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Haïti met le Cap sur le tourisme au Nord et connecte les artisans aux visiteurs

30 avril 2015


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De nombreux petits artisans du Cap-Haïtien, et des petites villes Milot et Dondon, proches des sites historiques, pourraient être intégrés dans la chaîne de valeur du tourisme 

Berdine Edmond/Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS
  • En 2014, le tourisme de séjour a augmenté de 20% par rapport à 2013
  • Le Nord d’Haïti avec le Parc National historique Citadelle - Sans Soucis - Ramiers, est considéré une destination touristique à promouvoir
  • Près de 35 000 habitants du nord d’Haïti bénéficieront du Projet de Préservation du Patrimoine et Appui au Secteur Touristique dans le Nord d’Haïti.

L’année dernière, plus d’un million de personnes ont visité Haïti : près de la moitié y a séjourné et plus de 600,000 d’entre eux, passagers de croisière, ont fait une escale touristique sur les magnifiques plages de Labadie, sur les mêmes côtes où le navire de Christophe Colomb accosta en 1492. Le tourisme en Haïti a certainement le vent en poupe : plus de 20% de touristes en plus qu’en 2013 ont décidé de séjourner dans le pays. Le Ministère du tourisme vient de lancer une nouvelle campagne publicitaire « Haïti : Vivez l’expérience » et met en place un plan de développement du tourisme pour repositionner Haïti avant connu comme la perle des Antilles comme destination phare des Caraïbes.

Et le Nord d'Haïti, riche en patrimoine culturel et festif, est tout indiqué pour bénéficier de cette croissance. La petite commune de Milot avec ses rues pavées, tranquilles, bordées de palmiers, le long desquelles les habitants se promènent ou jouent aux dominos, est le point d’entrée pour le Parc National historique : au bout de la rue principale se dressent les vestiges du Palais sans souci dans un cadre vert où des jeunes étudient à l’ombre, juchés sur les vieilles pierres.

De là, le regard embrasse les massifs du Nord, la végétation luxuriante et découvre la route sinueuse qui mène à la Citadelle Laferrière classée Patrimoine mondiale par l’UNESCO. A pied ou à dos d’âne, il faut moins de 40 minutes pour atteindre cette imposante forteresse, qui surplombe la deuxième ville du pays, Cap-Haïtien, capitale du département du Nord. Depuis plusieurs mois un vol direct relie Cap-Haïtien à Miami, un atout de choix pour attirer les touristes, sans compter la réhabilitation de la route nationale allant de la capitale au Cap-Haitien.

Connecter les artisans aux touristes

Cependant, la proximité aux sites ne profite guère aux communes avoisinantes, comme Milot et Dondon, et pas assez au Cap-Haïtien, qui en dépit de son riche patrimoine historique, doit faire face à une explosion démographique qui aggrave ses dysfonctionnements urbain tels que le manque d’assainissement, d’éclairage publique et d’entretiens des sites, les problèmes de circulation et de prolifération des marchés informels, et ne lui permet pas de répondre à la demande touristique. 

«Bien que situées dans le périmètre du Parc National Historique, les communes de Milot et Dondon ne sont pas équipées pour accueillir un nombre croissant de touristes et de ce fait ne peuvent pas profiter pleinement des retombées économiques que ce tourisme culturel pourrait apporter à la zone et à ces habitants » déclare Sylvie Debomy, spécialiste en planification urbaine à la Banque mondiale.

De nombreux petits artisans du Cap-Haïtien, et des petites villes Milot et Dondon, proches des sites historiques, pourraient être intégrés dans la chaîne de valeur du tourisme pour favoriser une croissance qui profite à tout le monde, selon les experts.

Luckner Monpoint est l’un de ces artisans. Directeur d’une coopérative d’atelier de poterie vieille de 30 ans, la SOCOP, située près de Dondon, il est déterminé à restructurer l’entreprise pour donner plus de travail aux gens de la communauté en offrant 40 emplois fixes et d’autres par roulement. Actuellement les potiers, dont 27 femmes, sont payés au nombre de pièces et n’ont pas de salaire fixe. 



« Le projet compte aussi soutenir la création de 370 petites et moyennes entités fournissant des services culturels et touristiques  »


Avec un co-financement suffisant, il pourrait reconstruire le four détruit lors du tremblement de terre de 2010, produire 205 000 pièces par an de meilleure qualité au lieu de 150 000 et générer un bénéfice annuel de 800 000 gourdes. Sa production est diversifiée : briques, tuiles, carreaux, pots à fleur, cruches, cendriers, et statuettes.

Cependant si Luckner réussit à vendre à Port-au-Prince, et quelques grandes villes, il lui manque l’accès au marché le plus proche, celui des réseaux touristiques du Nord où il pourrait avoir accès à plusieurs catégories de touristes.

Les croisiéristes du Royal Caribbean Cruise Line qui mouille chaque semaine au port touristique de Labadie, pourraient représenter un premier groupe de clients. Mais ils quittent rarement l'enclave Labadie, en partie à cause du manque d'infrastructure touristique et d’entretien des sites. Les touristes de séjour internationaux, ainsi que les nationaux, sont donc les plus importants pour la génération de retombées économiques pour la communauté locale.

Développement des infrastructures touristiques

C’est aussi dans l’objectif de connecter les artisans comme Luckner aux touristes que le projet de Préservation du Patrimoine et Appui au Secteur Touristique dans le Nord d’Haïti,  projet du Gouvernement Haïtien soutenu par la Banque mondiale, se propose de rénover et développer les infrastructures du Cap-Haitien et des villes adjacentes au Parc national Historique regroupant la Citadelle Henry, le Palais de Sans Souci, la Chapelle de Sans Souci et le site des Ramiers. Ces monuments seront restaurés, réhabilités de manière à améliorer leur résistance au risque sismique et permettre leur exploitation touristique.

Le projet compte aussi soutenir la création de  370 petites et moyennes entités fournissant des services culturels et touristiques tout en mettant en place des mécanismes de préservation et de gestion du Parc dans son ensemble.

La SOCOP de Luckner, qu’il a hérité de son père, et qui a reçu en 2007 un prix de gouvernement pour son dévouement et son apport au mouvement coopératif haïtien, devrait recevoir un appui financier dans ce cadre.  Il espère que « ce projet va améliorer les conditions de vie, de travail et réduire la pauvreté des artisans membres de la Socop et ceux de la communauté ».


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