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TRIBUNE 30 octobre 2017

Pour mettre fin à la pauvreté, puisez dans le plein potentiel des femmes qui lancent des entreprises

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Kristalina Georgieva. © Banque mondiale

Quand les femmes travaillent, tout le monde y gagne. La participation des femmes à la vie économique a d’immenses retombées positives au niveau familial, local et national. Partout où je suis allée, j’ai été frappée par l’énorme contribution que les femmes apportent à leur famille, leur communauté et, plus généralement, à la société.

Nous savons qu’aucun pays ne peut exprimer tout son potentiel et relever les défis du 21e siècle sans garantir la participation pleine et entière des femmes et des hommes sur un pied d’égalité. Et pourtant, les difficultés auxquelles sont confrontées les femmes entrepreneurs, en particulier, sont nombreuses et généralisées.

On estime que 30 % environ des entreprises officiellement immatriculées dans le monde sont détenues par des femmes. Dans les pays en développement, 70 % des PME féminines sont soit exclues du système financier formel, soit dans l’impossibilité de bénéficier de services financiers adaptés à leurs besoins. Les entrepreneures sont de plus pénalisées par leur manque d’accès à la technologie, aux réseaux et à l’information, ainsi que par les freins juridiques et politiques qui les empêchent de détenir et développer une entreprise.

Les inégalités ne se limitent pas à l’entrepreneuriat : les femmes sont aussi désavantagées dans l’emploi salarié. Les femmes qui travaillent ont des revenus inférieurs de 10 à 30 % à ceux des hommes. Cet écart s’explique en partie par le fait qu’elles travaillent plus souvent dans des secteurs moins rémunérateurs (comme le commerce de détail), mais aussi parce qu’elles exercent des activités non rémunérées dans des entreprises ou exploitations agricoles familiales. En outre, elles sont moins disponibles que les hommes puisqu’elles consacrent deux fois plus de temps que ces derniers aux tâches domestiques et à leur famille. Ajoutons que, dans au moins 100 économies du monde, les femmes ne peuvent pas exercer les mêmes métiers que les hommes. Le manque à gagner est considérable : selon des travaux du Groupe de la Banque mondiale, les pays pourraient augmenter leur PIB de 34 % en élevant le taux d’activité des femmes au niveau de celui des hommes.

Si les obstacles sont répandus, on trouve aussi, aux quatre coins du monde, des solutions innovantes pour les faire tomber. Au Kenya, par exemple, où seulement 1 % des femmes sont propriétaires d’un bien, la Gulf African Bank (GAB) — un client du Groupe de la Banque mondiale — permet aux femmes d’emprunter jusqu’à 15 000 dollars en apportant en garantie des bijoux, des animaux ou des cautions. Quand elle s’est lancée dans le transport de ciment, Yvonne Ndeta avait cinq employés et deux camions. Aujourd’hui, TRON Enterprises emploie 15 personnes et transporte du ciment et d’autres produits de base dans toute l’Afrique de l’Est. La cheffe d’entreprise envisage même d’étendre son activité à d’autres marchés dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.

La GAB appuie aussi un réseau d’agences réservées aux femmes qui offrent des prestations de conseil en plus des services bancaires. Elle propose ainsi des ateliers de formation en gestion, planification d’entreprise, gestion fiscale et leadership. Depuis le lancement de ce programme il y a deux ans, la GAB a prêté un montant total de 1,35 million de dollars à des femmes.

L’Assemblée mondiale des femmes, événement phare organisé par le Japon pour promouvoir le statut des femmes, est l’occasion de mettre en avant une nouvelle initiative destinée à mobiliser plus d’un milliard de dollars de fonds pour les entreprises féminines des pays en développement. Annoncé il y a quelques mois lors du dernier sommet du G20, l’Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs (We-Fi) a déjà réuni plus de 340 millions de dollars (soit une somme supérieure de plus de 100 millions à l’objectif initial) auprès de ses 14 membres fondateurs : Allemagne, Arabie saoudite, Australie, Canada, Chine, République de Corée, Danemark, Émirats arabes unis, États-Unis, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni et Fédération de Russie.  

L’initiative We-Fi vient combler un manque important. Il s’agit du premier dispositif de financement majeur qui permettra de coordonner réformes nationales et investissements privés. Autrement dit, tandis que nous investirons dans des projets de soutien aux entreprises dirigées par des femmes, nous travaillerons avec les autorités des pays pour démanteler les obstacles juridiques et réglementaires auxquels se heurtent les entrepreneures. 

La première réunion du comité de direction de l’initiative We-Fi s’est tenue il y a quelques semaines à peine, marquant l’entrée en activité officielle du nouveau dispositif. Aujourd’hui, je me réjouis à la perspective des échanges d’idées, propositions et collaborations qui naîtront de cette initiative ainsi que de nos discussions à Tokyo, où je me trouve aux côtés de dirigeants du monde entier animés par la même volonté d’accélérer les efforts déployés pour promouvoir une société où les femmes peuvent briller.

Il y a des entreprises, des gouvernements, des institutions financières et des associations qui accomplissent un travail remarquable pour tenter de faire tomber un à un les obstacles qui entravent les femmes. L’initiative We-Fi nous offre une occasion formidable de mobiliser de nouveaux financements et de nouvelles connaissances pour donner aux femmes entrepreneurs toutes les chances de réussir.

Ancienne commissaire européenne (2010-2016) chargée de l'aide humanitaire puis du budget, Kristalina Georgieva est actuellement directrice générale de la Banque mondiale. Elle est née en 1953 à Sofia en Bulgarie.

Publié initialement en anglais dans The Yomiuri Shimbun (a).

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