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Pour une pêche respectueuse des ressources halieutiques et des droits des pêcheurs

23 février 2012


LES POINTS MARQUANTS
  • Le manque à gagner qui résulte des pratiques de pêche non durables est estimé à 50 milliards de dollars par an.
  • Les 25 millions de dollars que le Libéria a investis pour réglementer sa pêche lui ont permis de multiplier par trois les recettes publiques générées par ces activités en 2011.

Au large des côtes de l’Afrique de l’Ouest, des milliers de bateaux se font concurrence pour une ressource de plus en plus rare : le poisson.

Si tout le monde peut, en principe, « se servir », les populations locales et leurs embarcations traditionnelles attrapent de moins en moins de poisson et leur revenu diminue d’année en année. Les grands navires sophistiqués, dont beaucoup battent pavillon étranger, profitent de l’incapacité des pays en développement à bien réglementer leurs côtes et à les surveiller. Dès lors que les ressources sont en accès libre, même les flottes industrielles sont confrontées à la baisse de leur chiffre d’affaires et des taux de capture.

Le constat est analogue de l’Atlantique au Pacifique, des eaux côtières à la haute mer.

D’après la Situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2010, environ 85 % des stocks halieutiques sont exploités complètement, surexploités, épuisés ou en voie de reconstitution. Dans le même temps, la demande de poisson augmente du fait de l’expansion démographique, et les navires qui utilisent des méthodes de pêche très techniques et à haut rendement sont deux fois plus efficaces et rapides pour capturer le poisson que celui-ci ne met de temps à se reproduire.

Il en résulte une surexploitation des ressources halieutiques, qui a déjà fait disparaître des pêcheries importantes, y compris dans les pays industrialisés.

D’après les experts, tous ces phénomènes se produisent faute de règles et de droits qui inciteraient à assurer la pérennité des stocks de poissons pour l’avenir. Aujourd’hui, la pêche illégale continue de saper les efforts visant à préserver un approvisionnement mondial durable en poisson sauvage.

C’est dans ce contexte que des petits États insulaires en développement et des pays côtiers, en partenariat avec un nombre croissant d’acteurs publics, privés ou de la société civile, ont décidé de sensibiliser le monde entier à ces enjeux et d’aider ainsi à préserver les stocks de poissons sauvages pour les générations futures.

Ce « Partenariat mondial pour les océans » (Global Partnership for Oceans) vient appuyer les efforts entrepris à l’échelle planétaire pour faire en sorte que nos océans restent vivants, et productifs.

Il faut améliorer la gouvernance

Les spécialistes de la pêche considèrent qu’en incitant à une meilleure gouvernance, on pourrait non seulement améliorer la santé des océans et des mers, mais également récupérer le manque à gagner considérable, estimé à 50 milliards de dollars par an, qui résulte des pratiques non durables. C’est ce que montre le rapport The Sunken Billions (« Les milliards engloutis ») publié par la Banque mondiale et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture).

Mais, selon ces spécialistes, il faut pour cela que les décideurs économiques et politiques accordent à la pêche une attention pleine et entière, et qu’ils prennent l’engagement de réformer sur la durée.

Le programme PROFISH de la Banque mondiale recommande de mettre fin au régime de libre accès à la pêche et à la concurrence effrénée, et de renforcer les droits des pêcheurs.

De fait, nombreux sont ceux qui pensent qu’en fixant des droits de pêche et en les protégeant, on incitera fortement les acteurs concernés — pêcheurs, populations locales, associations de pêche — à cesser le gaspillage et la surexploitation des ressources halieutiques.

Les systèmes de gestion qui octroient ce type de droits, avec force de loi, ont fait leurs preuves en Australie, au Canada, en Estonie, aux États-Unis, au Groenland, en Islande, en Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas.

Parmi les pays en développement, le Chili recourt à des systèmes de quotas pour certaines espèces, et le Pérou a récemment adopté de tels dispositifs pour l’espèce de poisson la plus pêchée au monde : l’anchois péruvien.


« Un océan en bonne santé est source de croissance et de développement économiques, surtout pour les petits pays en développement. »

Alfred Alfred Jr.

Secrétaire aux Finances des Îles Marshall.

Par ailleurs, les systèmes fondés sur des droits coopératifs qui accordent des droits de pêche exclusifs à des communautés ou coopératives de pêche locales fonctionnent efficacement pour la pêche au flétan en Alaska et celle au lieu jaune dans le Pacifique-Nord, ainsi que dans les pêcheries des îles Shetland, du Japon et de la Nouvelle-Zélande.

À Baja, au Mexique, neuf coopératives disposent de droits de pêche, validés par les autorités du pays, à l’intérieur d’une zone précise. Elles travaillent avec une fédération affiliée pour gérer la pêche et la recherche locales, avec peu d’aide de l’État.

« Pour la bonne gestion de la pêche de capture, il importe que les droits et les responsabilités soient appropriés, clairs et respectés, estime Bill Fox, du World Wildlife Fund. Ces programmes de gestion fondés sur le respect de droits peuvent inciter davantage les pêcheurs à se conformer à des pratiques tenant compte des écosystèmes, assurer l’accès des communautés et des entreprises aux ressources halieutiques, créer des emplois durables dans des communautés tributaires de la pêche, contribuer à atténuer la pauvreté et améliorer la sécurité alimentaire. »

L’organisation non gouvernementale The Nature Conservancy (TNC) est une pionnière des approches communautaires sur la Central Coast en Californie. Elle travaille avec des pêcheurs locaux pour constituer 1,5 million d’hectares de zones où la pêche au chalut est interdite. Elle a également racheté des navires et des permis de pêche au chalut afin de réduire l’impact économique de la fermeture de ces périmètres.

« Nous donnons ces permis en location aux pêcheurs qui utilisent du matériel plus respectueux de l’environnement et qui leur permet de capturer du poisson de meilleure qualité, explique Michael Bell, de TNC. Notre action améliore d’ores et déjà les performances environnementales et économiques de la pêche locale. »

Se regrouper pour une cause commune

En haute mer également, des communautés et des pays s’associent pour mieux affirmer leurs droits et gérer la pêche.

Ainsi, huit pays insulaires du Pacifique (États fédérés de Micronésie, Kiribati, îles Marshall, Nauru, Palau, Papouasie-Nouvelle Guinée, îles Salomon et Tuvalu) ont rejoint les Parties à l’Accord de Nauru (PAN) pour assurer une gestion durable de la pêche du thon sur 14,3 millions de kilomètres carrés d’océan.

Les PAN s’entendent sur le nombre de jours de pêche pour une année, en fonction des avis des experts scientifiques quant à l’état des stocks de thon, puis adjugent les droits de pêche au plus offrant. Certaines mesures de conservation, telles que celles qui imposent la présence d’observateurs à bord des thoniers à senne coulissante et qui interdisent la prise accessoire de cétacés, sont essentielles pour l’efficacité de l’accord, estime Alfred Alfred Jr., secrétaire aux Finances des Îles Marshall.

« Un océan en bonne santé est source de croissance et de développement économiques, surtout pour les petits pays en développement », ajoute-t-il.

Les détenteurs de droits de pêche doivent toutefois être certains que leurs droits seront reconnus et protégés contre ceux qui chercheraient à les leur voler. Or, beaucoup de pays n’ont pas les moyens de lutter contre la pêche illégale pratiquée par des flottes étrangères.

En Afrique de l’Ouest, neuf pays espèrent que leur participation au Programme régional des pêches en Afrique de l’Ouest les aidera à tenir les richesses de leur océan à l’écart de ces menaces. Les stocks de poissons côtiers du Libéria ont été pillés durant les vingt-cinq années de guerre civile et de reconstruction. Aujourd’hui, ce pays investit 12 millions de dollars pour se doter d’une nouvelle réglementation destinée à contrôler le nombre de navires qui peuvent accéder à ses pêcheries, d’un équipement de surveillance à la pointe de la technologie et d’un centre chargé de la surveillance et du respect de cette réglementation. Il a également entrepris de former des agents et de reconstituer son service de garde-côtes avec l’aide des États-Unis.

« Nous faisons tout pour mettre un terme à la pêche illégale, afin de pouvoir retrouver ce que nous avons perdu », explique Florence Chenoweth, ministre de l’Agriculture du Libéria. Dès 2011, les recettes publiques générées par la pêche dans le pays ont été multipliées par plus de trois par rapport à 2010 (certes par rapport à un niveau initial modeste).

Le Partenariat mondial pour les océans rassemble un nombre croissant d’États, d’organisations internationales, de groupes issus de la société civile et d’acteurs du secteur privé autour de l’enjeu de la préservation des océans et des menaces qui pèsent sur leur santé, leur productivité et leur résilience.


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