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Transformer des vies dans le bassin du fleuve Sénégal

03 avril 2013


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LES POINTS MARQUANTS
  • Un projet plurinational financé par la Banque mondiale a contribué à améliorer les conditions de vie de milliers de familles dans le bassin du fleuve Sénégal.
  • Une gestion conjointe des ressources en eau favorise la réduction de la pauvreté
  • Le programme régional d’investissement multisectoriel a permis de réduire le taux de malaria dans la région de manière significative

DAKAR, le 3 avril 2013. Près du village sénégalais de Sadel, à cinq heures de piste au nord-est de Dakar, les marchés qui bordent le fleuve Sénégal sont très animés. Grâce aux progrès de l’irrigation, on vend ici des pastèques, des courges, des tomates et même du riz. Et dans les eaux du fleuve alentour, la perche abonde. Les habitants vivent presque exclusivement des ressources que leur procure le cours d’eau ; autant dire que la santé du fleuve Sénégal leur est vitale.

La situation aujourd’hui est bien différente de celle qui prévalait en 2006, quand la Banque mondiale a décidé d’allouer 110 millions de dollars à un projet visant à promouvoir une gestion intégrée des ressources en eau dans le bassin du fleuve Sénégal et  développer ses usages multiples. Connu sous le sigle PGIRE, ce projet est un programme régional d’investissement multisectoriel portant sur la pêche, l’irrigation, la santé et la gestion des ressources en eau en Guinée, au Mali, en Mauritanie et au Sénégal. Il œuvre en étroite collaboration avec « l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal » (OMVS), créée en 1972 par le Mali, la Mauritanie et le Sénégal en vue d’améliorer l’utilisation et l’accès à l’eau dans ces trois pays.

Selon certaines estimations, les stocks de poisson du fleuve Sénégal sont en hausse de près de 13 % depuis le lancement du projet. Et à en croire les riverains, les poissons sont non seulement plus nombreux mais ils sont aussi plus gros. 

« Comme il y a plus de poissons dans le fleuve, on se nourrit mieux et on gagne plus d’argent », confirme un pêcheur local tout en brandissant une perche de 60 centimètres.

De plus, des travaux d’irrigation et une meilleure gestion des ressources en eau ont permis de remettre en état 1 780 hectares de terres agricoles. Les habitants peuvent donc désormais cultiver des espèces plus variées et sur des périodes prolongées. Ces nouvelles opportunités bénéficient tout particulièrement aux femmes, beaucoup étant tributaires de l’agriculture vivrière en tant que chefs de famille.

Le retour des exilés ruraux

Pour les 12 millions d’habitants du bassin du fleuve Sénégal, un bassin versant qui couvre plus de 1 % de la superficie émergée de l’Afrique, l’eau est une ressource vitale. Pendant les sept mois de la saison sèche, il ne tombe en moyenne pas plus de 2,5 mm de pluie par mois alors que la température peut atteindre 37 degrés Celsius. Non seulement les poissons du fleuve sont une source de nourriture, mais chaque année, pendant la saison des pluies, les crues permettent la reconstitution des éléments nutritifs des pâturages et jouent un rôle essentiel pour l’irrigation des cultures. Sans eau, l’herbe se fait plus rare  et seules poussent quelques cultures tolérantes à la sécheresse.

Il y a trente ans, le fleuve Sénégal constituait l’une des plus grandes zones de pêche en eau douce d’Afrique. Au fil du temps, la surexploitation des ressources halieutiques et la mise en valeur des berges sont venues menacer la pêche, provoquant la quasi-disparition de cette filière. Illustration concrète des arbitrages complexes dans le domaine du développement: si les barrages ont permis de doter la région d’infrastructures électriques et de télécommunications essentielles, ils ont aussi interrompu le cycle annuel des crues du fleuve, privant de nombreux agriculteurs d’un accès à l’eau pourtant indispensable. 

Selon des sources locales, la renaissance de la pêche incite ceux qui étaient partis s’installer à Dakar, la capitale, il y a plus de dix ans, à revenir aujourd’hui dans la région. Le fleuve offrant aujourd’hui plus d’opportunités, ces anciens exilés ruraux sont désormais en mesure de gagner leur vie dans les villes et les villages qui le bordent. Ils retrouvent ainsi les poissons, les pâturages et les familles  qu’ils avaient fait jadis le choix douloureux de quitter.

Et pour les villageois du bassin du fleuve Sénégal, à Sadel, comme ailleurs, les effets de ce programme, qui vise à améliorer l’accès aux marchés et promouvoir une pêche durable via une meilleure gestion des ressources en eau, commencent à se faire sentir.

« Cette approche globale de gestion du bassin fluvial permet de développer les infrastructures, en impactant de manière positive plusieurs secteurs qu’il s’agisse de l’agriculture, l’alimentation en eau, l’énergie, la navigation ou encore  la santé», explique Shelley McMillian, spécialiste des ressources en eau à la Banque mondiale, qui dirige l’équipe chargée de ce projet.

Selon cette dernière, quand des pays qui possèdent des ressources en eau communes parviennent à les gérer ensemble, les bénéfices qui en découlent n’affectent pas seulement le secteur de l’eau. Cette gestion conjointe favorise en effet la réduction de la pauvreté, la limitation des émissions de carbone, l’essor du commerce régional et la stabilité. 

« Ce projet destiné à développer les usages multiples du bassin du fleuve Sénégal va entraîner de véritables transformations », indique Colin Bruce, directeur de la stratégie, des opérations, de l’intégration régionale et des partenariats pour la région Afrique de la Banque mondiale. « Il illustre les résultats concrets que nous obtenons grâce au programme d’intégration régionale, à savoir des solutions déployées sur plusieurs pays et en mesure de faire durablement reculer la pauvreté», ajoute-t-il.

La première phase du PGIRE, qui doit s’achever au printemps 2013, a déjà produit des résultats remarquables La seconde phase est actuellement en préparation et sera présentée en juillet au conseil d’administration de la Banque mondiale. Jusqu’ici, l’une des grandes réussites de ce projet a été l’entrée officielle de la Guinée au sein de l’OMVS, qui compte désormais quatre pays et leur offre un cadre de collaboration régionale pour la gestion de leurs ressources en eau. C’est la seconde fois seulement que la Banque a obtenu un tel accord relatif aux traités internationaux sur l’eau (le premier étant le traité sur l’eau de l’Indus en 1960). 

Mais, aux yeux d’Ould Merzoug, le haut-commissaire de l’OMVS, dans un bassin fluvial où le paludisme et la bilharziose augmentent la mortalité maternelle et infantile et empêchent les adultes de travailler ou les enfants d’aller à l’école, l’amélioration de la situation sanitaire constitue peut-être le résultat le plus remarquable.

Grâce à ce programme qui comporte un volet  de prévention et d’éradication de ces deux maladies incapacitantes, un recul considérable de leur prévalence a été enregistré dans la région. Dans la zone couverte par le projet, 83 % des enfants de moins de cinq ans dorment désormais sous une moustiquaire, ce qui a fait chuter le taux de prévalence du paludisme chez ce groupe particulièrement vulnérable. Par ailleurs, dans certaines zones, la distribution régulière de médicaments a presque fait disparaître la bilharziose.

« Le fait d’avoir entrepris cet investissement social dans le bassin du fleuve Sénégal est pour moi une source de satisfaction particulière, confie le haut-commissaire de l’OMVS. Grâce au [PGIRE], nous avons réalisé des avancées concrètes dans notre combat contre cette triple tragédie humaine que constituent la pauvreté, la maladie et la faim».


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