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Au sud du Tchad, les réfugiés retrouvent une vie normale grâce à la reprise de leurs activités agricoles

31 octobre 2016


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Daniel Debah, président des Multiplicateurs de semences, un groupement agrée par l’Office national de développement rural (ONDR) du Chad, travaille dans son champ d’arachide avec sa femme. 

© Edmond Dingamhoudou/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • L’afflux massif de réfugiés et rapatriés de la crise centrafricaine à Goré exerce une forte pression sur les ressources limitées de la population locale, déjà très vulnérable.
  • Une opération d’urgence, financée par la Banque mondiale et mise en œuvre par le PAM et la FAO, a permis de faire face à la crise alimentaire et de rendre les réfugiés autonomes.
  • Quelque 70 000 réfugiés et rapatriés retrouvent une vie normale en s’engageant dans des activités agricoles génératrices de revenus.

NDJAMENA, le 31 octobre 2016 – À Gondjé, l’un des grands camps de réfugiés perdu dans la forêt à quelques encablures de Goré, Daniel Debah s’est fait un nom dans son milieu en devenant le président des Multiplicateurs de semences, un groupement agrée par l’Office national de développement rural (ONDR). Dans ses champs d’arachides et de sorgho étendus à perte de vue, il cache difficilement sa satisfaction. « J’ai cultivé tous ces champs grâce aux semences que le projet nous a distribuées. J’ai commencé au départ par de petits lopins de terre pour atteindre aujourd’hui les hectares que vous voyez », se réjouit-il, comblé de « pouvoir nourrir ma famille en commercialisant mes semences et grâce à mes récoltes ».

Le Tchad a le taux de réfugiés par habitant le plus élevé d'Afrique. En 2013, Goré et ses environs, situés à 600km à l’extrême-sud de la capitale Ndjamena, ont dû faire face à un afflux sans précèdent de réfugiés et rapatriés fuyant la flambée de violences qui secouait la Centrafrique. Trois ans après leur installation, près de 70 000 personnes commencent à se reconstruire grâce à des projets comme le Projet d’aide d’urgence à l’élevage et à la crise alimentaire, financé par la Banque mondiale, qui leur ont permis de se procurer de la nourriture et de gagner leur vie en reprenant leurs activités agricoles et d’élevage.  

Comme Daniel, de nombreux réfugiés vendent leurs produits sur le grand marché à l’extérieur du camp d’Amboko. Saint-Cyr Redeybona témoigne : « Il y a un an, j’ai pu obtenir un sac de semences d’arachides non décortiquées; après récolte, j’avais 4 sacs de semences décortiquées que je vends 10 000 francs CFA le sac ». Avec ce revenu d’environ 40 000 francs CFA, il compte assurer « la provision pour la maison et l’habillement de la famille. »

D’autres s’investissent dans la culture de manioc. C’est le cas de Maxime Nodjindo qui approvisionne désormais en boutures de manioc le champ pédagogique de démonstration de Gondjé mis en place par l’ONDR avec l’argent apporté par le projet. Cela lui « assure une source permanente de revenus », nous a-t-il expliqué.


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Adama Coulibaly (droite), représentant résident de la Banque mondiale au Tchad, discute avec un agent d’encadrement de l’ONDR chargé de suivre les réfugiés sur le terrain.

© Edmond Dingamhoudou/Banque mondiale

L'espoir reprend peu à peu

L’Organisation pour l’Agriculture et l’Alimentation (FAO) qui vient de dresser le bilan du projet, constate également des effets positifs chez les populations d’accueil. « Plus de 1 500 ménages ont bénéficié de semences d’arachides et 750 autres de semences de sorgho et de mil dans 12 villages, 2 sites de rapatriés et 3 camps des réfugiés », affirme Ningaro Djimasdé.

Dans le domaine de l’élevage, le chef de section élevage recense « 173 694 têtes de bétail appartenant à 2 512 éleveurs ayant reçu les vaccinations nécessaires, des soins et un traitement contre les parasites dispensés par le secteur de l’élevage de Goré ». Tchindebe Patekori ajoute que « quelque 500 tonnes de tourteaux et de son ont également été distribués pour aider à répondre aux besoins les plus urgents pour nourrir le bétail des réfugiés ; ce qui a permis d’éviter la catastrophe ».

La meilleure illustration de la réussite de ces mesures pour associer les réfugiés aux activités agricoles, est incontestablement l’ouverture de la boutique d’intrants agricoles au cœur du marché d’Amboko dans laquelle se vendent toutes les semences des variétés cultivées dans la localité. La boutique est désormais appuyée techniquement par le Bureau national de production des semences et L'Institut tchadien de recherche agronomique pour le développement (ITRAD) qui assurent le contrôle de qualité de ces semences. « Le succès est tel, qu’en cas de besoin, la FAO s’y approvisionne aussi pour redistribuer les semences aux communautés », a reconnu Djimasdé Ningaro.

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation est l’agriculture (FAO) et d’autres agences internationales ont en effet apporté leur soutien, pour aider l’État, aux capacités limitées face à l’ampleur de la crise, à réagir rapidement à cette situation d’urgence. Le Programme alimentaire mondial (PAM) et la FAO ont mis en œuvre le projet d’aide d’urgence à l’élevage et à la crise alimentaire financé par la Banque mondiale. En visite sur le terrain, Adama Coulibaly, représentant résident de la Banque mondiale au Tchad a estimé que « cette collaboration a été le meilleur choix possible compte tenu des fortes complémentarités entre les agences des Nations unies et la Banque mondiale au regard de leurs mandats, capacités et avantages comparatifs respectifs ».

Lors de sa visite des camps de réfugiés en compagnie du représentant résident du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) pour le Tchad, monsieur Coulibaly a tenu à  « saluer tout particulièrement l’hospitalité des populations d’accueil qui a rendu possible la réussite de ce projet sur le terrain ». Selon lui, cette opération d’urgence a été un instrument adapté à la situation humanitaire. Il a non seulement permis d’aider rapidement les personnes les plus vulnérables et touchées par la crise alimentaire mais aussi aidé le pays à prendre en charge les réfugiés et à les rendre autonomes.


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