micro à madame, ici.

QUESTION : Bonjour. Javaria Tareen, originaire du Pakistan. J’habite au Baloutchistan, où je dirige le premier groupe de réflexion jamais créé dans cette province, le Balochistan Institute of Research and Development. J’ai une formation de journaliste.

La perception courante au Pakistan, c’est que lorsque la Banque mondiale vient en aide au gouvernement pakistanais, la population s’oppose au gouvernement.

En tant que nouveau président de la Banque mondiale, quelle sera votre  stratégie pour relever ce défi au nom de la Banque ?

Deuxièmement, dans ma province du Baloutchistan, j’ai pu constater que la Banque mondiale ne collabore pas vraiment avec la société civile, mais plutôt avec les parties prenantes, l’administration publique. Quels sont donc vos projets – comment allez-vous améliorer la collaboration entre la Banque  mondiale et la société civile ? Merci.

M. AHMED : Je vous remercie. Monsieur, c’est à vous.

QUESTION : Merci. Carlos Santos-Burgoa, George Washington University School of Public Health, et Department of Global Health.        

Merci de me donner la parole. Vous avez parlé de gouvernance et d’investissements productifs. Ma question est la suivante : quelle est votre point de vue sur l’investissement dans le développement institutionnel et l’amélioration de la gouvernance - notamment dans la gouvernance de la santé - et sur le financement de l’information, les risques liés à la protection de la santé ? Que pensez-vous de cette idée d’investir dans le développement institutionnel ?

M. AHMED : Merci. Gouvernance.

M. MALPASS : Je vais commencer par cette dernière question. 

Santé et gouvernance. Votre point de vue m’intéresse beaucoup et je pense que les milieux universitaires peuvent faire des suggestions sur la manière dont les pays en développement pourraient mieux faire.        

Vous savez, c’est un gros problème parce que les pays manquent souvent de capacités. Ils n’ont certainement pas assez de médecins et, dans bien des cas, ils manquent d’infirmières et d’infirmiers. Cela nous amène à la question des agents de santé communautaires et ce qu’ils peuvent faire. Il y a aussi la question de mettre en place un système de paiement pour envoyer l’argent à ceux qui fournissent les soins.         

Cela nous amène à l’un des plus grands défis à relever, parmi d’autres – la pandémie. Cette conversation pourrait continuer indéfiniment – c’est un énorme problème au niveau mondial : comment améliorer les services de santé et l’accès d’une population toujours plus nombreuse à ces services.

La Banque met l’accent sur les enfants. Le point de départ, c’est la période de mille jours avant, pendant et après la grossesse. Nous avons mis en place de vastes programmes pour améliorer la santé des femmes enceintes, puis de la mère et de son enfant après la naissance. Les programmes de nutrition du jeune enfant sont d’une importance cruciale.

Le retard de croissance. Nous avons beaucoup de données sur les causes des retards de croissance des enfants,  nous savons beaucoup de choses à ce sujet, notamment que cela freine aussi gravement leur développement ultérieur. C’est pourquoi nous travaillons sans relâche pour réduire l’incidence du retard de croissance. Pour cela, il faut de l’eau potable, dans certains cas, davantage de calories, et dans bien des cas, davantage d’aliments nutritifs et moins de calories vides. Des programmes sont en place pour aider les pays à transformer leur système agricole pour produire des aliments plus sains.        

Mais je n’ai fait qu’effleurer la question.

L’une des questions à résoudre est la suivante : comment injecter suffisamment d’argent dans le système, et ensuite comment intervenir de manière efficace, car bien souvent le problème n’est pas le montant fourni mais la manière dont l’argent est utilisé dans les systèmes nationaux.

La question précédente concernait le Baloutchistan. Bonjour. Au Baloutchistan, l’inégalité est un gros problème. Le manque de croissance est un énorme problème, notamment au Baloutchistan, une grande province du Pakistan. La manière dont nous essayons d’intervenir varie beaucoup d’un pays à un autre. Au Pakistan, nous essayons de travailler au niveau infranational. Nous avons de grands programmes – nous sommes en mesure de travailler avec les provinces.

Il y a trois jours, j’étais à Karachi dans la province de Sindh. Ce n’est pas une petite Province, elle a un ministre en chef. Sindh a 60 millions d’habitants environ, 65 millions peut-être, et vous avez raison, une province peut avoir une élite qui détient d’importants pouvoirs exécutifs.

La Banque peut donc travailler directement avec la Province pour essayer de promouvoir les programmes qui permettent aux gens d’accroître leur revenu à tous les niveaux, mais surtout au bas de l’échelle, afin de réduire les inégalités.

Et cela peut couvrir différents domaines. L’un des plus importants est la santé de base, l’eau - l’eau  potable -, l’électricité mais aussi l’agriculture – la possibilité de cultiver la terre.

Le Pakistan produit beaucoup de riz et de blé mais il doit produire de la valeur – il produit aussi de la canne à sucre et du coton – il doit produire des cultures à plus forte valeur ajoutée, des mangues par exemple. Cela pourrait être des variétés de légumes qui sont meilleures pour la santé, mais qui améliorent aussi  le revenu des agriculteurs qui les cultivent. Souvent le système agricole ne s’y prête pas et nous pouvons mettre en place des programmes au niveau granulaire.

La question précédente porte également sur les inégalités mais dans le contexte de l’éducation : nous voulons travailler avec les pays pour mettre en place des systèmes qui fonctionnent au niveau national, mais comme je l’ai souligné, les pays sont confrontés à des problèmes très différents. 

M. AHMED : Bien. Je veux m’assurer que ce côté de la salle peut aussi poser des questions. 

M. MALPASS : Certainement. 

M. AHMED : Bon, madame, au milieu, ici. Il y a peu de mains levées, je reviendrai vers l’autre côté.

M. MALPASS : C’est à cause de la longueur de mes réponses, parce que--

M. AHMED : Non, il y a plus de gens de ce côté.

M. MALPASS : D’accord.

QUESTION : [hors micro]

M. AHMED : Merci. Vous Monsieur, au milieu du dernier rang. Oui.

QUESTION : Merci. Richard Seifman de One Health Commission.

Je voulais poser une question concernant One Health, mais ma question est plus large. L’une des institutions du Groupe de la Banque mondiale est la  MIGA, mais je n’ai jamais entendu dire que l’Agence peut offrir une plus large couverture des risques dans certains cas, et qu’elle joue un rôle grandissant au sein du Groupe. J’aimerais en savoir plus. 

M. MALPASS : Merci. Procédons dans l’ordre, avec la première question. 

M. AHMED : Exactement. Ensuite, nous avons un monsieur ici, et une dame à l’arrière, qui avait déjà levé la main il y a un moment.

QUESTION : Bob Rushi, consultant. Que fait-on pour améliorer la transparence en publiant davantage d’informations en  ligne, en prenant davantage de décisions en ligne et en mobilisant les fonds pour différents projets en ligne ?          

M. AHMED : Merci.

Madame, au fond. Puis nous reviendront vers vous David.

QUESTION : Bonjour. Roberta Romano, spécialiste des politiques à l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM. 

Deux brèves questions : Premièrement : quelle action mène la Banque dans le domaine de la fragilité, des conflits et de la violence et, alors qu’elle élabore sa nouvelle stratégie, quel est le rôle de la gouvernance dans le renforcement des institutions, un domaine dans lequel les organismes de l’ONU ont généralement moins d’influence.

Deuxièmement : alors qu’on étude des modèle de lutte contre la pauvreté, comment la mobilité humaine est-elle prise en compte dans les stratégies de la Banque, en tant que conséquence de la pauvreté mais aussi comme mécanisme d’adaptation, et pour réduire les inégalités entre pays.

Je vous remercie. . 

M. AHMED : Merci. 

M. MALPASS : Oui, merci.           

M. AHMED : Large éventail de sujets !          

M. MALPASS : Oui. En ce qui concerne les infrastructures, c’est une priorité pour les pays. La Banque a de nombreux projets routiers et d’aménagement urbain. Le problème des infrastructures, c’est que les zones urbaines se développent très vite.         

Par exemple, Ouagadougou a 1,3, 1,4 ou 1,5 million d’habitants ; 1,5 million d’habitants dans la capitale du Burkina Faso. Comment une ville se développe-t-elle en termes de réseau d’autobus, de voierie, etc. ? Et le système de distribution d’eau -- ce sont des questions d’importance cruciale.        

Nous cherchons donc à mobiliser des capitaux dans le secteur privé. Aux États-Unis, par exemple, les services municipaux d’alimentation en eau émettent souvent des obligations  pour entretenir et moderniser leurs installations, ce qui nous permet d’avoir de l’eau potable. Cette année, les municipalités n’ont pas assez d’argent pour ces travaux. Elles empruntent et remboursent à mesure que nous payons nos factures d’eau. C’est donc un système essentiel qui permet cette croissance.         

Mais si on réfléchit, comment un pays peut-il mettre en place un tel système ?     

En tant que pays régi par l’état de droit, nous formons des partenariats public-privé. En d’autres termes, quelle serait la définition d’un accord de partage dans un pays si une partie des fonds venait du secteur privé et une partie de l’État ? Qui est le propriétaire des actifs ? Comment les services d’entretien sont-ils répartis ? Ces modèles évoluent et sont très différents selon les pays.          

Nous nous efforçons donc d’aider les pays – l’IFC joue un rôle important, de même que la MIGA. La deuxième question portait sur la MIGA,  l’Agence multilatérale de garantie des investissements, qui a été créée en 1988. J’ai  activement soutenu cette initiative -- en 1987-1988 – dans l’idée que cela pourrait donner une garantie politique – fournir aux investisseurs une assurance contre certains types de risque que pourrait poser un pays, afin d’attirer des investissements privés dans le pays.          

La MIGA fait donc partie du Groupe de la Banque mondiale. Elle  partage ses bureaux. Et dans de nombreux programmes-pays à travers le monde, il y a quelqu’un qui travaille pour la MIGA ou bien nous essayons d’intégrer les services de la Banque mondiale et de l’IFC de sorte que tout le monde travaille ensemble pour présenter des concepts de projet viables et résoudre les problèmes d’infrastructure, par exemple. C’est un bon exemple de ce que peut faire la MIGA.          

Nous sommes en train de recruter un nouveau – il y a des changements de personnel dans l’équipe de direction de la  MIGA et l’Agence offrira des produits qui intéressent également les autres banques multilatérales de développement. Il n’existe pas d’équivalent de la MIGA à la Banque asiatique de développement parce que c’est une institution propre à la Banque mondiale qui a été créée dans les années 80. Nous essayons donc de l’utiliser le plus largement possible, pour aider les pays à créer un climat favorable à l’investissement.       

Il y avait une question sur la transparence et l’information en ligne. Je n’en sais pas assez à ce sujet. La Banque mondiale collabore de près avec un Conseil résident. Nous avons 25 administrateurs représentant différentes parties prenantes à travers le monde, avec au total 270 personnes qui s’emploient à aider la Banque et les membres de sa direction à étudier les options possibles et prendre des décisions éclairées concernant des prêts, des projets, etc. Il s’agit d’un processus pratiquement continu, dont certains éléments sont ensuite – ce que je veux dire, c’est que la Banque applique un strict principe de transparence en termes de documents et de diffusion de l’information. Par ailleurs, il existe un énorme volume – je ne sais pas si vous avez consulté les sites web de la Banque mondiale, on y trouve énormément d’informations sur l’historique des projets.           

Il existe un groupe à la Banque, l’IEG--         

M. AHMED : Le Groupe indépendant d’évaluation.        

M. MALPASS : -- le Groupe indépendant d’évaluation, qui mène des études sur les projets achevés, pour déterminer s’ils  ont donné ou non de bons résultats, et ces évaluations sont consultables en ligne.

J’encourage -- nous encourageons la transparence dans tous nos processus, et je dirais que nous pouvons tous – la Banque applique un concept qui remonte à l’époque de Bob Zoellick, ou peut-être même avant : à mesure que la Banque recueille toutes ces données – je change de sujet et vais parler des données proprement dites – nous faisons en sorte qu’elles soient accessibles dans le monde entier pour permettre aux chercheurs universitaires, à tout le monde, de consulter ces données. Vous trouvez donc sur les sites web de la Banque mondiale énormément d’informations qui sont consultables gratuitement – en tant que bien public mondial.           

Mais la question la plus difficile, d’une certaine façon, est celle qui porte sur la migration, la gouvernance et la mobilité. Il y a une interaction – si vous vivez dans un pays où la vie est très difficile – disons que vous êtes une femme qui habite dans ce pays et vos conditions de vie sont difficiles, comment conciliez-vous votre désir de partir ailleurs et les difficultés que cela pose pour votre pays de destination, à mesure que la population augmente ?        

C’est pourquoi les situations des migrants, des immigrants et des réfugiés sont très compliquées en Colombie aujourd’hui, en raison de la crise et des conditions extrêmement difficiles au Venezuela. Les gens partent à Bogota. Ils s’installent dans la région frontalière du Venezuela et de la Colombie. C’est une situation désespérée sur le plan de la santé, de l’alimentation, de tous les besoins de base – et elle ne fait qu’empirer à mesure que la situation politique du Venezuela se dégrade.   

Au Myanmar, les Rohingyas ont été victimes de violences. Ils ont été expulsés. Ils sont dans des camps. Beaucoup – je ne connais pas le nombre exact aujourd’hui,  mais il y a un million de personnes dans les camps du Bangladesh que la Banque mondiale et – vous avez mentionné l’ONU, nous collaborons étroitement avec divers organismes des Nations Unies pour essayer d’améliorer la situation – d’assurer au moins la subsistance de ces personnes.         

Et il y a bien sûr le Sahel, qui envoie des migrants dans trois directions : à l’est, vers le Soudan. Le Soudan reçoit des migrants d’Afrique de l’Ouest, mais ils partent aussi vers le sud. 

Aux assemblées annuelles, j’ai rencontré de nombreux dirigeants de pays occidentaux – et du monde entier, mais surtout des pays d’Afrique de l’Ouest, et ils ont fait état de flux migratoires vers le sud, qui peuvent créer des situations violentes très difficiles. Et il y a aussi  un  mouvement vers le nord, vers l’Europe.

Je n’ai donc pas de réponse à la question posée par la dame : comment faire – la mobilité a une valeur, mais comment concilier tout cela ?          

Essentiellement, ce que je veux faire, c’est instaurer de meilleures conditions dans le pays pour que les gens ne se sentent pas contraints de partir pour vivre en sécurité. Et s’ils sont partis ou ont été forcés de partir, ou s’ils ont fui, nous essayons de créer de meilleures conditions dans le pays d’accueil. 

Nous sommes très présents en Jordanie. Ce pays a accueilli au fil des ans un grand nombre de réfugiés venus de Syrie, mais aussi d’autres pays. C’est une situation très difficile pour un pays qui n’a pas beaucoup d’argent – j’ai oublié – je suis désolé, je n’ai pas les chiffres en tête – mais la Jordanie a --

M. AHMED : 700 000 réfugiés, officiellement, mais près d’un million et demi si on compte les personnes qui ne sont pas enregistrés comme réfugiés auprès du HCR -- 

M. MALPASS : C’est un nombre énorme, par rapport à la population de la Jordanie. Le monde doit faire face à cette situation, et la Banque mondiale mène ces efforts.  

M. AHMED : Bien. Je suis désolé, je crois qu’il y a beaucoup d’autres questions, mais nous avions jusqu’à 16 heures et nous avons déjà dépassé le temps imparti. Je vous invite donc tous à vous joindre à moi pour remercier David Malpass de sa présence aujourd’hui.

M. MALPASS : Je vous remercie.

 
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