DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS

La Centrafrique : « terre de richesse et d’opportunités »

30 mars 2016


Catherine Samba-Panza, présidente de la transition de la République centrafricaine

Transcription

Le 30 mars 2016, Catherine Samba-Panza, présidente de la transition de la République centrafricaine passe les rênes du pouvoir au président Faustin-Archange Touadéra, élu chef de l’État en février dernier. Troisième femme à diriger un État africain, cette juriste de formation, ancien maire de Bangui, a eu la lourde tâche de pacifier un pays détruit par trois années de conflits intercommunautaires. Dans cette interview exclusive, cette femme hors du commun effectue le bilan de ses deux années passées à la tête d’un État fragile.

En janvier 2014, vous êtes devenue chef de l’Etat et présidente de la transition. Pouvez-vous effectuer le bilan de ces deux années à la tête de la Centrafrique?

En fait la transition a commencé un an avant que je n’arrive à la tête de l’Etat. Donc j’ai pris la transition en cours et j’ai passé deux ans à la tête de la transition qui devait durer sous mon mandat un an. Mais, compte tenu du contexte particulièrement difficile, cette transition a duré plus longtemps simplement parce que son objectif était d’organiser des élections et de ramener le pays  à l’ordre constitutionnel. Les conditions n’étant pas suffisamment réunies, la transition a mis du temps pour organiser les élections. Aujourd’hui, c’est chose faite. Malgré les difficultés traversées, les efforts déployés, les sacrifices consentis, nous avons quand même pu avancer dans cette transition et il y a eu beaucoup d’acquis même si ces acquis restent encore fragiles.

Les acquis sont dans plusieurs domaines. Déjà dans le domaine de la sécurité : à mon arrivée à la tête de la transition en janvier 2014, on avait un système sécuritaire qui était défaillant, avec des  violences partout, des groupes armés dans tout le pays et des violations massives des droits humains et humanitaires. Nous avons pu commencer à stabiliser au moins ce pays avec l’appui des forces internationales notamment des forces des Nations Unies

Dans le domaine humanitaire, quand nous étions arrivés on avait 50% des populations soit réfugiés, soit dans les sites des déplacés. Nous avons pu les aider à sortir des sites des déplacés ce qui fait que le nombre de personnes déplacées a beaucoup baissé et les réfugiés qui sont dans les camps dans les pays voisins ont commencé à se sentir rassurés  et reviennent tout doucement.

L’autre question importante concerne le dialogue politique : vous savez que la question qui nous a amené dans les conflits était une question essentiellement politique : la conquête du pouvoir, la recherche du pouvoir. Nous avons compris qu’il fallait dialoguer avec tous ceux qui étaient  engagés dans la conquête du pouvoir pour qu’ensemble on puisse mettre l’intérêt supérieur de la nation avant la conquête du pouvoir pour son intérêt personnel.

Il y a également la relance de l’administration. Nous avions un Etat totalement déstructuré : il fallait relancer la machine administrative pour pouvoir restaurer l’autorité de l’Etat. C’est un acquis mais qui est encore limité car c’est limité à Bangui. Et nous aurions aimé restauré l’autorité de l’Etat partout sur le territoire national mais progressivement nous y allons avec l’appui des partenaires techniques et financiers qui nous aident à ramener progressivement l’administration publique à l’intérieur du pays

Voilà en gros, sans compter la question économique également : tous les outils de production des entreprises ont été totalement détruits donc il y avait des problèmes d’emploi qui se posaient. Nous avons également, grâce à des efforts sur la gouvernance, sur l’administration et l’amélioration de l’environnement des affaires, obtenu un frémissement de l’activité économique.

Quels sont, selon-vous, les plus gros défis auxquels la Centrafrique est confrontée aujourd’hui ?

Il y a une accalmie au niveau de Bangui et dans certaines localités à l’intérieur du pays mais cette accalmie, c’est un pays fragile, il faut la consolider en résolvant un certain nombre de questions importantes sur la réforme du secteur de la sécurité. Il est très important de se pencher vraiment sur cet aspect-là parce que la sécurité est globale ; elle n’est pas que militaire. Il faut voir également l’aspect de la sécurité civile.

Il faut désarmer et démobiliser tous ces groupes armés qui détiennent encore par devers eux  des armes et  qui les utilisent contre la population ou simplement pour survivre parce qu’ils n’ont pas d’autres opportunités. Donc, il est important d’envisager des programmes de réinsertion pour permettre à ces groupes armés, à ces jeunes [gens] armés et même aux populations civiles qui ont encore par devers elle des armes de petit et gros calibres de se débarrasser de ces armes. Mais en leur offrant des opportunités pour se reconstruire. Pour se relever à travers des revenus, à travers une réinsertion communautaire. Et ça, je pense que la Banque mondiale est prête à nous accompagner dans ces efforts-là. Nous avons des secteurs prioritaires ou on peut utiliser, occuper les jeunes, les femmes. Prioritairement, il y a l’agriculture. Nous sommes un pays avec au moins 15 000 hectares de terres arables, avec une bonne pluviométrie, où tout pousse ! Nous pouvons mettre un accent particulier sur l’agriculture. Commencer par l’agriculture de subsistance pour éviter qu’il y ait ces problèmes de nutrition et de crise alimentaire. Commencer par cette agriculture là et avancer vers des agricultures de rente pour permettre aux populations d’avoir des revenus.

Il y a quelques mois, la Centrafrique a organisé un forum pour promouvoir les investissements en Centrafrique : les investisseurs sont-ils prêts à revenir en Centrafrique ?

En septembre 2015, quand nous avions organisé ce forum sur la promotion du secteur privé, il y a eu un tel engouement, non seulement des investisseurs potentiels centrafricains mais également des investisseurs étrangers qui ont découvert qu’il y a avaient tellement d’opportunités d’intervention en  République centrafricaine, terre de richesse, terre d’opportunités. Beaucoup ont voulu revenir et ont pris des engagements. Parce qu’au cours de ce forum, nous avons mis l’accent sur l’amélioration du secteur des affaires mais également sur la restauration de l’intérêt investisseurs sur les secteurs  mal connus, des secteurs de croissance qui existent. Nous avons parlé de l’agriculture, il y a les mines, de l’énergie, du transport, du bois. Nous avons tout un aéropage de secteurs ou les potentiels investisseurs pourraient venir et créer de l’emploi

Il est important de faire de la relance de l’économie un vecteur de lutte contre la pauvreté et nous en sommes convaincus. Nous pensons qu’il faut également mettre l’ ’accent sur cet aspect-là pour absorber le chômage des jeunes, des femmes et permettre ainsi un développement durable de la République centrafricaine. Et nous sommes rassurés parce qu’au cours de nos discussions avec les plus hauts responsables de la Banque mondiale (je viens de rencontrer la directrice générale de la Banque mondiale), j’ai senti une disponibilité, une volonté réelle de continuer à nous accompagner sans réserves et je saisis l’opportunité de cette interview pour exprimer toute ma gratitude à l’égard du groupe de la Banque mondiale.

Quels conseils donnez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent s’engager en politique ?

Déjà, il faut qu’elles soient engagées dans le secteur des ONG, dans le secteur privé, qu’elles aient une vision de l’avenir et de leur pays et surtout qu’elles aient la capacité d’encaisser. Parce quand on est femme à la tête de l’État, on encaisse des coups et il faut avoir cette capacité d’encaisser, il faut avoir une carapace et cette carapace je me la suis construite…

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À Chad
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Téléphone : +235 6612 7334
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