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Ces voix inaudibles : l’égalité hommes/femmes dans le monde arabe

14 mars 2013


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Les femmes ont joué un rôle de premier plan pendant le Printemps arabe et entendent bien faire entendre leurs revendications.

Banque mondiale l Arne Hoel 2012

LES POINTS MARQUANTS
  • Alors que les progrès des femmes de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord selon plusieurs indicateurs sociaux sont impressionnants, elles continuent d’afficher le taux d’activité le plus bas du monde.
  • Un nouveau rapport de la Banque mondiale revient en détail sur les freins juridiques et sociaux et l’absence de débouchés professionnels qui, ensemble, empêchent les femmes de participer à la vie économique et politique.
  • Une action concertée sera requise pour modifier les lois restreignant l’emploi des femmes et pour installer les conditions leur permettant de concilier vie professionnelle et vie de famille.

Vous n’avez probablement pas entendu parler de Rahma. Elle-même a été trop occupée à se battre pour raconter son histoire. Pourtant, son histoire, précisément, est édifiante.

Là où vit Rahma, quelque part au Yémen, un proverbe dit qu’il ne faut pas éduquer une femme parce que sa place est dans la maison de son mari. Les croyances traditionnelles sur le rôle des femmes sont comme les montagnes qui entourent sa ville : pesantes et difficiles à contourner.

Sans même parler d'acquérir les compétences qui permettent de sortir de la nasse, le simple fait d’apprendre à lire et à écrire relève de la gageure pour les femmes comme elle.

Pourtant, Rahma a décidé qu’elle voulait et pouvait faire mieux. Elle est devenue la première femme de sa ville à finir le lycée et à obtenir un emploi rémunéré, dans un dispensaire privé. Car si les femmes de cette région de montagne ont toujours travaillé, très dur même, elles ne l’ont jamais fait contre un salaire.

Puis Rahma est partie à Sana’a, la capitale du pays, suivre une formation en soins médicaux. Sa ville lui manquait, pourtant. Comme d’autres femmes restées là-bas, Rahma rêvait de se marier et de fonder une famille. Mais elle était convaincue que cela n'était pas incompatible avec ses autres talents et ses ambitions.

Elle est finalement rentrée chez elle et s’est mariée. Aujourd'hui, elle gère son propre cabinet de sage-femme, installé dans une pièce attenante à sa maison et aménagée à cet effet. Tout le monde l’admire et la respecte. Mieux, de nombreuses filles de sa ville lui emboîtent le pas. Sa petite sœur a commencé à étudier dans un institut médical, situé à proximité.


« Seule une femme sur quatre a un emploi ou est en recherche d’emploi. »

Il y a des milliers de Rahma au Moyen-Orient et en Afrique du Nord mais leur histoire ne finit pas toujours aussi bien. Un nouveau rapport de la Banque mondiale, intitulé Opening Doors: Gender Equality and Development in the Middle East and North Africa, recense tout un ensemble d’obstacles économiques, juridiques et culturels qui ont barré l’accès des femmes à la vie publique et aux marchés du travail. Mais, et le rapport souligne ce paradoxe, les femmes ont accompli des pas de géant depuis 40 ans sur de nombreux fronts : elles sont en meilleure santé, elles sont nettement plus instruites et elles sont même désormais plus nombreuses que les hommes à faire des études supérieures.

Parmi les divers obstacles que rencontrent les femmes, il en est un qui est particulièrement présents : la difficulté à conjuguer carrière et vie de famille. Partout dans le monde, les femmes connaissent ce problème mais, dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA), cela relève encore trop souvent d’un choix cornélien.

Ici, seule une femme sur quatre a un emploi ou est en recherche d’emploi, soit la moitié du taux observé à l’échelle mondiale. Chez les jeunes femmes, le taux de chômage grimpe jusqu’à 40 % alors que l’écart entre l’emploi des hommes et l’emploi des femmes est pratiquement deux fois plus large aujourd’hui qu’il y a vingt-cinq ans.

En supposant que le taux d’emploi dans les pays de la région MENA se maintienne à son niveau actuel et que toutes les personnes en âge de travailler soient effectivement actives, le chômage touchera 50 millions d’hommes d’ici 2050 tandis que celui des femmes explosera, littéralement, à 145 millions.

En 2010, la Banque mondiale a mené une enquête en Jordanie auprès de femmes titulaires d’un diplôme universitaire de premier cycle : 92 % envisageaient de chercher un emploi et 76 % comptaient bien travailler à plein temps. Une enquête de suivi réalisée un an après a donné des résultats édifiants : parmi les diplômées mariées, 7 % seulement avaient un emploi ; dans le groupe des femmes fiancées, elles étaient 14 % dans ce cas. Chez les célibataires, la proportion atteignait 21 %. Toutes exprimaient le même désir de travailler qu’avant, indépendamment de leur statut marital.

Et Rahma nous a prouvé qu’on pouvait parfaitement être mariée et travailler.

Le rapport avance une série de propositions pour faire bouger les règles et créer les conditions qui permettront à quantité d'autres Rahma d'aller au bout de leurs rêves. Actuellement, les législations conçues pour protéger les femmes, qui stipulent où et quand elles peuvent travailler, entraînent souvent tout bonnement leur exclusion du marché, les employeurs préférant par commodité embaucher des hommes.

Mais l’époque est révolue où l’on demandait aux femmes d’attendre sagement leur tour. Elles ont joué un rôle de premier plan pendant le Printemps arabe et entendent bien faire entendre leurs revendications. Plus vite elles contribueront à la vie économique et sociale de la région, sur un pied d’égalité avec les hommes, plus tôt les pays MENA pourront profiter de ce potentiel immense encore inexploité.


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