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Surmonter la sécheresse dans le sud de Madagascar grâce aux transferts monétaires

07 février 2017


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LES POINTS MARQUANTS
  • Le sud de Madagascar n’a pratiquement pas vu une goutte de pluie pendant trois ans.
  • 95% des récoltes ont été perdues et plus d’un million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire.
  • Un système de transferts monétaires permet aux ménages d’assumer les dépenses courantes et de faire à nouveau de projets d’avenir.

ANTANANARIVO, le 2 février 2017─Elle a tout perdu, tout vendu. Dans sa petite maisonnée construite en bois, il ne reste plus qu’un lit de fortune sans matelas ni nattes, quelques vêtements sales et de la cendre, vestige lointain d’un repas préparé. Pas de marmites, pas d’assiette, aucun ustensile de cuisine, ni cuillère ni verre, ni seau d’eau.

Ialatsara a 40 ans et 11 enfants. Ses traits sont tirés et émaciés par près de trois années de sécheresse et de famine, ou kere, comme on dit dans le sud de Madagascar. Elle tient sa fille de 20 mois dans les bras, Natody, elle aussi très maigre et fatiguée.

Ialatsara et son mari possèdent un petit lopin de terre où ils cultivent des haricots, des patates douces et des brèdes. La pluie n’est pas tombée depuis trois ans et la terre n’a plus rien donné.

« Nous avons dû tout vendre l’année dernière. Les récoltes ont été très mauvaises, nous n’avions rien à manger, les enfants allaient à l’école le ventre vide. C’était très dur. Si nous mangions et buvions, c’était grâce aux amis et famille qui nous donnaient un peu de leur part, des feuilles de patates douces, un peu de maïs », se rappelle Ialatsara.

Mais aujourd’hui, Ialatsara sourit. Elle aura ce matin ses 60 000 ariary, l’équivalent de 20 dollars, le premier transfert monétaire qu’elle reçoit dans le cadre du Programme d’aide d’urgence face à la sécheresse octroyé par la Banque mondiale. 30 000 ariary pareront au plus pressé, calculés pour couvrir une bonne partie des dépenses en nourriture de base et diverses charges. Les autres 30 000 servent de fonds de redressement pour permettre de relancer la production agricole d’élevage et pouvoir ainsi faire face aux prochains épisodes de sécheresse.

C’est un jour qu’Ialatsara attend avec impatience depuis qu’elle a eu connaissance de ce programme d’urgence. Ses projets sont nombreux. Elle prévoit d’abord d’acheter 200 kapoks de maïs, qui nourriront sa famille pendant au moins un mois, et des poules pour ses activités de production. 


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« J’assiste régulièrement aux séances d’apprentissage et de démonstration culinaire au centre communautaire de nutrition. J’ai appris qu’il fallait diversifier la nourriture mais je ne pouvais pas le faire faute de moyens. Mais aujourd’hui, je vais acheter du maïs, je cueillerai des feuilles de brèdes et je ferai un bon repas à ma famille. Mais avant, je vais racheter ma marmite et les cuillères. »

Ialatsara

Bénéficiaire du Programme d’aide d’urgence face à la sécheresse

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Avant d’aller rejoindre le site de paiement, Ialatsara passe pour la énième fois devant son terrain. La pluie commence enfin à tomber dans le district depuis ce mois de janvier et elle compte acheter des semences pour relancer la production de patates douces, de haricots et de brèdes. Elle prévoit aussi d’acheter et d’élever des poules avec Sambizotoe, sa fille aînée de 20 ans, mère célibataire de 2 enfants de 3 ans et de 6 mois, également bénéficiaire du programme.

« Ma fille Sambizotoe est dans le même état de dénuement que moi. Nous ne pouvions pas nous soutenir dans les moments durs puisque ni l’une ni l’autre n’avait les moyens. Mais nous nous sommes promis de nous entraider et démarrer ensemble un petit projet qui nous permettrait de faire face à la prochaine sécheresse. On rassemblera nos fonds de redressement et on élèvera des poules qui pourront donner des œufs. », raconte Ialatsara, enthousiaste.

Ialatsara et Sambizotoe font partie des 68 000 ménages bénéficiaires (environ 350 000 personnes) du programme d’urgence contre la sécheresse, financé par la Banque mondiale à hauteur de 35 millions de dollars dans les cinq districts du Sud les plus affectés par la sécheresse, Tsihombe, Beloha, Ambovombe, Amboasary et Bekily.

La population du sud de Madagascar a souffert pendant plusieurs années de la diminution drastique des récoltes qui a commencé avec l’invasion acridienne en 2013. Sous l’effet d’El Nino, les précipitations ont chuté de 75% par rapport à la moyenne des 20 dernières années. En conséquence, 95% des récoltes ont été perdues, plus d’un million de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire, 35 000 enfants de moins de 5 ans sont atteints de malnutrition modérée et 12 000 autres de malnutrition aigüe sévère.

Ce programme, qui combine transferts monétaires, services de nutrition et fonds de relèvement, appelé également Fiavota est financé par la Banque mondiale et mis en œuvre par le Fonds d’Intervention pour le Développement (FID) et l’Office National de la Nutrition (ONN). Il est coordonné par le ministère de la Population, de la protection sociale et de la promotion de la femme. Ce programme s’adresse directement aux mères de familles parce qu’elles sont les premières à prendre soin de leurs ménages.

« La mère est souvent celle qui s’occupe du manger, de la cuisine, de l’éducation des enfants, et qui tient le ménage. À travers le transfert monétaire adressé aux mères de familles, nous voulons renforcer ce rôle des mamans afin qu’elles puissent mieux s’occuper du bien-être de toute leur famille, en particulier des enfants, de leur nutrition, de leur éducation. Elles savent ce qui est bien pour leurs familles, où et comment investir l’argent », explique Andrea Vermehren, spécialiste de la protection sociale à la Banque mondiale en charge du projet.


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