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ARTICLE 08 mai 2018

Comment une meilleure gestion des ressources humaines peut-elle accroître les recettes douanières ?

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Le port de Toamasina est le plus grand port de Madagascar où 75 % du fret est effectué. 

Crédit photo : Target/Euronews


LES POINTS MARQUANTS

  • Les recettes douanières représentent 44 % des recettes totales de Madagascar. La Direction générale des douanes s’est fixé l’objectif d’accroître ses recettes en menant une vaste réforme, axée principalement sur l’amélioration de la gestion de ses ressources humaines.
  • Elle a notamment introduit un système de contrats de performances au niveau du port de Toamasina, le plus grand port de Madagascar, avec l’appui de la Banque mondiale, à travers le Projet d’appui à la performance du secteur public (PAPSP).
  • Ces contrats de performance ont permis de simplifier et d’accélérer les formalités douanières et d’obtenir des résultats encourageants, puisque les recettes douanières collectées au port de Toamasina ont presque doublé entre 2015 et 2017.

ANTANANARIVO, le 8 mai 2018‒7 heures tapantes, Noro Miangola Razanamiandrisoa ouvre son bureau et se prépare pour sa journée. Noro est inspecteur des douanes au port de Toamasina, le plus grand port de Madagascar qui brasse 75 % du fret national. Elle fait partie des dix inspecteurs douaniers qui travaillent sous un contrat de performance, une approche introduite par la Direction générale des douanes depuis 2016. L’objectif est d’accroître les recettes douanières qui représentent déjà 44% des recettes fiscales du pays. En mai 2017, Noro a été désignée l’inspecteur le plus performant de l’année.

Le sentiment de contribuer au redressement de son pays

« Je l’ai pris comme un défi personnel et professionnel. Avec le contrat de performance, je suis devenue plus consciencieuse, plus méticuleuse et plus attentive. Malgré les contraintes que cela peut impliquer, par exemple, le fait que j’arrive au bureau à 7 heures du matin et n’en repars qu’à 20h, en oubliant souvent de déjeuner, j’ai décidé de renouveler mon contrat parce que ça me motive énormément de me dire que je contribue à l’effort global d’augmenter les recettes du pays », confie-t-elle.

Établi après plusieurs mois de consultations entre les inspecteurs des douanes et leur direction, le contrat de performance vise à améliorer l’efficacité individuelle dans le travail quotidien en fixant des objectifs clairs et en mesurant les résultats obtenus. Il prévoit aussi des incitations, des sanctions ou des récompenses. Le contrat comprend sept objectifs, notamment ceux d’accélérer les délais de dédouanement des marchandises, de renforcer le contrôle et d’améliorer la détection des fraudes.

« Depuis 2013, l’analyse des statistiques miroirs, effectuée conjointement par l’administration douanière et la Banque mondiale, nous permet d’apprécier le manque à gagner de l’administration sur la fiscalité du commerce international tout en améliorant l’analyse du risque. Les pertes sont de l’ordre de 30 %, un chiffre affolant qui invite à regarder de plus près la dimension des ressources humaines au sein de la direction générale des douanes », explique Eric Narivony Rabenja, directeur général des douanes.

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Noro Miangola Razanamiandrisoa, inspectrice des douanes au port de Toamasina a été désignée employé le plus performant de l’année en 2017. Crédit photo : Diana Styvanley, Banque mondiale
 

Des résultats déjà palpables

En 2015, après avoir identifié les raisons de ce manque à gagner, le gouvernement a décidé de relancer les réformes douanières pour accroître les recettes et lutter contre la fraude. Ces réformes ont deux priorités : faciliter les procédures de dédouanement et améliorer la gestion des ressources humaines. Contribuant à lui seul aux trois quarts des recettes douanières du pays, le port de Toamasina a été choisi comme site pilote.

L’introduction des contrats de performance, la réduction des délais de dédouanement et d’autres éléments de la réforme ont déjà apporté des résultats encourageants. En deux ans, entre 2015 et 2017, les recettes douanières collectées au port de Toamasina ont ainsi augmenté de presque de moitié, représentant un gain de plus de 400 milliards d’ariary (environ 100 millions de dollars).


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Source : Direction générale des douanes


Les délais de dédouanement des importations ont également baissé considérablement. Tout en ayant permis de limiter le nombre d’inspections physiques, la réforme a aussi eu des effets positifs sur la détection des fraudes et des sous-facturations, générant 12 milliards d’ariary de recettes supplémentaires (3 millions de dollars) en amendes douanières, entre 2015 et 2017, dont huit milliards (2 millions de dollars) entre 2016 et 2017. La réforme a également permis de traiter plus équitablement les différents importateurs, entraînant une meilleure perception du côté du secteur privé qui a constaté une diminution de la concurrence déloyale.

« Il y a eu un changement indéniable et cela se reflète sur le marché. Pour nous qui produisons par exemple du lait concentré, on constate que sur le marché, les prix des laits importés ont augmenté et sont à peu près tous les mêmes, contrairement au passé. Cela veut dire que les éléments se mettent en place pour les contrôles douaniers et qu’il y a un traitement plus équitable de la part des Douanes. Je pense que les contrats de performance ont été l’un des éléments importants de ce changement parce que les inspecteurs des douanes ont été incités à faire leur travail plus correctement et rigoureusement. La Douane gagne à ce que tous les inspecteurs et autres maillons de l’administration suivent le même chemin », souligne Philippe Penouty, directeur général de la société agroalimentaire Socolait.

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Philippe Penouty est directeur général de la société agroalimentaire Socolait créée en 1971 et qui emploie 220 emplois personnes et possède un réseau de 11 centres de collecte qui regroupent plus de 1400 éleveurs. Crédit photo : Diana Styvanley, Banque mondiale
 

Un processus graduel et en constante évolution

Cette réforme douanière, dont fait partie la mise en œuvre des contrats de performance, bénéficie du soutien technique et financier de la Banque mondiale à travers le Projet d’appui à la performance du secteur public (PAPSP). L’objectif principal de ce projet est d’améliorer la gestion des revenus publics pour permettre de fournir de meilleurs services publics au niveau local.

« Il faut absolument comprendre que les contrats de performance représentent un processus graduel de réformes. Pour réussir la mise en place d’un tel instrument, on doit s’appuyer sur des analyses chiffrées permettant de comprendre et identifier l’ampleur des mauvaises pratiques. Ensuite, il est important de maintenir un dialogue continu entre l’équipe de la Banque mondiale, la direction générale des douanes et son équipe de réforme dans un climat de confiance mutuelle. Enfin, il est tout aussi essentiel d’assurer un dialogue en interne et auprès du secteur privé », explique Gael Raballand, expert en gouvernance à la Banque mondiale. « Les mauvaises pratiques évoluent et les contrats de performance doivent donc s’adapter en permanence. En outre, chaque bureau et direction (au sein des douanes) ont leurs spécificités et il faut prendre aussi cela en compte. La préparation des contrats est tout aussi importante que son suivi. »

Après cet essai réussi, le gouvernement est en train d’élargir progressivement le recours au contrat de performance à d’autres services de la Direction générale des douanes qui occupent un rôle essentiel dans la chaîne de collecte des recettes douanières. Il a ainsi été étendu au bureau des douanes de l’aéroport d’Ivato depuis janvier 2016, au Service de la lutte contre la fraude depuis septembre 2017, et sera mis en œuvre au bureau des douanes du port de Mahajanga en 2018.

Au-delà de son rôle frontalier et sécuritaire, la douane est intimement liée au développement d’un pays car elle lui permet de disposer de ressources financières pour faire fonctionner les administrations et fournir des services publics de qualité aux citoyens. Faire de la douane malgache une administration fiscale moderne, source de revenus pour le pays et partenaire des entreprises, c’est possible avec des ressources humaines qualifiées et motivées !



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