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ARTICLE 13 septembre 2017

Éducation de la petite enfance au Maroc : miser sur une période féconde

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Saviez-vous que, dès la conception et tout au long de l’enfance, le réseau neuronal d’un être humain progresse au rythme stupéfiant de pratiquement 2 millions de nouvelles liaisons par minute ? Les avancées des neurosciences l’ont confirmé : le développement cérébral commence bien avant l’entrée à l’école (et même la naissance) et la qualité des soins prodigués à la mère et à l’enfant dans les premières années exerce une influence déterminante. La prise en charge prénatale, contrôles de routine compris, la nutrition de la mère, la salubrité de l’environnement et la qualité des interactions et de la stimulation pendant l’enfance sont autant de facteurs décisifs pour l’épanouissement d’un enfant. Il est désormais avéré que le développement de la petite enfance conditionne l’évolution d’un individu et que les investissements dans ce domaine sont éminemment rentables.

Les perspectives de développement de la petite enfance au Maroc

L’absence de programmes pour la petite enfance entretient les inégalités

Chaque enfant doit certes pouvoir bénéficier de programmes de développement de la petite enfance de qualité, mais ils prennent une importance cruciale pour les populations défavorisées. Plusieurs études ont en effet montré que les investissements dans les programmes destinés au jeune enfant peuvent réduire les inégalités et rompre le cercle vicieux de la pauvreté.

Comme l’a théorisé le professeur Heckman, lauréat du prix Nobel d’économie, « pour les enfants issus de familles défavorisées, les chances de réussite scolaire ou sociale sont nettement plus faibles et les risques d’avoir des problèmes de santé à l’âge adulte beaucoup plus élevés. » Des programmes efficaces pour la petite enfance peuvent améliorer les perspectives économiques des enfants en les aidant à acquérir les compétences fondamentales indispensables pour avoir, une fois en âge de travailler, une activité plus productive.

Au Maroc, les inégalités d’accès à des programmes de développement de la petite enfance de qualité revêtent de multiples formes et révèlent d’importants écarts entre les enfants les plus aisés et les plus défavorisés. L’enjeu du développement du jeune enfant concerne tout d’abord sa survie même : au Maroc, 25 nouveau-nés sur mille décèdent dans les 30 jours suivant la naissance. Autre élément essentiel des programmes de développement de la petite enfance, la nutrition. Là encore, les écarts sont importants, comme en témoignent ces chiffres de 2004 : parmi les enfants de moins de cinq ans, 23 % présentent un retard de croissance et 10 % un déficit pondéral.

S’il s’est fortement développé ces dernières années, l’accès à l’éducation préscolaire reste un luxe pour de nombreux enfants marocains de familles défavorisées. Les écoles maternelles se sont surtout développées dans les villes à l’initiative du secteur privé, offrant des solutions alternatives à des structures plus traditionnelles, comme les écoles coraniques de type Msid et Koutab ou d’autres institutions. Toujours très répandues dans le royaume, ces structures assuraient 60 % de la scolarisation en 2015-16, pour un enseignement axé autour des principes et des valeurs morales de l’islam et de l’acquisition de compétences de base (écriture, lecture et calcul). Avec l’essor rapide des établissements préscolaires (traditionnels et privés), les effectifs ont fortement augmenté en dix ans (avec une hausse de 10 % entre 2001 et 2013 pour les enfants âgés de 4 à 5 ans).

Malgré les progrès en termes d’accès aux soins et à l’éducation préscolaire, de nombreux enfants marocains sont encore loin de pouvoir atteindre leur potentiel de développement en pleine santé. Déjà, le réseau d’écoles maternelles reste restreint, surtout en milieu rural, là où elles seraient les plus utiles. En 2015-16, 43 % seulement des Marocains âgés de 4 à 5 ans bénéficiaient d’une prise en charge préscolaire, le pourcentage tombant à 27,9 % dans les zones rurales. Les enfants les plus démunis ont nettement moins de chance d’accéder à des activités d’éveil que les enfants les plus aisés (16 % contre 58 %). Ensuite, la qualité de l’éducation préscolaire varie profondément d’une structure à l’autre et l’absence de mécanisme efficace d’assurance de la qualité à ce niveau empêche toute véritable amélioration sur le plan de la qualité et de l’homogénéité.

Des recherches ont également mis en évidence l’importance de l’implication des parents dans le développement cognitif de leurs enfants : selon l’OCDE, les enfants dont les parents jouent avec eux et leur parlent depuis leur naissance, leur lisent des livres et les aident à faire leurs devoirs ont plus de chance de réussir à l’école. Au Maroc, cette stimulation cognitive est rare, surtout dans les milieux défavorisés, pour plusieurs raisons, qui vont du faible niveau d’instruction des parents et de leur méconnaissance des comportements susceptibles d’aider les enfants à réussir à la taille des familles.

Le renforcement du capital humain passe par une hausse des investissements dans la petite enfance

Comme le soulignait le dernier Mémorandum économique de la Banque mondiale sur le Maroc, les investissements dans la petite enfance sont indispensables pour obtenir de meilleurs résultats sur le plan du développement humain. En plus d’influer sur l’épanouissement personnel, social et professionnel d’un individu, le développement de la petite enfance fait partie des leviers de croissance d’un pays.

Intervention multisectorielle par essence, le développement de la petite enfance exige une stratégie intégrée, globale et transversale qui puisse être déployée de manière coordonnée et efficace dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la nutrition et de la protection sociale. Par ailleurs, pour mettre en place les structures éducatives et de développement adaptées à un épanouissement global des enfants, surtout dans les familles menacées d’exclusion sociale, il faut privilégier la qualité sur le nombre.

En se dotant de normes de qualité pour la prise en charge et l’éducation des jeunes enfants, qu’il faut surveiller et faire appliquer dans tout le pays, le Maroc pourra engranger les bénéfices économiques et humains de long terme de ce type d’interventions. D’autant que cela contribuera à protéger et renforcer le développement des enfants et à faire en sorte que chaque jeune Marocain ait la possibilité de s’épanouir, quel que soit son milieu d’origine. Enfin, la réussite du développement de la petite enfance passe par une sensibilisation de tous : il faut informer les parents sur la nécessité de stimuler leurs enfants et d’interagir avec eux, les inciter à y prendre part et, parallèlement, vérifier que les programmes mis en place contribuent bien à l’acquisition de compétences cognitives, de la naissance des enfants à leur cinquième anniversaire.

La nécessité d’investir davantage dans les programmes pour la petite enfance va de soi si l’on veut renforcer le capital humain indispensable pour tenir les objectifs de développement d’un pays, contribuer à la hausse de la productivité et améliorer le quotidien des habitants. En tant qu’axe fondamental de la prise en charge des jeunes enfants, l’éducation est un levier réputé efficace pour assurer le développement humain et faire reculer les inégalités.



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