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ARTICLE 08 juillet 2017

Parier sur le cacao


LES POINTS MARQUANTS

  • La République du Congo mise sur la culture du cacao et le développement participatif pour diversifier son économie et réduire sa dépendance à l’égard du pétrole.
  • Les premiers effets sont déjà perceptibles, quatre ans après la mise en œuvre d’un projet destiné à permettre aux agriculteurs de se recycler dans des filières écoresponsables.
  • 885 microprojets ont ainsi été financés dans des domaines aussi variés que l’apiculture, le reboisement et l’agroforesterie.

« J’entendais dire qu’au temps de nos grands-parents, la culture du cacao garantissait une bonne retraite. Maintenant que nous nous y sommes mis nous-mêmes, nous voyons les résultats et nous en sommes de plus en plus convaincus.  »
Colette Aya
Une cacaocultrice du district de Kabo

BRAZAVILLE, le 26 juin 2017-Didas Ngono plonge et replonge délicatement ses bras nus dans la pulpe laiteuse et épaisse des fèves de cacao jusqu’aux dessus des coudes, effectue des mouvements circulaires d’avant en arrière, s’arrête un moment pour reprendre son souffle puis recommence. « C’est l’étape finale et la plus difficile du processus », explique-t-il en sueur, une fois sa tâche terminée. « Si vous ne faites pas correctement toutes les étapes, vous risquez de perdre toute la production ».

 

Didas Ngono est l’un des 360 bénéficiaires du Projet forêt et diversification économique (PFDE) financé par le gouvernement congolais et la Banque mondiale. L’appui du projet lui a permis de développer sa première cacaoyère de cinq hectares dans le massif forestier qui encercle la communauté urbaine de Pokola, à environ 1000 km au nord de Brazzaville, dans le département de la Sangha. Cet agriculteur de 42 ans a surpris plus d’une personne en parvenant à créer seul une cacaoyère et à gérer la phase de fermentation des fèves de cacao, en seulement deux ans. « Le PFDE m’a offert une formation technique en culture du cacao, m’a fourni du matériel aratoire et des plants de cacao. C’est grâce à cela que j’ai pu obtenir ma première récolte de 700 kg de cabosses. Je suis maintenant passé à la phase de fermentation des fèves de cacao ».

 

Paul Mbouti, un autre planteur de la région, a pu agrandir sa cacaoyère de six à huit hectares grâce au même projet. La mise à disposition de plants de bananiers et d’arbres fruitiers, notamment des citronniers, safoutiers et avocatiers, lui a également permis de diversifier sa production. Les bananiers, qui offrent un ombrage provisoire aux cacaoyers, lui arrondissent considérablement ses fins de mois. C’est d’ailleurs grâce aux revenus de la vente des régimes de bananes - disponibles six mois après la plantation - que Paul a pu recruter trois personnes pour l’aider à entretenir son exploitation. « Je peux dire que grâce à ma petite entreprise d’agroforesterie, j’ai créé des emplois écologiques qui font vivre au moins trois familles, en plus de la mienne », affirme-t-il fièrement.

 

C’est précisément cet effet de levier de développement social que cherche à engendrer le PFDE, dont l’objectif est de renforcer les capacités de l’administration forestière, des communautés locales et des populations autochtones en favorisant une gestion participative durable des forêts.

 

Entré en vigueur en mars 2013, le projet a signé une convention en octobre 2015 avec la Congolaise industrielle des bois (CIB-Olam), une société privée d’exploitation, de transformation et de commercialisation des bois. Cette convention a été conçue pour mettre en œuvre des activités génératrices de revenus en faveur des communautés locales. Quatre ans après son lancement, l’impact du PFDE est déjà perceptible dans les départements de la Sangha et de la Likouala, ses deux principales zones d’interventions. 885 microprojets ont été financés dans des domaines aussi variés que l’apiculture, le reboisement et l’agroforesterie, en privilégiant la diversification économique et la préservation de l’environnement. Ils ont ainsi contribué à améliorer des conditions de vie de nombreux ménages.

 

Roger Mobandzo, coordinateur régional Cacao à la CIB-Olam pour la zone nord Congo est catégorique : « Pokola n’était pas un bassin de production de cacao mais elle l’est devenue aujourd’hui avec une superficie d’environ 2700 hectares de culture de cacao. Des gens qui ne connaissaient le cacao que de nom, possèdent aujourd’hui des cabosses et se chargent eux-mêmes de la fermentation des fèves de cacao grâce à la formation qu’ils ont reçue ».  Même son de cloche chez Collette Aya, une cacaocultrice du district de Kabo, situé à environ 130 km de Pokola : « J’entendais dire qu’au temps de nos grands-parents, la culture du cacao garantissait une bonne retraite. Maintenant que nous nous y sommes mis nous-mêmes, nous voyons les résultats et nous en sommes de plus en plus convaincus. »

 

La cacaoculture a un autre avantage. Elle représente une solution durable aux enjeux environnementaux récurrents dans la région, notamment la cohabitation entre l’homme et la faune. « Les éléphants dévastaient sans cesse nos plantations de manioc pour se nourrir », explique Collette. « Alors que le cacao ne les intéresse pas. »

 

Le projet mise énormément sur la communication pour la réussite de sa mise en œuvre. Michel Ndabela, jeune planteur du village de Bène, a été désigné par ses pairs pour recueillir et transmettre les plaintes éventuelles. « Le PFDE nous a fourni des téléphones portables pour permettre aux planteurs de nous appeler quand ils ont des problèmes et de faire remonter l’information auprès de l’unité de gestion du projet à Brazzaville », explique-t-il en montant les appareils donnés par le projet. Ce dispositif simple a permis de suivre au plus près l’évolution des activités des bénéficiaires et d’ajuster les interventions en fonction des demandes spécifiques des planteurs.

 

Ainsi se dessine peu à peu la relance de la cacaoculture dans le département de la Sangha. Roger Mobandzo est convaincu de son succès : « Celui qui s’est jeté à l’eau n’a plus peur de se mouiller. Nous nous sommes engagés dans le cacao, nous sommes obligés de réussir ». 

 

Le soutien de l’administration forestière est le deuxième objectif du projet et a amélioré les conditions de travail de 2 556 agents, en réhabilitant des bâtiments administratifs décentralisés, et en fournissant du matériel technique, informatique et audiovisuel. Par ailleurs, 931 cadres, soit environ 68% des effectifs de l’institution publique de tutelle du projet, ont été dotés d’équipements techniques et informatiques, et ont reçu une formation pour les utiliser.

Enfin, la mise à disposition de 33 véhicules, 118 motos et 30 bateaux a permis d’améliorer la mobilité des agents des départements des Eaux et Forêts. Conséquences : les recettes financières de ces institutions décentralisées ont été décuplées et les actions de terrains sont plus efficaces.

 

Financé à hauteur de 32,6 millions de dollars, dont 22,6 millions du gouvernement et 10 millions de dollars de la Banque mondiale, le PFDE a fait le pari de dynamiser l’action communautaire en zone forestière pour diversifier l’économie congolaise et réduire sa dépendance aux produits pétroliers.

 



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