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ARTICLE 15 novembre 2017

Sri Lanka : améliorer la participation des femmes à la vie active

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Au Sri Lanka, seule une femme sur trois fait partie de la population active. #SriLankanWomen

 

Banque mondiale


LES POINTS MARQUANTS

  • Contrairement à l’économie, qui progresse, le taux d’activité des femmes recule au Sri Lanka, de 41 % en 2010 à 36 % en 2016.
  • Du fait d’un déséquilibre de capital humain, les femmes ont toujours plus de mal à obtenir des emplois qualifiés et mieux rémunérés, indépendamment de leur niveau d’instruction.
  • Seules des stratégies globales pluridimensionnelles sous-tendues par une collaboration entre les différentes parties prenantes, notamment le secteur privé, permettront aux femmes d’accéder au travail.

Tous les jours, Pushpa dépose son plus jeune fils à la halte-garderie de l’église St-Theresa, à Thimbirigasaya. Puis la jeune femme de 37 ans part travailler, sauf imprévu : il suffit en effet que l’enfant ait un peu de fièvre pour que la crèche refuse de le prendre, par peur de la contagion.

Cette famille de Colombo n’a aucun proche vers qui se tourner en cas de problèmes. Quand son fils de deux ans tombe malade (ou un autre membre de la famille, d’ailleurs), Pushpa ne peut pas aller travailler. Donc elle ne touche pas d’argent ce jour-là. Employée comme domestique mais non déclarée par ses patrons, elle n’a ni congés payés, ni indemnités. « Je m’en sors », déclare-t-elle. « Je connais des tas de femmes qui sont obligées de cuisiner et de faire le ménage chez elles avant d’aller faire la même chose chez un patron. Ce qui est dur, c’est que je dois m’occuper de tout le monde, de mon mari et de mes enfants. »

Son mari a un emploi lui aussi, mais son travail est jugé prioritaire. Donc pour lui, mariage ne rime pas avec corvées familiales. 


« Ce qui est dur, c’est que je dois m’occuper de tout le monde, de mon mari et de mes enfants.  »
Pushpa

Taux d’activité des femmes : le Sri Lanka est à la traîne, surtout comparé aux autres pays à revenu intermédiaire

Un nouveau rapport de la Banque mondiale, intitulé Getting to Work: Unlocking Women’s Potential in Sri Lanka’s Labor Force (a), confirme que, pour les femmes, le mariage peut être un frein à la vie active. En se mariant, une femme réduit considérablement ses chances d’obtenir un emploi salarié (de 26 points de pourcentage) tandis qu’un homme voit les siennes augmenter de 2,5 points.

Pour toutes les Pushpa du pays, avoir des enfants en bas âge accentue la pression et restreint les chances de décrocher un travail rémunéré. D’autant que c’est sur elles que retombent, de manière disproportionnée, toutes les autres tâches et responsabilités ménagères. Sans compter qu’en tolérant mal qu’une femme travaille à l’extérieur, surtout si elle doit emprunter des transports en commun, les normes sociales accentuent les disparités entre les sexes sur le marché du travail.

Tout cela explique que, malgré le dynamisme économique du pays, la participation des femmes à la vie active ait reculé entre 2010 et 2016, de 41 à 36 % — faisant du Sri Lanka le 14e pays au monde où les écarts entre les taux d’activité des hommes et des femmes sont les plus élevés. Sur la même période, le taux de participation des hommes est resté supérieur à 75 %.

Ces chiffres globaux masquent la situation particulièrement délicate de certains groupes : le rapport s’alarme ainsi de la tendance au décrochage des femmes pauvres et moins instruites par rapport aux femmes mieux éduquées et plus riches. Quant aux veuves de guerre et aux femmes chefs de famille, elles ont nettement moins de chance que les autres de trouver un emploi rémunéré et sont de fait de plus en plus vulnérables depuis la guerre civile.

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Le problème : le Sri Lanka se classe au 14e rang des pays ayant les plus forts écarts de taux d’activité entre les hommes et les femmes. La solution : impartir aux femmes les compétences demandées par les employeurs. #SriLankanWomen

Faible participation, écarts de salaire persistants et chômage élevé

L’un dans l’autre, le rapport constate qu’au Sri Lanka, les femmes sont peu présentes sur le marché du travail, sont victimes d’un chômage élevé et sont toujours moins bien payées que les hommes. L’analyse révèle qu’elles n’acquièrent pas les compétences demandées sur le marché du travail.

Toute leur vie, les filles se heurtent à l’idée que certaines activités leur sont « adaptées », ce qui détermine leurs études (filières littéraires et artistiques plutôt que techniques) et les métiers possibles.

Cela se traduit par un déséquilibre en termes de capital humain, où les femmes, quel que soit leur niveau d’instruction, ont chaque année plus de mal à obtenir des emplois qualifiés et mieux rémunérés. L’examen des données apporte d’autres éléments, notamment le fait que les écarts de salaire se réduisent avec le temps, mais aussi que les femmes de moins de 30 ans, surtout en tout début de carrière, sont les plus susceptibles de se retrouver au chômage.

Les travaux de recherche réalisés pour ce rapport confirment que les employeurs pratiquent une discrimination à l’encontre des femmes, mais moins forte que ne le pensent en général les salariés. On observe en revanche la persistance d’une ségrégation professionnelle, surtout lorsqu’il s’agit de postes d’encadrement qualifiés : là, les hommes restent majoritaires.

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Imaginez un Sri Lanka où chaque femme et chaque homme pourrait réaliser pleinement son potentiel économique. #SriLankanWomen

Démanteler les barrières à la participation des femmes

Le rapport définit quatre pistes d’action prioritaires pour s’atteler aux obstacles à l’accès des femmes à un emploi rémunéré et leur donner les moyens de s’épanouir au travail. Il avance également des recommandations pour améliorer la participation des femmes dans cinq industries du secteur privé : les technologies de l’information et de la communication, les plantations de thé, le tourisme, l’habillement et l’agriculture commerciale.

Les initiatives de développement de carrière peuvent, si elles démarrent tôt, aider les jeunes filles à s’instruire et à acquérir les compétences et la confiance indispensables pour faire des études dans les filières recherchées par les futurs employeurs, entre autres les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) ou les formations techniques et professionnelles (EFTP).

À condition de les former et de leur donner accès au crédit et aux marchés, les femmes entrepreneures pourraient sortir de chez elles et créer une activité rentable. Celles qui doivent emprunter un moyen de transport pour aller travailler devraient bénéficier d’un accès amélioré et sécurisé.

Pour améliorer la mobilité des femmes, il faut par ailleurs développer la prise en charge des enfants, le travail à temps partiel et les congés maternité, mais aussi lever les contraintes sociales et matérielles. Les employeurs doivent adhérer au droit du travail imposant l’égalité hommes-femmes et la non-discrimination, ce qui passe par une tolérance zéro face au harcèlement sexuel. En optant pour l’action positive et l’éthique au travail, le secteur privé pourrait augmenter le taux d’activité des femmes et leur présence au capital d’entreprises des secteurs émergents.

En dernière analyse, seules des stratégies ambitieuses sur plusieurs fronts permettront de démanteler les nombreux obstacles qui entravent la participation des Sri-Lankaises à la vie active. Tout va dépendre de la collaboration entre les différenties parties prenantes, depuis les ministères compétents aux employeurs du secteur privé en passant par les prestataires d’éducation et la fonction publique. Quant aux femmes elles-mêmes, elles doivent aussi revendiquer leur juste place dans la population active du Sri Lanka.

 



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