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À Madagascar, la gestion des ressources naturelles est une affaire communautaire

01 mai 2013



LES POINTS MARQUANTS
  • Des comités locaux de protection ont été instaurés par les communautés vivant aux alentours du parc national d’Andasibe-Mantadia
  • Des activités génératrices de revenus ont été développées pour éviter que les fermiers soient contraints à défricher les forêts
  • Pour préserver la biodiversité exceptionnelle de Madagascar, il est essentiel de travailler main dans la main avec les populations locales

ANDASIBE, le 1 mai 2013 - Madagascar est une île réputée pour la richesse de sa biodiversité. Un travail de sensibilisation a été fait auprès des populations pour qu’elles œuvrent à préserver cette richesse.

« Depuis plusieurs années, je constate une dégradation du climat. J’en ai conclu qu’il faut à tout prix sauvegarder l’environnement. C’est pour cela que je participe à l’effort de protection de la forêt dans la région d’Andasibe », explique Hervé Paulo Ramanandraisetra. Ce jeune homme de 22 ans est un membre actif des comités locaux de protection (CLP) mis en place par les communautés vivant aux alentours du parc national d’Andasibe-Mantadia , parc national de 16 000 hectares localisé à l’est du pays et réputé pour ses orchidées et sa population d’indri indri (la plus grosse espèce de Lémuriens).

Les CLP travaillent en étroite collaboration avec Madagascar National Parks (MNP), Organisation non gouvernementale chargée de gérer les aires protégées à Madagascar, grâce a un financement de la Banque mondiale dans le cadre d’un programme environnemental. Selon Andriamandimbisoa Raoliharivao, directeur du Parc national Andasibe – Mantadia, « l’objectif de cette collaboration est d’intégrer la population dans la conservation des aires protégées, à travers des activités de co-surveillance et de co-gestion». Car pour limiter la pression que les communautés exercent sur les ressources naturelles, il est indispensable, selon lui, de les sensibiliser et de les associer à ce travail de conservation.

Les membres des CLP, au rang desquels Hervé Paulo Ramanandraiseta, effectuent une mission de dix à quinze jours par mois, et reçoivent durant cette période une indemnité quotidienne de 5.000 ariary (environ 2,5 dollars). Leur mission ?  Sensibiliser les communautés à l’importance de  préserver les ressources naturelles du parc,  participer à des patrouilles de surveillance et contribuer à sa gestion en collaboration avec les équipes de MNP.

Les activités de surveillance s’intéressent à la faune et à la flore. Il s’agit de constater d’éventuels décès d’espèces animales protégées, dont l’indri indri; ou de voir s’il n’y a pas de défrichement, de coupes illicites de bois ou de vols d’orchidées. Les CLP travaillent sur des carreaux de surveillance de 25 hectares chacun. Ils collaborent également avec les agents de MNP au suivi écologique de la faune et de la flore à travers trois sites dédiés, afin de vérifier s’il n’y a pas de modification des espèces.

Si la forêt disparaît, les touristes ne viendront plus

Si les aires protégées d’Andasibe font l’objet d’autant d’attention, c’est parce qu’elles subissent une forte pression de la part des populations riveraines. En particulier, dans la zone nord du parc,  la présence de déboisements à travers la technique de culture sur brulis (tavy) a été constatée ces derniers mois. Afin de tenter de résoudre ce problème, MNP renforce la collaboration avec les communautés, les représentants de structures étatiques et le secteur privé. Des notables locaux participent à cet effort. Ainsi, le tangalamena Dimasy, en sa qualité de leader d’opinion,  préside le CLP du village de Mahatsara, et use de toute son influence pour sensibiliser ses concitoyens à la nécessité de respecter la forêt : « si cette forêt disparaît, les touristes ne viendront plus, et nous n’aurons plus de revenus, car nous n’aurons plus de travail », assène-t-il.

Pêcheur à Maroantsetra, Olinka reste un peu sceptique : « D’abord on devrait s’occuper des êtres humains. Les lémuriens, les forêts et l’eau doivent passer après, car si les hommes ont faim, ils ne peuvent prendre soin de l’environnement », affirme-t-il. Conscients du fait que la protection de l’environnement peut ne pas sembler prioritaire sachant que le taux de prévalence de la pauvreté à Madagascar est aujourd’hui l’un des plus élevés au monde, les acteurs du secteur environnement multiplient les soutiens aux activités génératrices de revenus. Celles-ci permettent aux communautés de sécuriser des ressources financières sans avoir besoin de procéder à l’exploitation des aires protégées.

Par exemple, le MNP collabore avec des brodeuses dont les produits artisanaux sont vendus à proximité du parc national de Mantadia. L’Agence nationale d’actions environnementale (ANAE) apporte un appui technique aux paysans pour accroitre leur productivité, et éviter qu’ils n’aillent défricher des espaces de forêts. Ces activités sont également soutenues par la Banque mondiale.



« Il est nécessaire de concilier les intérêts des hommes avec la sauvegarde des ressources naturelles du pays. Pour la Banque mondiale, l’être humain est la finalité des actions de protection de l’environnement, afin que la population, mais aussi les entreprises, puissent jouir des ressources offertes par la nature, tout en veillant à préserver les intérêts des générations futures. »

Haleh Bridi

Directrice-pays de la Banque mondiale pour Madagascar

Les défis restent nombreux

La croissance démographique pousse les paysans à défricher de plus en plus de forêts pour les transformer en terres cultivables. « La délimitation des aires protégées a été effectuée en concertation avec les communautés, mais certaines tentent maintenant de revenir en arrière et veulent exploiter des terres faisant partie des aires protégées » déplore Andriamandimbisoa Raoliharivao.

En outre, la zone d’Andasibe approvisionne le marché malgache du charbon de bois, qui est encore la source d’énergie domestique pour 95% des ménages malgaches. L’exploitation des forêts en vue de transformer les arbres en charbon se fait sur des terres qui sont juste séparées du parc de Mantadia par la seule largeur de la route nationale numéro 2. Et au fur et à mesure que l’on s’avance vers l’est, on constate à vue d’œil la progression de la déforestation de l’aire non protégée, preuve que les efforts de conservation sont tout sauf un luxe….


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