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L’Afrique compte restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030

14 novembre 2016


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© Andrea Borgarello / World Bank

LES POINTS MARQUANTS
  • De plus en plus en plus de pays africains s’intéressent à la restauration des terres dégradées et à la gestion intégrée des paysages.
  • Ces actions font partie des mesures concrètes recommandées par la Banque mondiale dans le cadre de son « Business plan » pour le climat en Afrique, qui vise à renforcer la résilience du continent face au changement climatique.
  • À l’occasion de la COP22, dirigeants africains, représentants de la Banque mondiale et partenaires de développement se réunissent pour mobiliser des ressources au service de paysages plus résilients.

WASHINGTON, le 14 novembre 2016 – Les pays d’Afrique subsaharienne se sont engagés dans le projet  ambitieux de restaurer et gérer durablement 100 millions d’hectares de terres dans la région d’ici 2030.

Certains obtiennent déjà des résultats positifs : au Niger, 1,2 million d’agriculteurs ont restauré 5 millions d’hectares de terres arables et planté 200 millions d’arbres grâce à leurs propres ressources. En Éthiopie, des habitants ont offert de travailler bénévolement 45 jours par an pour déblayer 90 millions de tonnes de rochers et de terre sur des sols à restaurer. Au Kenya, le Green Belt Movement, fondé en 1977 par Wangari Mathai, a incité les communautés à planter 51 millions d’arbres.

« En Afrique, 65 % des sols sont dégradés et le continent voit disparaître chaque année pratiquement 3 millions d’hectares de forêts, les pertes de terres et de nutriments amputent son PIB annuel de 3 % », souligne Magda Lovei, chef de division au pôle Environnement et ressources naturelles de la Banque mondiale, où elle est responsable des pays d’Afrique. « La restauration des sols permet à tous ces paysages de recouvrir leur intégrité écologique. Elle contribue à atténuer le changement climatique et à conforter les moyens de subsistance des populations vivant dans un environnement revalorisé. »

En Afrique comme ailleurs, des initiatives nationales, régionales et mondiales ont vu le jour pour lutter contre la dégradation des sols, un phénomène dont l’ampleur est reconnue dans les diverses propositions et déclarations. L’objectif ? Renforcer la résilience des moyens de subsistance et des écosystèmes, concrétiser les engagements pris lors de l’Accord de Paris au titre des contributions prévues déterminées au niveau national (CPDN) et appuyer la réalisation des objectifs de développement durable portés par l’ONU.

Dans la déclaration finale de la conférence de Rio+20, les délégués s’étaient engagés à lutter contre la dégradation des sols (a) soit en renonçant à la destruction des terres, soit en compensant toute destruction par la restauration de terres dégradées. La Convention sur la diversité biologique d’Aichi prévoit de restaurer 15 % des terres dégradées d’ici 2020 tandis que le Défi de Bonn pour la restauration des forêts ambitionne de restaurer 150 millions d’hectares dans le monde d’ici 2020 et 350 millions d’ici 2030. Pour l’Afrique, deux initiatives veulent, pour la première, renforcer la résilience des habitants et des écosystèmes du Sénégal à l’Érythrée (c’est la Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel) et, pour la seconde, restaurer 100 millions d’hectares d’ici 2030 (c’est l’objectif de l’AFR100 pour la restauration des paysages forestiers en Afrique).

Les États africains manifestent un intérêt accru pour la restauration des terres dégradées, sachant que celle-ci est indispensable au renforcement de la résilience de paysages vulnérables. Ces pays s’appuient sur des technologies sophistiquées pour faire des choix éclairés : il s’agit de décider du nombre d’hectares pouvant être remis en état, des moyens financiers à mobiliser, des meilleures pratiques à adopter, des incitations politiques, financières et sociales à mettre en place mais également de prévoir les arbitrages et les gains pour les agriculteurs.

Après de nombreuses tentatives infructueuses de la communauté internationale pour contraindre les pays à restaurer leurs terres, les initiatives spontanées ont pris le dessus. De nombreux pays évaluent actuellement les possibilités de restauration et prennent des engagements quantifiés.

Mais la généralisation à grande échelle de pratiques durables de restauration des terres et de gestion des paysages en Afrique requiert un soutien massif. C’est pourquoi dirigeants africains, représentants de la Banque mondiale et partenaires de développement se sont rassemblés aujourd’hui à Marrakech, à l’occasion de la COP22 sur le changement climatique, dans le cadre d’une réunion multisectorielle visant à promouvoir les engagements et les objectifs des pays africains et à favoriser la mobilisation de ressources dans les mois qui viennent.

À ce jour, 21 pays d’Afrique se sont engagés à remettre en état plus de 63 millions d’hectares d’ici 2030, l’Éthiopie consentant le plus gros effort, avec 15 millions d’hectares, soit plus que la superficie de l’Angleterre. Le Rwanda, pionnier en la matière, entend restaurer plus de 2 millions d’hectares, dont 80 % de terres agricoles. Tandis que de nouveaux engagements importants et des prises de position officielles sont venues de plusieurs autres pays : Bénin, Burundi, Côte d’Ivoire, Guinée, Ghana, Kenya, Malawi, Sénégal et Tanzanie.

« Les perspectives de restauration des sols en Afrique, où plus de 700 millions d’hectares de terres sont dégradées, sont plus importantes que partout ailleurs », affirme Estherine Fotabong, directrice de programmes au NEPAD (Union africaine). « Pour réussir, nous devons agir à l’échelle continentale en adoptant un programme étayé par des données et rigoureux qui, à l’instar du partenariat TerrAfrica (a), rassemble toutes les initiatives dans un cadre commun tout en tenant compte des priorités nationales. »

Dans ce contexte, l’Union africaine a adopté l’Initiative africaine des paysages résilients (ARLI), qui promeut des interventions multisectorielles globales contre la dégradation des terres dans la région, quel que soit leur usage (forêts, terres arables, pâturages…). Lancée l’an dernier à Paris, l’ARLI constitue un cadre politique rassemblant différentes initiatives aux objectifs similaires. Elle fait partie du « Business plan » pour le climat en Afrique, le plan d’action dont s’est doté le Groupe de la Banque mondiale pour renforcer la résilience face au changement climatique. D’ici décembre 2016, l’institution aura approuvé pour environ 900 millions de dollars de projets en faveur de 11 pays arides, qui viendront soutenir une gestion durable des forêts et des paysages, le développement d’une agriculture climato-intelligente et la mise en place de dispositifs de protection sociale.

« C’est un programme ambitieux mais réaliste », affirme Laura Tuck, vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement durable. « J’appelle tous nos partenaires africains et de développement à élaborer une feuille de route commune, tournée vers des actions en profondeur et assortie d’objectifs réalistes, afin de resserrer notre collaboration autour d’initiatives regroupées dans un cadre unique. »

L’Afrique est la région la plus touchée par le changement climatique, alors que les terres dans leur ensemble (terres agricoles, pâturages, forêts, marécages) représentent jusqu’à 70 % de son socle de ressources naturelles, assurent 70 % de l’emploi en zones rurales et fournissent 70 % de l’énergie (bois de chauffage et charbon) (TerrAfrica /FAO/Banque mondiale, 2010). À l’horizon 2050, sa population aura doublé.

« Pour pouvoir nourrir tous les Africains, s’assurer que notre agriculture pluviale peut perdurer et éviter l’assèchement de nos cours d’eau, nous devons trouver un moyen de maintenir l’intégrité de nos écosystèmes et de nos paysages », affirme Wanjira Mathai. « Si nous échouons à protéger le continent des effets dévastateurs du changement climatique, de la dégradation des terres et de la disparition des biens, nous risquons de perdre gros. Pour l’Afrique, la restauration des sols est une question de vie ou de mort. »


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