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Afrique : modifier la trajectoire environnementale pour édifier des villes durables

01 juin 2017


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LES POINTS MARQUANTS
  • L’urbanisation galopante dégrade rapidement le milieu naturel des villes africaines. Avec un revenu par habitant sensiblement plus faible qu’ailleurs dans le monde, une forte dépendance aux combustibles issus de la biomasse, une présence massive de quartiers informels mal desservis et une exposition marquée aux inondations, l’Afrique s’urbanise selon un processus singulier qui pèse lourd sur le milieu naturel des villes et détruit leur patrimoine écologique.
  • Résultat, les villes africaines risquent fort de s’enfermer dans une logique de « croissance sale » remettant à plus tard l’impératif écologique, selon une trajectoire qui peut se révéler irréversible, coûteuse inefficace et délétère pour le bien-être des habitants.
  • Il existe cependant des solutions pour infléchir cette tendance afin d’établir un rapport plus harmonieux entre l’environnement bâti et le milieu naturel, grâce à des politiques de développement urbain vert.

En Ouganda, la ville de Kampala abrite et est entourée de nombreuses zones humides dont l’une d’elles, le marais de Nakivubo, est fortement dégradée. En cause, la hausse considérable du volume des eaux de ruissellement contaminées provenant des bidonvilles et des eaux usées partiellement traitées rejetées par un réseau d’égouts saturé.

La réhabilitation de la zone humide de Nakivubo envisagée par la ville coûterait 53 millions de dollars (a), en plus des dépenses annuelles d’entretien et de fonctionnement, estimées à 3,6 millions de dollars. Outre qu’ils sont trop onéreux, ces travaux ne permettraient pas de restaurer le marais dans un état suffisant pour en retirer des bénéfices concrets.

Si les autorités de Kampala avaient protégé le marais tout en développant leur ville, celle-ci pourrait tirer aujourd’hui parti de ce patrimoine naturel, notamment sur le plan économique et budgétaire.

« Un écosystème comme celui des zones humides en milieu urbain est souvent condamné à disparaître à partir du moment où il est fortement dégradé, et, avec lui, l’ensemble des services qu’il procure pour la production économique et le bien-être des habitants », souligne Roland White, expert mondial principal pour la gestion, la gouvernance et le financement des villes à la Banque mondiale et auteur principal du rapport Greening Africa’s Cities présenté aujourd’hui à Dar es-Salaam. « Si la qualité environnementale des villes peut être jugée peu prioritaire par des communautés locales financièrement aux abois, elle a un coût économique, budgétaire et social bien réel. »

Les effets négatifs de la dégradation de l’environnement dans les villes d’Afrique

La dégradation de la qualité de l’environnement provoquée par l’urbanisation a des effets négatifs sur la santé, le revenu, la productivité et la qualité de vie dans les pays et les villes d’Afrique. En Afrique subsaharienne, les pertes de bien-être liées à la pollution de l’air ambiant et dans les habitations représenteraient selon les estimations 3,8 % du produit intérieur brut de la région.

La dégradation du patrimoine naturel et des écosystèmes peut par ailleurs aggraver l’impact des phénomènes météorologiques extrêmes. Avec l’étalement urbain, l’ampleur des inondations à la suite de précipitations augmente elle aussi. Cela signifie que les zones inondables naturelles dans les parties basses des villes s’étendent également. À Dar es-Salaam, les pertes provoquées par les dégâts subis par les infrastructures dans la zone inondable de Msimbazi sont estimées à 47,3 millions de dollars (a) par an.

Les villes peuvent également se priver ainsi de revenus fonciers prélevés sur des propriétaires prêts à payer le prix pour s’installer à proximité d’espaces verts et naturels de qualité. Des recherches entreprises dans la ville de Durban, qui dispose d’un réseau bien développé d’espaces verts ouverts au public, ont montré que la plus-value pour s’installer à proximité de ces zones naturelles ou créées par l’homme et correctement préservées pouvait atteindre 339 millions de dollars (a).

Édifier des villes durables et résilientes en Afrique

Selon Roland White, « l’urbanisation de l’Afrique est tardive mais rapide. Les villes africaines ont grandi au taux moyen de pratiquement 4 % par an depuis 20 ans et devraient conserver un rythme de 2,5 à 3,5 % par an entre 2015 et 2055. Pourtant, la plupart des villes du continent sont sur une trajectoire de dégradation de l’environnement aggravante et intenable. »

Par rapport aux normes internationales, l’urbanisation africaine intervient sur fond de faible niveau d’industrialisation, de motorisation et de technologie. Mais sa forte dépendance aux combustibles tirés de la biomasse explique le niveau élevé de particules fines dans l’atmosphère (PM2.5 et PM10) par rapport à d’autres régions.

Sans compter que cette urbanisation se produit alors que le continent est sensiblement moins riche, avec de faibles dépenses d’investissement (infrastructures, logements et immeubles de bureaux), autour de 20 % du PIB. Par rapport à leur taille, les ressources budgétaires des villes sont très limitées, les dépenses publiques en faveur des infrastructures et des services urbains se situant dans une fourchette allant de moins de 1 dollar à environ 15 dollars par habitant et par an (Afrique du Sud exceptée). Pour l’ensemble de la région, la part estimée des citadins ayant accès à l’assainissement ressortait à seulement 37 % en 2010.

S’ajoute à cela le fait que les institutions et les systèmes indispensables pour assurer un développement et une gestion efficaces des villes sont inopérants, la plupart des grandes zones métropolitaines couvrant de multiples juridictions et étant gérées par différents organes élus, structures locales de gouvernement et autres agences. Dans de nombreux cas, les pouvoirs de planification et de réglementation sont fragmentés et redondants, ce qui interdit toute gestion efficace du milieu urbain.

« Le risque est bien réel de voir les villes africaines s’enfermer dans une trajectoire de “croissance sale” repoussant à plus tard l’impératif écologique, qui peut se révéler irréversible, coûteuse, inefficace et délétère en termes de bien-être », explique Roland White.

Le rapport Greening Africa’s Cities souligne l’urgence d’adopter des politiques de développement urbain vert pouvant aider les villes à établir un rapport plus harmonieux entre l’environnement bâti et le milieu naturel — à condition de prendre des mesures ciblées, de s’attaquer de front à la pollution et aux déchets et de lutter contre la surconsommation des ressources naturelles, la disparition des écosystèmes et la dégradation de la diversité biologique allant de pair avec la croissance urbaine.

« La Banque mondiale aide ses clients à bâtir des villes et des communautés solidaires et résilientes, ce qui s’inscrit dans son double objectif visant à mettre fin à l’extrême pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée de manière durable », ajoute Ede Ijjasz-Vasquez, directeur principal du pôle Développement social, urbain et rural, et résilience. « Nous travaillons avec les pays africains pour concevoir des stratégies de développement urbain respectueux de l’environnement qui contribueront à l’essor de villes durables. »

Consulter le rapport (a) pour en savoir plus !

 




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