Les problèmes de l’environnement marin sont chroniques, complexes, politiquement et économiquement sensibles, mais ils sont réversibles. Telle pourrait être la conclusion d’un récent mouvement international coordonné visant à endiguer l’aggravation de la crise écologique dans la mer Noire.
La dégradation de la mer Noire constitue à bien des égards un microcosme de la pollution océanique mondiale. Elle est causée essentiellement par le déversement des substances toxiques charriées par le Danube tout au long des 2 800 kilomètres qu’il parcourt depuis sa source dans le sud de l’Allemagne jusqu’à la mer Noire, à travers un chapelet d’exploitations agricoles, d’usines et de grandes agglomérations urbaines. Sur plus d’un demi-siècle, les apports de nutriments issus des sols agricoles dans les eaux du fleuve, auxquels sont venues s’ajouter les eaux usées des villes, ont entraîné un appauvrissement en oxygène, générant l’eutrophisation de la partie Nord-Ouest de la mer Noire et l’expansion des zones mortes. Ce fléau écologique a provoqué la disparition des populations de poissons et des habitats marins, et s’est accompagné de graves répercussions économiques sur les moyens de subsistance et le tourisme.
Dès le milieu des années 80, les responsables politiques locaux et les spécialistes de l’environnement avaient pourtant exprimé leurs inquiétudes quant à cette dégradation croissante. Toutefois, les solutions paraissaient complexes et, pour l’essentiel, la tendance n’a fait que s’accentuer. Il faut rappeler que le Danube et ses affluents traversent 17 pays, de part et d’autre de l’ancien Rideau de fer, et qu’un certain nombre de ces États étaient alors le théâtre de bouleversements, d’instabilité et de conflits violents à la suite de la chute du mur de Berlin en 1989.
La pollution et la dégradation des océans sont également apparues comme des problèmes planétaires majeurs dès le milieu des années 80. L’utilisation de fertilisants azotés a été multipliée par cinq depuis 1960 et, de manière comparable au phénomène de la mer Noire, ces engrais ruissellent dans l’eau des fleuves pour finir dans les océans, où ils constituent une menace pour les habitats marins et les moyens de subsistance.
Une étude de 2008 publiée par le magazine Science dénombrait 405 zones mortes dans les océans, couvrant 246 048 kilomètres carrés, soit environ la superficie de la Nouvelle-Zélande.
Il est temps d’agir
Dans le cas de la mer Noire, la communauté internationale a décidé de passer à l’action. Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dirige une initiative internationale pour identifier les sources de dégradation, investir dans des solutions et renforcer les politiques publiques, la réglementation et les institutions responsables de la gestion à venir du bassin du Danube ; le Fonds pour l’environnement mondial est chargé de la mobilisation des financements en faveur de l’initiative. Le projet repose sur la Convention pour la protection du Danube qui, en 1998, a instauré un cadre juridique de coopération entre les pays du bassin du Danube.
Plusieurs facteurs sont à la source de la pollution de la mer Noire. À partir des années 60, qui marquent le début des « révolutions vertes », les agriculteurs ont massivement accru leur utilisation d’engrais artificiels azotés dans le but d’augmenter les rendements, ce qui a entraîné un excès de nutriments (nitrates et phosphates) dans le milieu marin. Les eaux usées des villes sont une autre source de pollution, qu’explique le grand nombre d’installations de traitement mal entretenues ou, dans le cas de Sarajevo, détruites pendant la guerre civile. Les phosphates présents dans les lessives sont venus s’y ajouter, toutes ces causes contribuant à décimer les espèces et les écosystèmes marins.