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Des enjeux de taille : les six principaux thèmes retenus par la Banque mondiale en prévision de Rio+20

21 mai 2012


Les enjeux sont clairs : au cours des 40 prochaines années, la population mondiale va passer de 7 milliards à 9 milliards de personnes, qui compteront toutes sur la planète pour leur fournir l’énergie, l’eau et la nourriture dont elles ont besoin. Si nous ne changeons rien à notre mode de fonctionnement, le pari sera très difficile à tenir.

La Conférence des Nations Unies sur le développement durable, plus connue sous le nom de Rio+20, sera l’occasion de définir les structures de planification, les cadres de politique générale, les systèmes d’évaluation et les objectifs ambitieux dont nous avons besoin pour préparer l’avenir et faire face simultanément aux crises de l’alimentation, de l’eau et de l’énergie qui sévissent actuellement.

Partout dans le monde, on assiste à une prise de conscience grandissante du fait que, pour progresser dans cette voie, nous devons porter la même attention aux aspects économiques, environnementaux et sociaux qui constituent les piliers d’un développement durable. La conférence — qui se tiendra au mois de juin et devrait attirer 75 000 participants à Rio de Janeiro, dont cent chefs d’État et des milliers de représentants du secteur privé — offre à la communauté internationale une chance de mettre la dynamique de la croissance verte et solidaire au service du développement durable, d’aller au-delà de la seule prise en compte du PIB pour intégrer le capital naturel et les services écosystémiques à la comptabilisation des richesses nationales et de transposer les nouvelles approches intégrées des secteurs public et privé à l’échelle des paysages urbains et naturels et des océans.

Les représentants de la communauté internationale réunis à Rio pourront aussi s’atteler à l’élaboration d’un ensemble d’objectifs de développement durable dans les domaines de l’énergie, de l’alimentation et de l’eau qui viendront compléter les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et favoriseront l’adoption d’une trajectoire de croissance plus rationnelle qui sera à la fois bénéfique à la planète et aux hommes et porteuse de progrès.

Le Groupe de la Banque mondiale, qui travaille en étroite collaboration avec les États, la société civile et le secteur privé sur toutes ces questions, souhaite faire entendre les six messages suivants à l’occasion de la conférence Rio+20 :


« On constate aujourd’hui que le changement climatique accentue très fortement les problèmes indissociables que sont les crises alimentaires, les pénuries d’eau et les besoins énergétiques. Les pays et les communautés doivent renforcer leur capacité d’adaptation et opter pour des trajectoires de croissance plus efficaces. La croissance verte est au cœur de ce processus. C’est la clé d’un développement durable. »

Rachel Kyte

Vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement durable

UNE CROISSANCE VERTE ET SOLIDAIRE

Les modes de croissance suivis actuellement dans le monde ne sont pas viables et sont de surcroît totalement inefficaces. C’est pourquoi il et indispensable et urgent de promouvoir la croissance verte et solidaire. Il y a par ailleurs un réel intérêt économique pour les pays à agir maintenant plutôt que de continuer à privilégier des trajectoires de développement polluantes aux conséquences potentiellement irréversibles et d’attendre le dernier moment pour inverser la tendance, au prix d’investissements importants et de profonds bouleversements sociaux.

Les modes de développement fondés sur la croissance verte et solidaire sont plus efficaces dans la mesure où ils permettent de réduire l’utilisation inconsidérée de l’énergie et des ressources naturelles, d’améliorer l’aménagement des zones urbaines de manière à tirer le meilleur parti des systèmes de transports publics et des autres services, de créer des infrastructures polyvalentes et d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles, qui servent uniquement les intérêts des plus riches et sont un moyen bien coûteux d’aider les plus pauvres. Les carences du système de gouvernance, le poids de comportements profondément ancrés et les contraintes financières sont les principaux obstacles à l’adoption de modes de croissance écologique et solidaire, mais n’ont rien d’inéluctable.

Notre souhait est qu’à Rio, le principe de la croissance verte et solitaire soit entériné et recueille une très large adhésion. Le secteur privé a un rôle majeur à jouer en la matière ; il doit notamment inventer des mécanismes de financement et des modèles d’entreprises innovants qui favoriseront l’adoption immédiate d’une trajectoire de croissance durable et contribueront à plus long terme à réduire la production de déchets, la pollution et la consommation d’énergie.

COMPTABILISATION DU CAPITAL NATUREL

Avant même la tenue du Sommet de la Terre de 1992, on observait déjà une prise de conscience grandissante du fait que le PIB ne peut à lui seul à rendre compte des progrès réalisés dans la voie du développement durable. Le PIB ne porte que sur une seule des composantes de la performance économique — la production — et ne donne aucune information sur les richesses et actifs qui sont le fondement de la production. Ainsi, lorsqu’un pays exploite ses ressources minérales, il contribue en fait à l’épuisement de ses propres richesses. Le constat vaut aussi pour la surexploitation des ressources halieutiques ou la dégradation des ressources en eau. Les évaluations de la performance économique qui reposent uniquement sur le PIB peuvent être trompeuses, dans la mesure où la croissance à court terme de certains pays découle en fait d’une exploitation des richesses qui pourrait compromettre la croissance à long terme.

À cet égard, l’adoption récente par la Commission de statistique des Nations Unies du Système de comptabilité environnementale et économique (SCEE), qui permet de comptabiliser les ressources naturelles telles que les minéraux, le bois et les ressources halieutiques, est une avancée majeure.

Rio+20 sera l’occasion, pour les pays comme pour le secteur privé, de renforcer leur engagement en faveur de la comptabilisation globale et intégrée des richesses. Plusieurs institutions financières ont déjà signé une Déclaration sur le capital naturel, et de nombreuses entreprises adhèrent désormais au principe de l’établissement de rapports intégrés, qui permet de tenir compte de facteurs tels que la biodiversité et le respect de l’environnement dans la prise des décisions de gestion.

« L’Amérique latine est une source d’inspiration pour le reste du monde en matière d’écologisation de la croissance économique , qu’il s’agisse de rémunération des services écosystémiques, de développement de l’énergie solaire et éolienne ou de réseaux rapides de transport en commun. Le défi que doit relever la région consiste à faire de ces innovations des pratiques généralisées. » Hasan A. Tuluy, Vice-président de la Banque mondiale pour l’Amérique latine et les Caraïbes.

OCÉANS

Au printemps 2012, la Banque mondiale a réuni 130 spécialistes de la santé et de l’exploitation des océans, parmi lesquels des représentants d’organismes publics, d’organisations internationales, de la communauté scientifique et du secteur industriel, en vue de la création d’un Partenariat mondial pour les océans qui va pouvoir s’attaquer au problème de la surpêche, de la dégradation de l’environnement marin et de la disparition des habitats et aura aussi pour rôle de définir des objectifs concrets pour les 10 prochaines années.

Les océans sont indispensables à la sécurité alimentaire et économique de milliards d’individus et à la protection des zones côtières dans lesquelles ils vivent ; ils fournissent au total près de 15 % des apports en protéines de la population mondiale. Dans le même temps, du fait de la mauvaise gestion des ressources, du développement et de la pollution, 85 % des ressources halieutiques de la planète sont aujourd’hui pleinement exploitées, surexploitées, épuisées ou en voie de reconstitution ; de même, 35 % des mangroves et 20 % des récifs coralliens ont été détruits.

Nous espérons qu’à Rio, des engagements seront pris en faveur de modes de gestion du milieu marin plus efficaces et de la mise en œuvre des accords conclus à Rio en 1992, à Johannesburg en 2002 et à Nagoya en 2010. Notre objectif est de renforcer la sécurité alimentaire, de réduire la pollution et d’étendre la superficie des zones marines protégées.

PAYSAGES

La terre est une ressource vitale pour les populations pauvres des zones rurales qui dépendent de l’agriculture pour assurer leur subsistance. On observe actuellement une baisse de la productivité de près de 2 millions d’hectares de terres consacrés à l’agriculture pluviale et irriguée, en raison notamment d’une importante dégradation des sols. La mauvaise qualité des sols ne fait qu’accentuer la pauvreté et amplifier les crises alimentaires. Faute de ressources et de connaissances indispensables à l’amélioration des modes de production, la dégradation des sols ne cesse de s’aggraver.

Il faut donc adopter des modes d’aménagement du territoire plus judicieux, des méthodes plus efficaces et des pratiques agricoles intelligentes sur le plan climatique. Ces changements sont indispensables si l’ont veut nourrir une population mondiale en constante augmentation et lui fournir de l’eau douce salubre. Les spécialistes des différents secteurs concernés mettront à profit la tribune que leur offre la conférence de Rio pour échanger des pratiques de référence, et nous encouragerons pour notre part l’adoption de solutions globales.

« La croissance verte n’est pas un luxe. C’est une nécessité. Les sources d’inspiration ne manquent pas : le Botswana, le Costa Rica, les Philippines sont autant de pays émergents qui se sont engagés dans la voie d’un avenir durable et ont choisi de dresser un état des lieux de leur capital naturel. » Rachel Kyte, Vice-présidente de la Banque mondiale pour le développement durable.

DÉVELOPPEMENT URBAIN

Alors que la communauté internationale s’interroge sur la voie à suivre, la situation des 70 millions de personnes qui viennent s’installer en zone urbaine chaque année appelle une attention particulière. L’urbanisation a favorisé la croissance économique et l’innovation, et les zones urbaines génèrent actuellement les trois quarts de la production économique mondiale. Dans le même temps, elle a contribué à aggraver des problèmes environnementaux et socioéconomiques majeurs, parmi lesquels le changement climatique, la pollution, l’encombrement des voies urbaines et le développement des bidonvilles.

Une occasion historique se présente de concevoir, d’administrer et de construire des villes intelligentes, en adoptant des décisions fondées qui répondront aux besoins des citadins d’aujourd’hui sans pour autant limiter les options qui s’offriront aux générations futures. La croissance verte doit avoir pour point de départ une planification urbaine judicieuse qui anticipe l’accroissement démographique et favorise le développement de modes de transport public contribuant à réduire les encombrements et la pollution de l’air, la création de collectivités locales respectueuses des piétons et des cyclistes et la mise en place de services publics efficaces d’approvisionnement en eau et en électricité et de traitement des déchets municipaux. Cette approche suppose cependant de définir des objectifs précis et d’évaluer les progrès en s’appuyant sur des données et des outils de mesure uniformes tels que le Programme des indicateurs pour les villes du monde, le Protocole des GES, les évaluations des risques urbains et les normes de construction écologique. Les décisions relatives aux infrastructures urbaines qui seront prises aujourd’hui influeront sur les conditions de vie des populations urbaines pendant les 50 à 100 prochaines années.

Nous voudrions qu’à Rio, des engagements soient pris en faveur du développement de villes durables et mieux équipées pour faire face au changement climatique. Dans la perspective d’une croissance verte et solidaire, il s’agit de mettre l’accent sur l’importance de la planification urbaine et des marchés fonciers, le financement des infrastructures, le logement, les services publics et l’utilisation d’outils de mesure uniformes et de données en libre accès.

ÉNERGIES DURABLES

L’énergie durable est une condition essentielle du développement durable. Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a pris la tête d’une initiative en faveur de l’accès universel à l’électricité, qui vise notamment à promouvoir l’utilisation de cuisinières non polluantes et à multiplier par deux, à l’horizon 2030, la part de l’énergie mondiale fournie par des sources renouvelables, qui passerait ainsi de 15 % à 30 %, et le taux d’amélioration du rendement énergétique.

Le Groupe de la Banque mondiale s’emploie à mobiliser ses connaissances et ses ressources financières et à trouver des solutions innovantes fondées sur le marché pour aider à la réalisation de ces objectifs dans le cadre d’une démarche complémentaire de la feuille de route sur les Objectifs de développement durable. Elle s’emploie activement à rechercher auprès des secteurs public et privé des solutions innovantes qui contribueront à faire avancer le débat sur les nouvelles priorités mondiales et permettront à l’humanité toute entière de tirer avantage de la révolution industrielle verte qui s’annonce.


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