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La pêche dans le sultanat d’Oman pourrait bientôt devenir une industrie compétitive de calibre mondial

14 février 2017


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Modern fish sorting facilities provide women jobs in Oman.

Ministère omanais de l'Agriculture et de la pêche

Entre 2014 et 2016, le Groupe de la Banque mondiale a aidé le sultanat d’Oman à développer le secteur de la pêche dans le cadre d’un vaste programme de recommandations stratégiques et techniques dispensé sous la forme de services de conseil remboursables (ce qui constitue un cas unique dans ce secteur). Les produits halieutiques sont la deuxième ressource naturelle du pays, dont la population a vécu de l’agriculture et de la pêche jusqu’à la découverte du pétrole, dans les années 90. La sécurité alimentaire du pays est encore assurée à ce jour, tandis que ses réserves de pétrole sont limitées. La population, peu nombreuse (environ 4 millions d’habitants) et relativement aisée, consomme pratiquement deux fois plus de poisson par habitant que la moyenne mondiale. Et si le secteur de la pêche est à 99 % artisanal, il pourrait bientôt devenir, d’après Banu Setlur, une industrie compétitive de calibre mondial.

Q. Quelles sont les contraintes pesant actuellement sur les revenus du secteur de la pêche à Oman ?

R. Oman ne s’intéresse encore qu’à la pêche à proprement parler — le poisson ramené dans les filets — dont la contribution au PIB est ressortie à 0,7 % en 2015. Or, le pays devrait prendre en considération la filière dans son intégralité : de la pêche à la vente au détail, en passant par la transformation, le transport, le commerce de gros et la commercialisation. Ce faisant, il pourrait multiplier par deux la contribution du secteur à l’économie. Son développement aurait tout à gagner d’une attention accrue accordée aux marchés (nationaux et internationaux) et d’une activité de pêche à plus forte valeur ajoutée, qui permettrait de créer des emplois, au lieu de privilégier uniquement les volumes débarqués. Actuellement, les revenus de la pêche sont minimes et volatils. L’effort de pêche est élevé, d’où un phénomène de surexploitation qui, avec le temps, se traduit par une baisse des volumes et une perte de productivité. Pour sortir de ce cercle vicieux, Oman doit, comme l’ont fait avec succès d’autres économies basées sur la pêche, gérer ses ressources halieutiques de manière à accroître durablement le niveau des revenus.

Q. Le pays étudie-t-il des solutions pour développer le secteur halieutique ?

R. En ce qui concerne la pêche, la situation d’Oman est en réalité comparable à celle d’un pays comme la Norvège. C’est pourquoi les autorités nous ont demandé d’en tirer des enseignements utiles. Le sultanat est disposé à apprendre des autres pays, développés ou en développement, et est ouvert aux meilleures pratiques, d’où qu’elles viennent. Le cas de la Norvège est intéressant parce que, au-delà de leurs différences climatiques, les deux pays ont des points communs, notamment la longueur de leurs côtes. L’expérience norvégienne nous a conduit à penser que le secteur de la pêche d’Oman pourrait s’affranchir — progressivement évidemment — de sa dépendance à l’égard de l’État et de pratiques de gestion non viables. Pour cela, ce dernier doit gagner la confiance des différents acteurs, à tous les niveaux, et leur confier des responsabilités accrues pour la gestion des ressources halieutiques côtières.

Q. Sait-on combien d’Omanais dépendent de la pêche pour vivre ?

R. On estime entre 45 000 et 50 000 le nombre de personnes dont les moyens de subsistance reposent sur la pêche ou des activités connexes. Les Omanais savent qu’à condition d’être bien gérée, la pêche peut devenir une ressource durable et pérenne qui jouera un rôle majeur dans le projet de développement et de diversification économiques que visent les autorités à long terme. De fait, notre étude nous a permis de comprendre que seule une fraction des Omanais exerce une activité de pêche à plein temps. La plupart pêchent pour leurs loisirs ou parallèlement à un autre métier.


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Marché du poisson à Oman

Photo : Ministère omanais de l'Agriculture et de la pêche

« Le projet économique porté par le gouvernement vise à ce que, à l’horizon 2040, le secteur de la pêche soit de plus en plus géré et financé par les Omanais et qu’il emploie les jeunes ressortissants à des tarifs compétitifs. »

Banu Setlur

Spécialiste principale en environnement

Q. Sait-on si les jeunes Omanais auront envie de se tourner vers le secteur de la pêche ?

R. La pêche est un secteur vital pour Oman, donc il faut que la jeune génération d’Omanais éduqués, filles et garçons, puisse être attirée par cette activité. Nous avons discuté avec un grand nombre de personnes : à l’université, dans les communautés de pêcheurs, avec des jeunes et des moins jeunes. Il est évident qu’ils pourraient s’impliquer dans tous les maillons de la chaîne, depuis la logistique à la commercialisation en passant par la transformation, et non pas se cantonner uniquement à la pêche proprement dite. Le gouvernement, soucieux d’entretenir l’intérêt de sa jeunesse pour cette activité, nous a demandé d’analyser les aspects socioéconomiques du secteur.

Q. Quel est le potentiel de la pêche en termes d’emplois pour les jeunes du pays ?

R. Le projet économique porté par le gouvernement vise à ce que, à l’horizon 2040, le secteur de la pêche soit de plus en plus géré et financé par les Omanais et qu’il emploie les jeunes ressortissants à des tarifs compétitifs. L’état des marchés de poissons dans un pays développé comme Oman est impressionnant… au point que l’on pourrait pratiquement manger par terre ! Ils sont propres, bien entretenus et respectent les normes d’hygiène. Tout y est informatisé. C’est un secteur où les femmes peuvent travailler. Elles ne sont pas obligées d’aller pêcher le poisson, sauf pour leurs loisirs.

Q. Quelles mesures doit prendre Oman pour améliorer la rentabilité du secteur de la pêche ?

R. Le pays a tout intérêt à pêcher moins mais des espèces de meilleure qualité et, bien entendu, à maintenir le volume des prises à un niveau viable. Mais ce changement de mentalité prend du temps, on le sait, jusqu’à 20 à 25 ans — car il s’agit bien d’une évolution, non d’une révolution. Oman doit aussi se projeter sur une autre échelle, celle du partage des ressources halieutiques dans les eaux internationales. Le sultanat doit collaborer dans le cadre des traités internationaux et avec ses voisins pour déterminer les quotas de pêche qui lui seraient octroyés s’il sautait le pas. La coopération internationale est essentielle : dans le cas de la Norvège par exemple, 90 % des stocks sont partagés avec d’autres nations. En devenant, par exemple, une plaque-tournante de la pêche au thon pour les pays du Conseil de coopération du Golfe, Oman se donnerait les moyens de créer des emplois et d’augmenter ses revenus.


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