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La Chine et l’Afrique partagent leurs expériences en matière de développement

21 mai 2012


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LES POINTS MARQUANTS
  • Un programme « Sud-Sud » en cours a réuni des responsables et des experts chinois et africains pour partager leurs expériences de développement.
  • Tous ont apprécié l’exercice, fécond en idées nouvelles.
  • Cet apprentissage mutuel a donné à chacun l’envie d’appliquer ce qu’il avait appris.

Voici un peu plus d’un an, le ministre éthiopien du Commerce et de l’industrie, M. Tadesse Haile, assistait à Pékin à un colloque sur les zones économiques spéciales (ZES) et le développement des infrastructures. Lors d’un voyage dans la province chinoise du Jiangsu, organisé ensuite, il a visité, avec d’autres, des parcs technologiques, des usines et une entreprise de transformation des aliments. On lui a aussi présenté des projets d’irrigation et de biogaz rural.

Aujourd’hui, à l’issue d’un travail collectif, le cadre juridique qui régira l’ouverture de ZES en Éthiopie, « largement inspiré de l’expérience chinoise » précise-t-il, est prêt.

M. Haile est l’un des 200 responsables et experts techniques venus de 41 pays africains qui ont participé à un programme pour l’échange de connaissances Sud-Sud initié par le gouvernement chinois, ses partenaires africains et la Banque mondiale.

Depuis son lancement en 2008, ce programme toujours d’actualité a permis d’organiser un certain nombre de manifestations, sur les ZES, l’agriculture et la réduction de la pauvreté, la santé, l’éducation et la formation professionnelles ou encore l’aménagement des terres et des bassins versants.

L’expérience de la Chine — qui connaît depuis 30 ans une croissance soutenue et a réussi à sortir 600 millions d’habitants de l’extrême pauvreté — est riche d’enseignements pour d’autres régions, l’Afrique notamment, dont le monde s’interroge sur la capacité à devenir un lion économique, à côté du dragon chinois et du tigre indien.

Le resserrement des relations économiques entre la Chine et l’Afrique ouvre la voie à un partage d’expériences : le commerce sino-africain a explosé, atteignant 160 milliards de dollars en 2011, contre 2 milliards en 1999.

« La coopération entre la Chine et l’Afrique n’est pas un phénomène nouveau. Ce qui l’est, en revanche, c’est l’importance et la portée de leur partenariat », a déclaré Robert Zoellick, président du Groupe de la Banque mondiale. « Le commerce, l’investissement et l’échange de savoir-faire Sud-Sud pourraient devenir de puissants moteurs de la croissance dans les années post-crise ».

D’où la volonté des parrains de ce programme de créer un modèle pour le partage d’expériences entre pays, organisations et individus mais aussi de favoriser la poursuite des interactions et des échanges techniques entre l’Afrique et l’Asie.

L’innovation par l’exemple

Le programme met l’accent sur les domaines où l’expérience chinoise est particulièrement pertinente pour l’Afrique et qui peuvent apporter le plus d’idées aux participants.

Il a ainsi organisé en 2008 le voyage de 32 décideurs de 18 pays africains dans les provinces intérieures du Guangxi et du Jiangxi pour leur présenter des programmes de développement rural. Ils ont ensuite rejoint les provinces côtières du Guangdong et du Zhejiang pour découvrir des expériences d’investissement dans les infrastructures, d’entreprises collectives rurales (TVE), de promotion des investissements étrangers et des ZES.

Keizire Boaz, économiste agronome originaire de l’Ouganda, dit « avoir eu un aperçu exceptionnel de la manière dont la Chine aide ses agriculteurs : grâce au revêtement des routes, les produits arrivent plus vite sur le marché. Grâce à l’électricité, les agriculteurs ont la radio et la télévision et se familiarisent avec l’évolution des cours et les stratégies de prix. Cela fait une énorme différence ».

Andrew Ngone, conseiller en Zambie pour le Marché commun d’Afrique australe et d’Afrique orientale, évoque lui une visite dans une exploitation de légumes sous serre, preuve que l’État peut par ses investissements contribuer à la création d’entreprises privées viables : « le gouvernement a fourni les infrastructures de départ mais ce sont les villageois qui les ont gérées seuls et développées au point qu’ils n’ont plus besoin d’aide publique ».

 


« J’ai eu un aperçu exceptionnel de la manière dont la Chine aide ses agriculteurs. Grâce au revêtement des routes, les produits arrivent plus vite sur le marché. Grâce à l’électricité, les agriculteurs ont la radio et la télévision et se familiarisent avec l’évolution des cours et les stratégies de prix. Cela fait une énorme différence  »

Keizire Boaz

Économiste agronome, Ouganda

L’apprentissage mutuel

Si les participants africains évoquent tout ce que ces échanges leur ont apporté, les responsables chinois qui ont conçu et mis en œuvre le programme soulignent le caractère « mutuellement bénéfique » de l’expérience.

Pour Wang Jun, vice-ministre chinois des Finances, « les pays africains étudient des solutions de croissance durable adaptées à leurs réalités. La Chine et l’Afrique peuvent s’associer pour affronter des défis communs et profiter ensemble des opportunités et, ainsi, se développer en parallèle ».

« Nous avons les mêmes objectifs : développement et réduction de la pauvreté », rappelle Fan Xiaojian, directeur du Bureau du développement et de la lutte contre la pauvreté du Conseil des affaires d’État. « La Chine poursuivra ses échanges de connaissances avec ses partenaires africains. Pour les pays en développement que nous sommes, c’est un moyen d’accéder à l’autonomie ».

L’incitation à l’action

Ces échanges ont suscité une volonté d’action chez les participants, désireux de tester ces nouvelles idées.

Voici le témoignage de trois personnes sur des projets de réhabilitation du bassin versant du plateau du Loess, découverts lors d’une visite de terrain organisée en 2008.

Pour Julius Kenneth Ningu, coordinateur des questions d’environnement au ministère de l’Agriculture, de la sécurité alimentaire et des coopératives de Tanzanie, le plus instructif était de voir à quel point « l’implication des communautés contribuait à améliorer l’aménagement des terres et la conservation de l’eau ». Fort de ce constat, il a recommandé d’encourager une participation plus large des communautés aux programmes agricoles de son pays, où 70 % de la population vit de l’agriculture. Celles-ci ont donc pu faire des suggestions, de la modernisation des systèmes traditionnels d’irrigation pour une consommation d’eau plus raisonnée à la restriction de l’abattage des arbres dans les zones de captage en passant la limitation des feux de brousse — une pratique ancestrale de défrichement des terres agricoles — dans les aires protégées.

John James Mussa, directeur de la préservation des ressources foncières au ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire du Malawi, a transposé la stratégie de gestion intégrée du bassin versant du plateau du Loess dans les zones de captage de son pays.

Quant à Delali Nutsukpom, directeur adjoint au ministère de l’Alimentation et de l’Agriculture du Ghana, il a été frappé de voir que « l’aménagement des bassins versants permet d’assurer le développement rural ». Dès son retour, il a sélectionné plusieurs zones prioritaires et engagé un programme durable d’aménagement du territoire national.

Tous ces témoignages font écho à un proverbe africain que le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a cité pendant le Forum sur la coopération sino-africaine : « Seul, on va plus vite. Mais ensemble, on va plus loin ».

 


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