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L’état de l’Afrique : s’inspirer des économies africaines les plus résilientes

08 octobre 2016


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LES POINTS MARQUANTS
  • Makhtar Diop, le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique et Albert Zeufack, économiste en chef pour l’Afrique ont récemment participé à une table ronde avec des dirigeants africains pour aborder l’actualité économique du continent.
  • Publié la semaine dernière, le rapport Africa’s Pulse sur les dernières perspectives économiques du continent, table sur une baisse de la croissance à 1,6 % en 2016.
  • Les économies africaines les plus touchées par cette conjoncture défavorable ont tout à gagner à s’inspirer de pays tels que l’Éthiopie, le Rwanda et la Tanzanie,qui affichent une croissance robuste.

WASHINGTON, le 8 octobre 2016—Le colloque sur l’état de l’Afrique est un évènement phare des Assemblées annuelles de la Banque mondiale. Il donne l’occasion à Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique et Albert Zeufack, économiste en chef pour l’Afrique de rencontrer les dirigeants africains afin de débattre des enjeux majeurs et des opportunités économiques à saisir pour les pays de la région, dans une conjoncture mondiale de plus en plus incertaine.

Devant une salle comble, Makhtar Diop a entamé les échanges en rappelant les prévisions d’Africa’s Pulse, publication semestrielle de la Banque mondiale qui analyse l’évolution de l’économie en Afrique subsaharienne. Après des taux record de croissance ces deux dernières années, l’avenir économique de la région se présente désormais de manière plus morose avec une croissance revue à la baisse en 2016, à 1,6 %, niveau le plus bas depuis deux décennies.

« L’Afrique traverse un moment difficile et il n’y a pas de solution miracle pour y remédier rapidement », a souligné Makhtar Diop. « Nous ne pouvons plus nous permettre de remettre au lendemain les réformes indispensables à la diversification de l’activité économique. »

Parmi les facteurs responsables de ce ralentissement économique, l’effondrement du super-cycle des matières premières, la faible productivité agricole et la vulnérabilité des pays africains aux chocs extérieurs.

« Aujourd’hui nous devons réfléchir concrètement à la diversification de l’économie et arrêter d’aborder ce sujet de manière théorique, » a insisté le vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique.

Au cours de sa présentation, l’économiste en chef pour l’Afrique,  Albert Zeufack, a souligné qu’un quart des pays du continent ont cependant résisté à cette conjoncture défavorable. L’Éthiopie, le Rwanda et la Tanzanie affichent toujours en moyenne des taux de croissance supérieurs à 6%. Et des pays comme la Côte d’Ivoire et le Sénégal figurent désormais parmi les économies les plus performantes de la région.

« Les pays qui s’en sortent le mieux sont également ceux qui disposent d’un cadre de gestion macroéconomique plus solide et d’une réglementation plus favorable aux activités commerciales », a précisé Albert Zeufack. « Leurs exportations sont aussi plus diversifiées et leurs institutions plus efficaces. »

Conviés à ce débat animé par Julie Gichuru, présentatrice télé d’Africa Leadership Dialogues, Abdoulaye Bio Tchane, ministre béninois chargé du Plan et du développement; Boubou Cissé, ministre de l’Économie et des finances du Mali, et Natu Mwamba, vice-gouverneur de la Banque de Tanzanie ont partagé les enjeux et réussites de leurs pays.

« Notre pays a essentiellement résisté à la baisse des cours mondiaux de matières premières grâce à la diversification de son activité économique », a confié Natu Mwamba. « Il y a dix ans, l’agriculture représentait plus de 50% de nos exportations. Aujourd’hui, elle ne représente plus de 10 %. »

Le Rwanda, qui est aussi une économie plus résiliente que les autres, est parvenu à mettre en place des réformes et politiques publiques pertinentes pour diversifier son économie. Alors, qu’il y a encore quelques années, 90 % de ses recettes d’exportations provenaient seulement de deux  produits (thé et café), d’autres secteurs sont très florissants aujourd’hui, notamment celui du tourisme qui représente 25% du PIB. Le pays investit également massivement dans l’éducation.

Cette table-ronde était  diffusée en direct sur les réseaux sociaux où les internautes ont pu poser leurs questions. L’un d’entre eux a soulevé la question du manque de débouchés professionnels pour les jeunes Africains et a demandé aux intervenants comment augmenter l’offre d’emplois et les opportunités économiques.

« Nous allons droit dans le mur si nous n’investissons pas de manière pragmatique pour améliorer la qualité de l’éducation », a répondu Makhtar Diop. « Nous dépensons énormément d’argent dans l’éducation; de nombreux gouvernements ont fourni des efforts considérables pour allouer plus de  ressources à ce secteur. Certains d’entre eux y consacrent même un tiers de leur budget. On ne peut pas leur demander de dépenser davantage ! Le plus grand problème réside dans la mauvaise qualité de l’éducation » ; a-t-il insisté. « Nous devons construire un nouveau contrat social qui associe tous les acteurs de la société pour améliorer la qualité des systèmes éducatifs. »   

Cette préoccupation était partagée par le ministre malien Boubou Cissé, qui déplore les manifestations des jeunes dans son pays, contre le manque de débouchés professionnels. Pour lui, il faut absolument faire des choix innovants dans le domaine de l’éducation.

« Nous vivons dans un monde de plus en plus mondialisé, où le progrès technologique est très rapide, cela nous oblige à développer des compétences innovantes pour nous adapter, car à l’heure actuelle, nos politiques d’emploi et nos programmes pédagogiques sont caduques et n’anticipent pas les futurs progrès technologiques », a-t-il déclaré.

Cette opinion a été partagée par tous les participants qui ont conclu que les pays africains doivent investir dans le capital humain pour stimuler la productivité et accélérer la diversification et la transformation de leur économie.

Parmi les autres priorités évoquées pour permettre aux économies de la région de résister aux aléas de la conjoncture mondiale et de booster leur productivité : améliorer la distribution d’énergie et les services publics, remédier au manque d’infrastructures et améliorer l’accès aux financements et au foncier, en particulier pour les femmes qui sont au cœur de la productivité agricole dans un continent où l’agriculture représente un tiers du PIB et emploie les deux tiers de la main-d’œuvre. 

« Mon mot de conclusion portera sur les solutions », a indiqué Abdoulaye Bio Tchane. « Nous connaissons les problèmes mais nous connaissons aussi les solutions, puisque les pays qui s’en sortent sur le continent appliquent les mêmes solutions. Inutile donc de chercher ailleurs, nous devons juste mettre ces solutions en œuvre. »


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