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Mettre fin aux chaînes d’approvisionnement qui entraînent la déforestation

22 mai 2017


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Photo: Rodney Quarcoo/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • En Afrique de l’Ouest, la culture de cacao est le principal facteur de déforestation : elle entraîne une dégradation importante des sols et met en péril la sécurité hydrique et les récoltes agricoles dans la région.
  • Pour remédier à ces difficultés, les pouvoirs publics et le secteur privé se mobilisent de plus en plus pour pérenniser la filière du cacao.
  • Un nouveau rapport réfléchit aux principes directeurs et stratégies clés que ces acteurs peuvent suivre, afin de favoriser une production de cacao respectueuse des forêts.

Le nouveau rapport Eliminating Deforestation from the Cocoa Supply Chain (a) détaille une première série de directives destinées à instaurer une production de cacao durable et respectueuse des forêts. L’ouvrage passe au crible les projets actuels et les meilleures pratiques destinés à pérenniser la filière du cacao. Il plaide également pour un basculement vers des modèles de production qui n’occasionnent pas de déboisement.

Si la production mondiale de cacao repose quasi exclusivement sur quelque 5 à 6 millions de petits exploitants, sa transformation, répartie entre une poignée de négociants, d’industriels spécialisés dans le concassage et de chocolatiers, est très concentrée au sein de la chaîne de valeur. Même si la déforestation se produit au niveau des exploitations, ce sont les entreprises, les pouvoirs publics et les ONG prestataires de services qui doivent faire en sorte de modifier les orientations et les pratiques. En effet, les moyens financiers et les capacités techniques limités des cultivateurs ne leur permettent pas de mettre en œuvre ces changements seuls.

Voici les principales conclusions du rapport, présenté par le Fonds biocarbone (a) et le Fonds de partenariat pour le carbone forestier ou FCPF (a) avec le concours de la fondation World Cocoa (a) et la société de conseil Climate Focus (a) :

  1. Protection des forêts primaires et secondaires naturelles : les entreprises peuvent refuser de s’approvisionner en cacao, là où sa production entraîne le déboisement de forêts naturelles.
  2. Légalité : L’élimination de pratiques illégales au sein de la chaîne de valeur doit être une priorité pour le producteur comme pour le consommateur.
  3. Transparence : Les entreprises, les responsables politiques et les groupes de défense d’intérêts doivent savoir qui provoque ces déforestations et où.
  4. Intégration des politiques dans des stratégies de long terme : Les pouvoirs publics doivent ancrer leurs politiques dans des stratégies de développement à long terme, en s’appuyant sur des cadres juridiques. Dans le privé, les initiatives soutenues par les directions d’entreprises et entrant dans leur processus d’exploitation seront les plus à même de réussir.
  5. Des opérations d’envergure : Des programmes de grande ampleur favorisent l’instauration de mesures incitatives à l’échelle d’un paysage et les économies d’échelle dans les services d’information et de vulgarisation.

L’expansion agricole est un facteur connu de déforestation. On a beaucoup disserté sur les coupables patentés (huile de palme, bétail et produits du bois), responsables à 40 % de la dégradation du couvert forestier, chaque année. Pourtant, dernièrement, c’est le rôle du cacao, ingrédient essentiel à la production de chocolat dans le monde, qui a été passé au crible, en raison de l’exploitation non viable des sols affectés à cette culture.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Le cacao pousse mieux dans des zones boisées ou anciennement boisées. Pendant de nombreuses années, l’expansion de la production a empiété sur le couvert forestier, au profit de la plantation de cacaoyers qui ont dégradé les forêts. C’est tout particulièrement vrai en Afrique de l’Ouest, où le cacao, reconnu comme l’un des principaux facteurs de déforestation, a conduit à une dégradation importante des sols et mis en péril la sécurité hydrique et les récoltes dans la région. Cette déforestation liée au cacao affecte également des espaces de biodiversité sensibles en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-est.

Plus de 90 % de la production de cacao est assurée par des petits exploitants qui dépendent de cette culture pour leur subsistance. Ces petits producteurs et leur famille doivent prendre part au mouvement de transition vers des méthodes plus durables, mais ils peinent souvent à adopter de meilleures pratiques de production : moindres rendements des cacaoyers âgés, parasites et maladies qui ciblent les plants de cacao, difficulté d’obtenir des intrants agricoles et accès limité au financement pour l’amélioration de leurs cultures.


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Photo: Rodney Quarcoo/Banque mondiale

Pour remédier à ces difficultés, les pouvoirs publics et le secteur privé se mobilisent de plus en plus pour pérenniser la filière du cacao. Douze des entreprises leaders dans le cacao et le chocolat, dont Barry Callebaut, Mars, Mondelēz International et Olam, se sont réunies pour la première fois en mars pour créer la fondation World Cocoa (a) et mettre fin aux chaînes mondiales d’approvisionnement en cacao entraînant la déforestation et la dégradation des forêts. D’autres entreprises ont depuis rejoint cette initiative : elles sont aujourd’hui plus d’une trentaine à se retrouver dans cet objectif.

Ces dernières années, le Groupe de la Banque mondiale s’est également mobilisé autour de la question du cacao durable, notamment au Ghana et en Côte d’Ivoire où cette culture est largement responsable des déforestations. Sur la période 2014-2015, le Groupe de la Banque mondiale a travaillé avec le Ghana à un exercice de simulations de planification, dans le but de préparer une refonte stratégique du secteur du cacao. Grâce au FCPF, le Groupe de la Banque mondiale a prolongé son soutien au Ghana et à la Côte d’Ivoire, afin d’élaborer des programmes d’envergure visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, sur la base d’incitations financières. Ainsi, ceux qui œuvreront à des paysages de cacaoyers plus viables percevront de l’argent, une fois que la réduction d’émissions de gaz à effet de serre aura été attestée. Le Groupe de la Banque mondiale procédera également bientôt à une analyse des freins et des opportunités d’ordre technique, financier et incitatif, dans l’optique de promouvoir une production de cacao climato-intelligente au sein des exploitations, grâce au financement du Program on Forests (PROFOR) piloté par la Banque mondiale.

Tout au long de l’année 2017, la fondation World Cocoa et les principaux producteurs de cacao s’attacheront à développer un cadre d’action public-privé mondial afin de remédier aux chaînes d’approvisionnement en cacao entraînant des déforestations. Le FCPF travaillera dans le même temps à appuyer cette initiative au moyen de travaux analytiques et de consultations. La présentation du cadre d’action s’effectuera en novembre dans le cadre de la prochaine conférence des Nations Unies sur le changement climatique, organisée à Bonn, en Allemagne.


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