ARTICLE

De l'Indonésie à Haïti : deux femmes ayant pour mission le développement

03 septembre 2014


Image

Banque mondiale MD et COO Mulvani Indrawati (au centre), avec Marie Carmelle Jean-Marie, ministre de l'Economie et des Finances d'Haïti (à gauche) visitent début juillet un chantier de construction à Delmas 32, un quartier de Port-au-Prince presque détruit par le séisme de 2010.


La COO de la Banque mondiale Sri Mulvani Indrawati et la ministre Haïtienne de l'Economie et des Finances Marie Carmelle Jean-Marie partagent leurs expériences durant leur voyage en Haïti.

En cette chaude journée du mois de Juillet, les deux femmes passeront deux heures à sillonner à pied le quartier de Delmas 32 à Port-au-Prince. Les rues et les ruelles bourdonnent de vie et la circulation est intense. Des maisons fraîchement repeintes, des réverbères et un nouveau réseau de canaux se dressent là où se trouvaient encore récemment les décombres de maisons qui se sont effondrées en ensevelissant des familles entières.

Pour Marie Carmelle Jean-Marie, ministre de l’Economie et des Finances haïtienne, et Sri Mulyani Indrawati, directrice générale et directrice des opérations de la Banque mondiale, ce quartier de Port-au-Prince constitue un symbole d'espoir et de reconstruction. Il témoigne de ce qu'un pays peut faire s'il bénéficie d’un soutien adéquat et d’aide internationale.

« Je suis venue ici seulement quelques mois après le tremblement de terre, et je suis vraiment impressionnée par les progrès accomplis par Haïti sur le plan de la reconstruction. À cette époque, alors que je me tenais sur les ruines de ce qui avait été une maison, un foyer, il était difficile de s'imaginer que la vie pourrait un jour reprendre sur ce lieux », témoigne Mme Indrawati.

Nées quasiment aux antipodes l'une de l'autre, dans des pays qui partagent peu de choses en dehors d'un climat chaud et d'une très forte exposition aux catastrophes naturelles, la ministre haïtienne et la responsable de la Banque mondiale se sont rapidement aperçues qu'en réalité elles avaient beaucoup en commun. Pour commencer, leurs parents leur ont inculqué un profond amour de leur pays. Deuxièmement, l'ex-ministre des Finances d'Indonésie et l'actuelle ministre des Finances d'Haïti ont réussi à des postes d'ordinaire réservés aux hommes.

« Quand j'entreprends quelque chose, je n'abandonne jamais. C’est comme cela que j'ai été élevée. J'ai grandi à la campagne et nous, les filles, avons été élevées pour servir les autres », raconte Marie Carmelle Jean-Marie. « Je montais derrière mon père sur son cheval, et je l'aidais dans son travail. Ensemble, nous apprenions aux agriculteurs à lire et à écrire en utilisant du charbon sur un mur blanchi à la chaux. Mon éducation m'a donné une grande force de détermination ».

« Mes parents m'ont appris à voir au-delà de la tâche à accomplir, et à penser à mon pays avant de penser à moi-même », confie Sri Mulyani. « Je suis la septième d'une famille de dix enfants. Ma mère a toujours travaillé, et elle avait un doctorat. Il n'a jamais eu aucun doute qu'elle attendait de moi que je donne le meilleur de moi-même ».

Communiquant par l'intermédiaire d'un interprète, les deux femmes partagent leurs expériences : décisions de politique délicates, poids des attentes élevées de tous, ressources limitées et choix difficiles.

L'une a dû gérer les conséquences d'un séisme dévastateur, l'autre celles du tsunami d'Aceh. Que ce soit face à la menace, en Indonésie, d’un effondrement de l’économie dans le sillage de la crise financière ou dans le cadre la lutte contre l'extrême pauvreté en Haïti, les deux femmes sont animées par un engagement profond à l'égard de leur pays. Elles tirent la leçon suivante de leurs expériences : lorsque la marge de manœuvre est limitée, il faut faire pour le mieux, l’idéal étant souvent hors de portée.

Des données récentes montrent que la pauvreté a reculé au sein de la population haïtienne au cours de la dernière décennie. Toutefois, l'essentiel de cette amélioration est observée dans les villes, où l’accès à l'énergie est six fois plus important. Par ailleurs, la nécessité d'accroître la couverture et la qualité des services publics— aussi bien en éducation qu’en assainissement et qu’en eau potable, ou encore dans le secteur routier — dépasse de très loin les capacités du pays.

« Nous avons évoqué cet aspect avec Sri Mulyani et j'aimerais que l’on puisse en discuter davantage. Je pense qu'elle pourrait partager quelques ‘bonnes recettes’ en la matière », explique Marie Carmelle Jean-Marie. « Son pays est plus avancé qu'Haïti. Mais je suis sûre qu'elle aussi a dû faire des compromis difficiles et qu’elle est parvenue à faire des choix qui ont eu un impact sur l'économie réelle tout en faisant reculer la pauvreté. Le fait qu'elle ait été ministre des Finances comme moi signifie qu'elle connaît bien ce genre de problèmes, et cela facilite nos échanges. C’est quelqu’un qui a une bonne écoute. »

Les travaux de reconstruction suite au tremblement de terre sont presque terminés. 1,3 million de personnes ont quitté les camps de réfugiés pour revenir dans leur quartier, dans des habitations plus sûres. Cependant, alors que la phase de relèvement touche à sa fin, Haïti est confrontée à une réduction de l'aide internationale. Plus que jamais, les projets de développement initiés en Haiti doivent aujourd’hui être pris totalement en main par Haïti.

 Une nécessité qu’illustre parfaitement le projet de traitement et de distribution d'eau que les deux femmes ont visité aux Cayes, une communauté du Sud d’Haïti. Cette initiative financée par la Banque mondiale apermis de raccorder près de 60,000 habitants  à l’eau potable pour une somme forfaitaire. L’opération permettra de sauver des vies, sachant qu’Haïti reste aux prises avec le choléra et connaît une forte prévalence des maladies diarrhéiques. La ministre des Finances aimerait que son pays continue à fournir ces services, mais elle craint qu’il ne puisse se le permettre.

« Pour moi, ne pas pouvoir honorer un engagement constitue la pire des humiliations. Je dois continuer à essayer. Je pense que le poste de ministre des Finances est le plus difficile d'entre tous. Tout le monde s'en prend à vous car il est impossible de satisfaire tout le monde », souligne Marie Carmelle Jean-Marie.

« Je connais bien ce sentiment », fait écho Sri Mulyani. « Il est quasiment impossible de gagner sur tous les fronts. Mais j'espère que nous pourrons collaborer avec Haïti pour tenter de résoudre certains de ces dilemmes. Il y a de nombreuses opportunités ici, mais elles seront délicates à exploiter. C'est un chemin semé d'embûches, mais j'espère que nous pourrons le parcourir ensemble ».

Interrogée sur sa vision pour Haïti d'ici cinq ans, Marie Carmelle Jean-Marie conclut : « J'espère qu'Haïti aura changé. Le pays ne sera peut-être pas plus riche, mais peut-être serons-nous capables de faire de meilleurs choix afin de parvenir à tirer parti de notre énorme potentiel humain et économique. »




Api
Api

Bienvenue