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ARTICLE 14 novembre 2017

Renforcer la résilience : un espoir à l’heure du changement climatique



BATTAMBANG, Cambodge – Dans le village de Tuol Ta Aek, un groupe d’enfants jouent dehors entre deux averses. Sur les maisons et les clôtures, on distingue nettement la trace laissée par l’eau lors des inondations de l’an dernier.

Kong Halimas, 53 ans, fait sa lessive dehors. « Grâce au nouveau système de drainage, nos enfants arrivent à l’heure à l’école et leurs livres ne sont plus détrempés », explique-t-elle.

Octobre marque la fin d’une longue saison des pluies ici, et de nombreuses zones, tant en ville qu’à la campagne, sont inondées. Les enfants se baignent dans les fossés et des débris obstruent un réseau de drainage insuffisant. Les tuk-tuks, ces tricycles motorisés servant de taxis, se frayent un chemin dans les rues, leurs pneus s’enfonçant profondément dans la chaussée et projetant de la boue.

Tuol Ta Aek bénéficie toutefois d’un nouveau système de canaux géré par la communauté, et cette infrastructure permet désormais au village de ne plus être inondé.

Chitembo Kawimba Chunga travaille au ministère de la Planification du développement en Zambie. Elle a fait le déplacement depuis Lusaka pour voir la résilience climatique à l’œuvre dans cette région du Nord-Ouest du Cambodge. Par le biais d’un interprète, la fonctionnaire zambienne se lance dans une discussion enthousiaste avec Kong Halimas et Chnom Somat, 67 ans, son mari, à propos des améliorations dont bénéficie le village. « Les familles m’ont dit que davantage de clients fréquentent leurs magasins, et qu’il est plus facile pour les enfants d’aller à l’école. Les gens constatent aussi qu’il y a moins de maladies transmises par l’eau », relaie-t-elle.

Une délégation zambienne de 17 membres s’est rendue de Phnom Penh à Siem Reap, puis à Battambang et Pursat, dans le but de s’inspirer d’exemples concrets de résilience climatique. Ils ont parcouru quelque 9 000 kilomètres pour venir de leur pays enclavé d’Afrique australe, et, pour nombre d’entre eux, c’était la première fois qu’ils quittaient leur continent. Représentants des pouvoirs publics, chefs communautaires, villageois : tous souhaitaient voir de leurs propres yeux la façon dont le Cambodge lutte contre le dérèglement du climat dans le cadre du Programme pilote pour la résilience climatique (PPCR) (a), que les deux pays ont rejoint en 2008.

Il s’agit du premier échange Sud-Sud de ce type pour les pays du PPCR, l’un des guichets de financement des Fonds d’investissement climatiques (CIF) (a). Ce programme (1,2 milliard de dollars) est axé sur l’adaptation et l’atténuation du changement climatique. Il gère 58 projets dans 30 pays. C’est l’un des quatre programmes clés des CIF dans 72 pays.

Phan Diev a trois enfants. Elle habite à Battambang, le long du canal qui traverse son village. Depuis quelques années, le canal débordait, charriant dans son sillage des débris laissés par la tempête. Le PPCR a financé la remise en état du canal, ainsi que d’autres projets analogues, notamment au Cambodge et en Zambie. Cette cultivatrice de riz explique que, grâce à l’amélioration de l’irrigation à partir des eaux du canal, « la production de riz de son village a doublé ».  


« En Zambie, la remise en état des canaux a également de nombreux effets bénéfiques, notamment sur le plan de l’irrigation et des rendements. »
Iretomiwa Olatunji
Spécialiste de l’environnement à la Banque mondiale (Lusaka

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Auxilia Ponga, chef de la délégation zambienne, étudie les nouveaux projets d’irrigation à Pursat. 

Photo : César López Balan


Aux côtés de leurs hôtes cambodgiens, les membres de la délégation zambienne remontent un long chemin de terre en direction d’une coopérative agricole prospère, située à l’autre bout du village. Ceux qui ne peuvent pas marcher sont transportés sur des cyclomoteurs. « Nous sommes ici parce que nos deux pays souffrent des inondations et de la sécheresse, et chaque variation climatique a des conséquences énormes pour nous », affirme Kawimbe Kunga, qui coordonne le PPCR à Lusaka.

La Zambie et le Cambodge sont tous deux largement tributaires de l’agriculture. Ces pays disposent également tous deux d’un réseau complexe de canaux qui remontent à l’époque coloniale. Autrefois indispensables au transport et à l’irrigation, nombre de ces canaux sont aujourd’hui dans un état de délabrement extrême, mais ils sont actuellement remis en état grâce aux projets du PPCR.

« Nous souffrons de problèmes très similaires et, si nous collaborons davantage, nous pourrons beaucoup apprendre les uns des autres », affirme Auxilia Ponga, secrétaire permanente au sein du ministère zambien de la Planification du développement et chef de la délégation. Les pays du PPCR sont en train d’intégrer systématiquement la résilience climatique dans leurs plans de développement.


Selon les membres de la délégation, ce voyage marque également le début d’une longue série de conversations et de groupes d’études. La délégation zambienne a déclaré espérer que le Cambodge parviendra aussi à rénover ses canaux et ses systèmes d’irrigation dans les provinces du Sud et de l’Ouest où 76 000 ménages, dont bon nombre sont dirigés par des femmes, ont vu leur production de maïs et de manioc s’améliorer grâce à une meilleure irrigation (a).

« Nous sommes ici au Cambodge pour échanger des connaissances sur la façon de mieux gérer nos exploitations agricoles, en mettant davantage l’accent sur la coopération. Nous sommes convaincus que l’union fait la force », déclare Barry R. Kaambwa, directeur adjoint au ministère des Transports et des Communications de Zambie. « Nous avons converti des zones inondables en terres arables, et nous voulons désormais transformer nos exploitations en entreprises capables de vendre durablement leurs produits sur le marché ».

Les réformes peuvent aider les communautés rurales à sortir de la pauvreté, même si l’instabilité accrue des conditions météorologiques intensifie la lutte contre le changement climatique, ajoute Carol Zulu, responsable de l’environnement et de l’inclusion sociale pour le PPCR en Zambie. « Nous avons été impressionnés par l’implication des parties prenantes et la volonté politique au Cambodge. Les retours d’information que nous avons reçus nous aident à avancer et, peut-être, à encourager de nouvelles réformes ».

« Nous observons le rôle de la société civile au Cambodge, et cela fait partie des principales choses que nous retiendrons », explique Auxilia Ponga. « Si nous pouvions trouver une ONG solide, désireuse de s’engager auprès des populations rurales, ce serait immensément bénéfique tant pendant les projets que par la suite. »

C’est la première fois que Muchinga Nyambe quitte la Zambie. Cette éleveuse vient du district de Kazungula, où elle bénéficie d’un projet subventionné par le PPCR. Elle a 22 chèvres (bientôt 44, précise-t-elle) qui résistent mieux à la sécheresse que d’autres animaux d’élevage. Le Kazungula compte également de nouveaux forages, gérés par la communauté, qui atténuent les problèmes d’eau pendant les épisodes de sécheresse prolongés. S’ils sont bien entretenus, les femmes pourront aller travailler et les enfants à l’école, au lieu de parcourir de longues distances pour aller chercher de l’eau. « Je suis très heureuse de participer à ce voyage, et d’en apprendre un peu plus sur la résilience climatique », confie-t-elle. « Je pense que les pays du PPCR peuvent s’entraider davantage ». 

 

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Des membres de la délégation zambienne inspectent un canal à Pursat avec un hôte cambodgien. Photo : César López Balan
 



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