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Djibouti : évaluer l’impact des opérations de développement

15 mars 2016


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LES POINTS MARQUANTS
  • Le Groupe de la Banque mondiale a organisé une revue à mi-parcours du programme en cours à Djibouti afin d’en évaluer les impacts.
  • Lors d’une consultation organisée dans la capitale du pays, plusieurs responsables gouvernementaux et membres du secteur privé et de la société civile ont identifié, avec le personnel de l’institution, les enseignements à retirer et proposé des lignes d’action pour réduire la pauvreté et relancer la création d’emplois.

À mi-parcours de sa stratégie 2014-17 pour Djibouti, qui a pour objectif global d’aider les autorités à réduire l’extrême pauvreté et à poser les jalons d’une prospérité partagée grâce à l’amélioration des services de base et de la gouvernance, le Groupe de la Banque mondiale a entrepris une revue  de ses réalisations. Cette « revue à mi-parcours » visait à évaluer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de la stratégie, de garantir que les leçons apprises à ce jour soient intégrées dans le programme et prendre en compte les éventuels besoins d’adaptation de la stratégie à l’échelle nationale ou régionale.

L’atelier d’une demi-journée, organisée fin novembre 2015, a impliqué une vaste série de consultations, avec de nombreux représentants du gouvernement ainsi que des représentants du secteur privé et de la société civile. Le président de l’Assemblée Nationale a participé à l’atelier en temps qu’invité d’honneur. Côté ministériel, ces consultations ont été coprésidées par le ministre de l’Économie et des Finances chargé de l’Industrie et le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Pour le Groupe de la Banque mondiale, la coprésidence a été assurée par la représentante résidente de la Banque mondiale à Djibouti et le représentant de la Société financière internationale (IFC), l’institution du Groupe chargée des opérations avec le secteur privé, auxquels se sont joints de nombreux experts de la Banque en charge des différents volets de la stratégie. Le directeur pays de la Banque mondiale pour Djibouti, l’Égypte et le Yémen et l’économiste en chef pour la région ont également participé aux discussions depuis le Caire.

L’atelier a également servi de plateforme pour le lancement de la nouvelle stratégie régionale de la Banque pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Lors de son exposé, Shanta Devarajan, économiste en chef pour la région, a souligné que la Banque souhaitait réagir à l’instabilité actuelle de la région en réorientant ses interventions de manière à traiter directement les causes des conflits et édifier les préalables au développement notamment la paix et la stabilité. Comme d’autres pays de la région, Djibouti a certes été épargné par la guerre mais en subit les conséquences. Fuyant les combats en Somalie, la guerre entre l’Éthiopie et l’Érythrée et, plus récemment, au Yémen, de nombreux habitants de la région ont cherché refuge à Djibouti, en aggravant davantage la pression sur des ressources publiques déjà limitées. La combinaison de cette pression extérieure avec les faibles capacités institutionnelles et l’insuffisance de développement humain pourrait être source d’instabilité. Les participants ont reconnu l’adéquation de la nouvelle stratégie régionale à la situation de Djibouti, soulignant que pour améliorer la capacité de résilience du pays, il est important de renforcer les institutions, privilégier le développement humain et installer les conditions d’une croissance inclusive.

L’un des principaux piliers de cette nouvelle stratégie vise à rétablir le contrat social. Le lien entre les citoyens et leur gouvernement constitue l’un des fondements de la stabilité et repose sur l’existence d’une confiance mutuelle qui se nourrit, entre autres, de la conviction qu’ont les populations de la capacité de leurs autorités à assurer les services de base. Un rapport récent de la Banque mondiale intitulé Confiance, voix au chapitre et mesures incitatives : tirer des leçons du succès dans la prestation de services au niveau local au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a servi de base pour les discussions de l’atelier. Cette publication se penche sur la qualité du contrat social dans l’ensemble de la région où, selon les auteurs, l’enjeu ne consiste désormais plus à offrir des services publics mais à en améliorer la qualité.

Plutôt que de s’intéresser à des moyennes ou de pointer ceux qui sont peu performants, le rapport cherche à comprendre pourquoi, malgré des politiques et des budgets semblables, la qualité des services varie tant d’un secteur à l’autre mais aussi, au sein d’un même pays, d’une région à l’autre. S’appuyant sur des expériences positives et des meilleures pratiques, le rapport conclut ainsi qu’en matière d’enseignement public par exemple, les intrants matériels (bâtiments scolaires, enseignants et manuels) ne peuvent être les seuls garants de bons résultats.

Si le manque de données relatives à Djibouti explique sa faible représentation dans la couverture de l’étude, les éléments, lorsqu’ils sont disponibles, confirment ce constat.

Ces conclusions ont suscité des discussions pendant les consultations sur l’investissement dans le capital humain et notamment la nécessité d’améliorer la formation des enseignants pour relever le niveau de l’enseignement public. Le même raisonnement s’applique à l’amélioration des services publics de santé à Djibouti, où le personnel médical a besoin d’une meilleure formation.

D’autres conclusions du rapport sur les relations entre les gouvernants et les citoyens ont été abordées, notamment celles qui, données à l’appui, montrent que la confiance des seconds envers les premiers chute de 12 points de pourcentage lorsque les services publics de santé et d’éducation sont jugés décevants ; de 22 points lorsque les « relations » priment sur les qualifications au moment de la recherche d’un emploi ; et de 35 points lorsque prévaut un sentiment général de corruption des pouvoirs publics.

Ces analyses pourraient s’appliquer à Djibouti, un petit pays d’à peine 900 000 habitants où le taux de chômage (48 %) et le niveau de pauvreté sont élevés (23 %). Outre la nécessité d’investir dans le capital humain, les participants sont convenus de l’obligation de renforcer la gouvernance des institutions et de s’appuyer sur les collectivités locales pour améliorer la prestation de services, sans oublier d’introduire des dispositifs garantissant la redevabilité de l’Etat vis-à-vis des citoyens.

Pour le Groupe de la Banque mondiale, les deux priorités à Djibouti sont la réduction de la pauvreté et l’amélioration de l’environnement des affaires afin de susciter des investissements. L’essentiel de son financement provient de l’Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale qui accorde des dons et des crédits aux pays les plus pauvres. L’enveloppe IDA actuelle s’élève  à 31 millions de dollars E.U. pour les programmes de la stratégie en cours. La Société financière internationale (IFC) travaille en collaboration  avec la Banque mondiale pour faciliter les procédures de création d’entreprises dans le pays pour les investisseurs étrangers, avec l’introduction d’un « guichet unique » où accomplir la totalité des procédures d’enregistrement. En juin 2014, la Banque a organisé un forum de haut niveau d’échange Sud-Sud avec des pays ayant à peu près la même taille que Djibouti (Cabo-Verde, Dubaï et Maurice) dans le but de partager des expériences sur les meilleures stratégies de croissance.

En novembre 2015, le portefeuille du Groupe de la Banque mondiale à Djibouti comprenait sept projets de l’IDA, le fonds de la Banque destiné aux pays les plus pauvres, pour un engagement total d’environ 45 millions de dollars (en dons et crédits),  et plusieurs  fonds fiduciaires s’élevant à 24 millions de dollars (en dons). Ce portefeuille couvre plusieurs domaines dont notamment la protection sociale, l’énergie, le développement communautaire rural, la réduction de la pauvreté urbaine, la santé, l’éducation, la gestion des risques de catastrophe ainsi que la gouvernance et le développement du secteur privé, tout en privilégiant les thématiques transversales que sont notamment la jeunesse et l’égalité hommes-femmes.

« Nous intervenons déjà dans plusieurs secteurs dans notre  portefeuille », souligne Homa-Zahra Fotouhi, représentante résidente de la Banque mondiale. « En ce qui concerne l’allocation des ressources pour les deux prochaines années, nous recommandons de concentrer les efforts sur les activités qui contribuent à la création d’emplois et à la réduction de la pauvreté, en s’appuyant sur les bons résultats obtenus jusqu’ici avec le gouvernement. »

La Banque mondiale a accompagné les autorités djiboutiennes à améliorer de manière significative l’accès des populations les plus pauvres et les plus vulnérables à certains services comme l’eau et l’électricité. Le projet d’électrification à Balballa, une banlieue pauvre de Djibouti, a permis d’installer des réverbères et des transformateurs et de raccorder près de 27 000 habitants grâce à 4 000 lignes électriques privées.

Les habitants de Quartier 7, autre site défavorisé de la capitale, bénéficient désormais d’un centre de santé, d’un centre communautaire, de terrains de sport et d’une crèche, le projet ayant également contribué à la rénovation des égouts et à l’acquisition d’un camion hydrocureur. Enfin, un projet innovant a permis à des familles démunies d’assurer des services communautaires rémunérés en échange de conseils pratiques sur la nutrition des femmes enceintes et des enfants en bas âge, qui a attiré plus de 10 000 femmes.

En dehors de la capitale, des moyens financiers ont été alloués au développement des communautés rurales, en fournissant ainsi à plus de 1 600 ménages disposant d’un cheptel de 10 000 têtes des citernes et des sources d’eau potable ou encore en construisant des locaux pour les pêcheurs avec des installations permettant aux femmes de vendre leur poisson.


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