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Transparence et accès public au budget, les véritables enjeux de la réforme de la gouvernance au Maroc

09 avril 2013


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On observe depuis plusieurs dizaines d’années une demande constante de la part des citoyens marocains en faveur d’une meilleure gouvernance et de plus de transparence.

World Bank l Arne Hoel 2012

LES POINTS MARQUANTS
  • Les citoyens doivent avoir accès à l’information pour pouvoir tenir les gouvernements comptables de la gestion des fonds publics et de l’exécution des politiques.
  • En publiant un budget à l’usage des citoyens, le Maroc commence à répondre aux revendications populaires pour un gouvernement plus transparent et responsable.
  • La Banque mondiale soutient les initiatives de libre accès à l’information et participe elle-même à ce mouvement en rendant publiques ses propres données.

L’ouverture du budget national à l’examen public ne constitue qu’une étape sur le chemin long et escarpé de l’accès à l’information.  

Mais en quoi cela concerne-t-il le citoyen lambda ? Cela le concerne parce qu’il s’agit de responsabiliser les pouvoirs publics et de changer leur relation avec les citoyens. Les citoyens doivent être en mesure de suivre de près les budgets et les dépenses pour pouvoir exprimer leur opinion et faire en sorte que les fonds publics soient dépensés à bon escient. Il ne s’agit pas seulement de donner des moyens d’action aux citoyens, mais aussi d’améliorer la gouvernance.

La grande question qui se pose ici est la suivante : comment un système plus transparent peut-il favoriser le développement et accroître l’efficacité des services publics ?

On observe depuis plusieurs dizaines d’années une demande constante de la part des citoyens marocains en faveur d’une meilleure gouvernance et de plus de transparence. L’accès des citoyens au budget de l’État est un des piliers de l’actuel programme de réforme de la gouvernance. La nouvelle Constitution, adoptée en 2011, consacre les principes fondamentaux d’ouverture, de transparence et de responsabilité. Pour la première fois dans l’histoire du Maroc, un « budget citoyen »présentant le budget national sous une forme simplifiée, a été publié l’an dernier. Cette initiative a été saluée par la société civile marocaine et remarquée par l’enquête sur l’indice de transparence du budget, où le Maroc figure en deuxième position parmi les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord.

La transparence est au cœur de l’action de la société civile marocaine quijoue un rôle prépondérant en relayant auprès des décideurs les revendications populaires pour une meilleure gouvernance et plus de transparence. Dans le cadre de cette démarche, l’université Mundiapolis a organisé en début d’année à Casablanca une conférence sur la transparence budgétaire. Les participants — représentants du gouvernement et de la société civile, partenaires de développement — ont fait le point sur les récentes initiatives en la matière, notamment la publication du budget citoyen et la création d’une plateforme d’action par la société civile. La conférence visait aussi à rassembler des acteurs qui partagent le même état d’esprit et à créer une communauté dont la mission serait de promouvoir davantage la transparence budgétaire et de déterminer les actions nécessaires pour mettre en œuvre tous les principes de la nouvelle Constitution.


« Au Maroc, nous misons sur la nouvelle Constitution pour donner un coup de pouce à la transparence budgétaire, dans la mesure où elle adopte explicitement le principe de démocratie participative et de droit d’accès à l’information. La première plateforme marocaine en ligne consacrée à la divulgation des informations sur le budget, www.floussna.ma, a été bien reçue par les autorités, mais nous espérons une adoption plus large et la création d’une plateforme officielle avec des données plus granulaires et détaillées. »

Tarik Nesh-Nash

Professeur à l’université Mundiapolis, à Casablanca

Les principes fondamentaux de transparence et de responsabilité tels qu’ils sont inscrits dans la nouvelle Constitution marocaine doivent maintenant être traduits en lois et mesures politiques spécifiques. Soit, concrètement, l’adoption d’une nouvelle loi organique des finances, introduisant la budgétisation axée sur la performance et la transparence du budget, une loi sur l’accès à l’information et une nouvelle politique sur les consultations publiques. L’ensemble de ces actions contribuerait à l’élaboration d’un modèle de bonne gouvernance, au niveau national et local, à un moment où le Maroc entreprend également sa décentralisation.

Fabian Seiderer, spécialiste en gestion du secteur public à la Banque mondiale, faisait partie des intervenants à la conférence. Il a évoqué les réformes que la Banque soutient dans la région afin de promouvoir des systèmes de gouvernance plus transparents et responsables (voir la vidéo ci-dessous).

Selon lui, « la transparence du budget est essentielle pour améliorer les décisions économiques et financières des pouvoirs publics et du secteur privé, ainsi que pour renforcer, grâce à des citoyens engagés et éclairés, la responsabilité politique dans l’affectation et l’utilisation de ressources publiques limitées »

Des applications de pointe pour des finances transparentes

Alors que la Banque mondiale soutient les gouvernements souhaitant évoluer vers plus de transparence, elle pratique également ce qu’elle prêche en appliquant ce principe à ses propres travaux. Depuis l’adoption en 2010 de sa politique interne sur l’accès à l’information, la Banque mondiale a progressivement ouvert ses archives et ses données au grand public. Dans le cadre de ce processus, le programme « Open Finance » vise à rendre plus accessibles les informations financières sur les activités de la Banque, principalement à travers une plateforme de données et une suite d’applications mobiles. Les données disponibles couvrent toute la gamme des investissements de la Banque ainsi que les actifs qu’elle gère pour le compte de fonds mondiaux ; elles sont présentées à l’aide de formats interactifs et dynamiques qui facilitent considérablement l’accès aux états financiers de l’insitution.

Samuel Lee, spécialiste du libre accès aux données à la Banque mondiale, a présenté lors de la conférence l’expérience de la Banque dans le cadre de son programme Open Finance. « Ce programme a pour but d’utiliser tous les outils disponibles pour remédier à l’asymétrie de l’information, cette démarche visant elle-même à obtenir de meilleurs résultats dans nos propres efforts de développement », a-t-il expliqué.

« Les derniers développements au Maroc sont extrêmement intéressants », a-t-il ajouté, « non seulement en ce qui concerne la demande de transparence exprimée par la société civile, mais aussi en raison de l’utilisation qui est faite des informations récemment communiquées sur les dépenses publiques et des travaux législatifs en cours pour publier encore plus d’informations. »

La Banque mondiale a également mis au point un nouvel outil appelé « Boost » et conçu pour faciliter l’accès aux données budgétaires. Cette nouvelle application, mise au point par l’Institut de la Banque mondiale, aide les pouvoirs publics à créer une plateforme permettant l’accès du public aux données budgétaires de façon simple et attrayante. La Tunisie développe actuellement un outil similaire dans le cadre de sa plateforme de « budget ouvert », qui sera lancée dans les prochains mois.

En leur permettant d’accéder aux données sur le budget de leur pays, ces applications pratiques et innovantes ont en commun de rendre les citoyens plus autonomes et responsables. Elles leur permettent d’acquérir une compréhension plus complète de l’utilisation des fonds publics et leur offrent un moyen de mesurer l’efficacité du gouvernement dans la gestion des priorités politiques. Les réformes de la gouvernance au Maroc sont bien engagées, et les fondements sont posés pour un système transparent et responsable.



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